Droits télé : Michel Seydoux : « Notre tombe est creusée ! »
Publié le 20/02/2015
– Quelle a été votre réaction lorsque vous avez pris connaissance du montant des droits télés anglais ?
« J’estime qu’il s’agit de sa valeur réelle car en trente ans, le football anglais est devenu le plus riche du monde. Ce modèle est dans un cercle vertueux pour pomper tous les talents. Les conséquences sont aussi difficiles à mesurer. L’UEFA, monopole du fric avec la Ligue des champions, a maintenant un vrai concurrent. Il va aussi y avoir deux temps, un effet d’aubaine pour les joueurs haut de gamme mais aussi les jeunes talents. Les 2e et 3e divisions anglaises vont également devenir attractives. »
– La Ligue 1 peut-elle un jour combler son retard ?
« Notre tombe est creusée. Le retard est pris. On est menés 8-0 à la mi-temps et on joue à neuf contre onze. Il faut donner la vraie valeur aux chiffres. La Premier League touchera vraiment les 2,3 milliards par saison. Nous, quand on parle de 750 millions, ce n’est pas bon car il n’y a que 500 millions pour la Ligue 1. Le reste va à la L2, la taxe Buffet… Le rapport est d’un à quatre entre la PL et la L1, comme la L1 et la L2.
Prenons un exemple concret, le cas Kramaric que nous suivions avec le LOSC depuis deux ans. On a fait une offre cohérente mais les Anglais (Leicester) ont proposé plus du double (12,8 millions d’euros) avec un salaire trois fois supérieur. On est condamnés à essayer de protéger notre formation. »
– Êtes-vous d’accord avec Waldemar Kita, président de Nantes, qui veut renégocier les droits de la L1 ?
« Quand j’ai signé un contrat je ne reviens pas en arrière. C’est n’importe quoi ! Aujourd’hui, les Anglais payent très cher car il y a un vrai produit. La L1 n’est même pas au niveau des droits d’exports anglais (900 millions d’euros). En France, on n’a pas voulu arbitrer entre l’excellence et le football amateur, et voilà le résultat. J’entends bien les spectateurs qui crient qu’ils se font chier, moi aussi je m’ennuie. Mais on ne peut pas garder nos talents. Et on a encore la chance d’avoir le PSG. »
– Avez-vous des solutions ?
« Quand on est malade, il faut se faire soigner et ça commence par supprimer l’égoïsme de chacun qui ne pense qu’à son club. Il faut aussi essayer de trouver une régulation européenne. Un des problèmes du foot français, c’est sa fiscalité avec des charges sociales trop lourdes. Il faut aussi réformer le championnat français avec une vraie analyse du nombre de clubs dans chaque division. Seule l’excellence tire vers le haut.
Il faudrait aussi améliorer la relation L1-L2. La L1 donne 90 millions par an à la L2 mais elle n’a rien en échange. La solidarité doit aller dans les deux sens. Mais mettre d’accord 40 personnes aux ego surdimensionnés, c’est très compliqué. J’ai participé à trop de réunions qui ont accouché d’une souris. »