A Copenhague, un girafon abattu pour éviter la consanguinité
Le Monde.fr avec AFP | 09.02.2014 à 19h24 • Mis à jour le 10.02.2014 à 11h01
Un girafon d'un an et demi, en parfaite santé, a été abattu dimanche au zoo de Copenhague, parce que l'animal ne présentait pas un patrimoine génétique suffisamment original.
Malgré de nombreuses manifestations de soutiens, le girafon, prénommé Marius, a été exécuté avec un pistolet d'abattage, avant une autopsie à laquelle ont assisté des visiteurs, dont des enfants. L'animal a fini dépecé devant les caméras des médias danois, pour nourrir les fauves.
« Il a été abattu à 9 h 20. Cela s'est passé comme prévu », a indiqué à l'AFP le porte-parole du zoo, Tobias Stenbaek Bro. Il n'avait pas prévu en revanche que l'affaire déchaîne les passions bien au-delà des frontières du Danemark. « C'est toujours le droit des gens de protester. Mais bien sûr nous avons été étonnés », a souligné M. Stenbaek Bro. Il a ajouté que des membres du personnel du zoo avaient reçu des menaces de mort, notamment le directeur scientifique Bengt Holst qui « a reçu un appel de ce genre au milieu de la nuit » de samedi à dimanche.
ÉVITER LA CONSANGUINITÉ ENTRE GIRAFES
Le zoo avait longuement expliqué sur son site internet mercredi, en danois, qu'il n'avait pas d'autre choix que de ne pas laisser le girafon devenir adulte. Dimanche, il a traduit ce plaidoyer en anglais. Il y explique qu'il participe à un programme de l'Association européenne des zoos et des aquariums (EAZA) pour éviter la consanguinité entre girafes. En vertu de ce programme, les gènes de Marius ont été jugés trop peu originaux pour lui permettre de se reproduire dans son zoo ou dans un autre du réseau de l'EAZA, qui compte 300 établissements.
« Nous ne sommes pas propriétaires des animaux (...) Nous devons donc suivre les directives de l'EAZA » qui est le véritable propriétaire, a précisé M. Stenbaek Bro. Les autres solutions que l'euthanasie ont été écartées : la castration, jugée plus cruelle et qui aurait « des effets indésirables », et la réintroduction dans la nature, processus qui a peu de chances de réussir et qui, dans le cas des girafes, n'est pas souhaité par les pays africains.
PÉTITIONS ET INCOMPRÉHENSION
Inéluctable selon les dirigeants du zoo de Copenhague, la mort du girafon a néanmoins révolté des internautes du monde entier. Dimanche matin, à l'heure de sa mort, plus de 5 200 d'entre eux étaient inscrits à un groupe Facebook appelé « Sauvez Marius ». Près de 3 400 avaient signé une pétition en danois sur skrivunder.net, et près de 24 000 une autre pétition, en anglais, sur thepetitionsite.com, soit 10 fois plus que samedi soir. Après l'euthanasie, beaucoup se disaient choqués que le zoo de Copenhague ait refusé son transfert.
Le parc animalier du Yorkshire à Doncaster (Angleterre), membre de l'EAZA, a indiqué à l'AFP avoir contacté en urgence samedi ses collègues danois pour proposer d'adopter Marius, mais ne pas avoir reçu de réponse. En septembre 2012, un girafon du même âge à peu près, Palle, avait pris un ferry de Copenhague à Kingston upon Hull pour aller vivre dans ce même zoo.
Le zoo de Frösö, à Östersund (Suède), non membre de l'EAZA, a révélé samedi au quotidien suédois Expressen avoir demandé sans succès à récupérer Marius. Son propriétaire affirmait avoir toujours l'agrément qui lui avait permis par le passé d'avoir deux girafes.
PAS À VENDRE
Au Danemark, la campagne en faveur du girafon a été ignorée par les deux principales associations de défense des animaux danoises, Dyrenes Beskyttelse (« protection des animaux », l'équivalent de la SPA française) et Anima (qui milite pour le véganisme).
Le zoo de Copenhague a indiqué avoir reçu une offre de deux millions de couronnes (270.000 euros) d'un particulier. Mais dès l'annonce de l'euthanasie, le zoo avait fait savoir que sa politique était de ne pas vendre ses animaux.
Interrogé par Expressen, un responsable de l'Association des zoos suédois, Jonas Wahlström, a dit comprendre l'euthanasie, mais s'étonner du sort réservé à la dépouille, disséquée devant un public, et réservée ensuite à l'alimentation des lions. « Si on annonçait ça dans les zoos suédois, je crois que le personnel se ferait presque lapider », a-t-il estimé.