par fernando » 29 Oct 2013, 15:06
Les six précédents reculs du gouvernement en matière de fiscalité
Le gouvernement socialiste qui avait, jusqu'à présent, été relativement épargné par les mouvements sociaux classiques, doit faire face à un "ras-le-bol" touchant la fiscalité des entreprises. Ménages, patronat et petits entrepreneurs, chacun obtient des concessions d'un exécutif qui semble prompt à faire marche arrière. Dernière en date, la volte-face, ce mardi midi, sur l'écotaxe poids lourds, dont le premier ministre a annoncé la suspension en réponse aux manifestations en Bretagne. Retour sur les précédents reculs du gouvernement en matière fiscale.
■Taxe à 75 % les très hauts revenus - Promesse de campagne
La taxe à 75 % a été une promesse phare de Hollande candidat. Il l'avait annoncée le 27 février 2012, en direct à la télévision. Il devait s'agir d'une taxe exceptionnelle à durée limitée, qui devait s'appliquer sur les très hauts revenus – à partir de 1 million d'euros par an. Sa mise en œuvre s'est pourtant révélée compliquée. Une première version a été adoptée par le Parlement le 20 décembre 2012, mais a été censurée par le Conseil constitutionnel dix jours plus tard. Puis le Conseil d'Etat a recommandé un taux marginal maximal d'imposition à 66,66 %. Le 28 mars 2013, le chef de l'Etat annonce que la taxe à 75 % sera finalement payée par les entreprises, et non par les salariés. La mesure doit être incluse dans le budget ou dans le futur texte sur la gouvernance. Elle devrait rapporter, selon Bercy, 500 millions d'euros par an à l'Etat. A condition que les entreprises ne "délocalisent" pas leurs hauts dirigeants, ou ne baissent leurs salaires.
Le gouvernement semble décidé à ne pas reculer sur l'application de la taxe à 75 % aux clubs de foot professionnels. Le président vient de le réaffirmer, vendredi 25 octobre : "La loi fiscale doit être la même pour tous." Les présidents des clubs en question seront cependant reçus à l'Elysée jeudi 31 octobre.
■Loi sur la rémunération des patrons - 9 juillet 2012
Parmi les promesses du candidat Hollande, on comptait également le plafonnement des rémunérations des dirigeants des entreprises publiques et l'encadrement de celles des patrons d'entreprises privées. Le ministre de l'économie, Pierre Moscovici, déclare début juillet 2012 : "Une loi régulera, voire prohibera, certaines pratiques qui nous semblent excessives." Un projet de loi est prévu pour l'automne, mais reporté, plusieurs fois.
Le 2 mai 2013, M. Hollande réitère son engagement : "Un projet de loi sera présenté dans les prochaines semaines." Pourtant, trois semaines plus tard, il est tout bonnement enterré. Le 23 mai, M. Moscovici annonce dans Les Echos qu'"il n'y aura pas de projet de loi spécifique" sur la rémunération des patrons, ajoutant : "J'ai choisi d'agir dans le dialogue." A sa place, c'est l'option de l'"autorégulation exigeante" qui est choisie, beaucoup moins contraignante, donc.
Quant aux dirigeants d'entreprises publiques et de leurs filiales, ils ont effectivement vu leurs salaires limités à 450 000 euros annuels depuis juillet 2012.
■Projet de taxe sur les plus-values - 28 septembre 2012
Le 28 septembre 2012, à l'annonce du projet de loi de finances, la Confédération générale des petites et moyennes entreprises (CGPME) donnait son satisfecit. Mais des entrepreneurs montent une fronde, avant même l'ouverture de la discussion parlementaire. C'est en particulier le point concernant une hausse de la taxation des plus-values réalisées lors de la vente de parts d'une entreprise qui concentre les critiques.
La révolte des "pigeons" aboutit très rapidement : une semaine et un rendez-vous à Bercy plus tard, le projet est amendé. Le ministre délégué au budget, Jérôme Cahuzac, promet finalement aux entrepreneurs de revenir "au statu quo ante, c'est-à-dire le prélèvement libératoire forfaitaire à 19 %", "dès lors qu'il s'agit de cession d'entreprise de la part d'un créateur". Et pourtant, quelques jours plus tôt, le ministre de l'économie assurait encore qu'il était "hors de question" de remettre en cause le principe de l'alignement de la fiscalité des revenus du capital sur ceux du travail prévu dans le projet de loi de finances pour 2013.
Le 5 octobre, c'est M. Cahuzac qui fait son mea culpa face à des dirigeants de PME, et d'admettre : "Sur les plus-values, nous avons probablement commis une erreur." Les PME sont largement épargnées, insiste-t-il, précisant qu'elles bénéficient même de nouveaux avantages, comme l'extension du crédit d'impôt recherche (CIR).
■La modulation des taux de TVA - 5 décembre 2012
Début décembre 2012, les députés votent une hausse des taux de TVA. C'est la réforme la plus discrète, mais qui va coûter le plus cher aux ménages. Au 1er janvier 2014, le taux normal de la TVA doit passer 19,6 % à 20 %, l'intermédiaire de 7 % à 10 %, le taux réduit doit, lui, redescendre de 5,5 % à 5 %. Grâce à la modification de ces taux, le gouvernement compte dégager plus de 6 milliards d'euros pour financer une partie des 20 milliards que coûtera en 2014 le crédit d'impôts compétitivité et emploi (CICE, adopté la veille du vote de la hausse de la TVA). Cependant, en octobre 2013, les doutes sur l'annulation de la baisse du taux de TVA sur les produits de première nécessité se confirment, ce taux restera donc fixé à 5,5 % le 1er janvier 2014.
L'exécutif s'était employé à faire accepter cette mesure en insistant sur sa "justice fiscale" (la baisse du taux de TVA réduit pour faire passer la hausse des deux autres). Mais la baisse d'un demi point de la TVA réduite aurait entraîné une baisse de recettes fiscales de 750 millions d'euros. De plus, certains, dans le camp même de la majorité gouvernementale (notamment le rapporteur général PS du budget, Christian Eckert), alertaient depuis un an sur l'impact quasi nul qu'aurait cette baisse sur le pouvoir d'achat des ménages les plus modestes.
■Plusieurs secteurs exemptés de la hausse de TVA - septembre 2013
A l'approche du budget 2014, le lobbying s'intensifie, en particulier de la part des secteurs qui bénéficient du taux à 7 % (qui vont subir la plus importante augmentation), notamment le transport de voyageurs, l'hôtellerie-restauration, les ventes d'œuvres d'art, les travaux de rénovation de logement et le cinéma. L'exécutif accepte d'accorder plusieurs dérogations. D'abord pour le logement social et les travaux de rénovation des HLM, le taux ne va pas passer à 10 %, mais baisser à 5 %. Puis le 8 septembre, Les Echos révèlent que le cinéma va bénéficier lui aussi d'une exemption. La TVA applicable aux tickets de cinéma va elle aussi être réduite à 5 %. Coût prévu de ce geste : 60 millions d'euros.
Lors de son discours d'ouverture à la Conférence environnementale, le président François Hollande a aussi annoncé que le taux de TVA des travaux de rénovation thermique des logements passerait de 7 à 5 % le 1er janvier 2014. Manque à gagner prévu pour le gouvernement : 750 millions d'euros.
D'ici à la fin de l'année, d'autres secteurs pourraient aussi profiter d'une baisse de la TVA. Les parlementaires ont la latitude d'établir quels seront les secteurs touchés par les hausses de taux, ou pas.
■Taxe sur l'excédent brut d'exploitation des entreprises - 25 septembre 2013
Le projet de taxe sur l'excédent brut d'exploitation (EBE), présenté le 25 septembre, est mort-né. Devant le mécontentement des patrons (selon le Medef, "les entreprises qui investissaient beaucoup étaient très pénalisées") et les critiques des parlementaires socialistes, le gouvernement fait vite marche arrière. Dimanche 6 octobre, M. Moscovici annonce donc le report de cette taxe sur l'EBE. Il prévoit plutôt un doublement de la surtaxe sur l'impôt sur les sociétés. La taxe sur l'EBE devait rapporter 2,5 milliards d'euros, la surtaxe aussi. Les organisations patronales sont rassurées.
■ Taxation de l'épargne - octobre 2013
Le gouvernement a voulu puiser dans le cher bas de laine des Français pour financer la protection sociale, en relevant de 11 à 15,5 % les prélèvements sociaux sur certains produits parmi les plus courants, comme les plans d'épargne en actions (PEA), les plans d'épargne-logement (PEL) ou l'épargne salariale. Mais face au tollé suscité, il a partiellement renoncé à cette taxation supplémentaires ce week-end.
Bernard Cazeneuve, ministre délégué au budget, précise dans un entretien au Journal du dimanche du 27 octobre : "Nous avons décidé d'amender le projet de loi de financement de la Sécurité sociale pour sortir les PEL, les PEA et l'épargne salariale de la mesure pour épargner les patrimoines moyens et modestes." Manque à gagner : 200 millions d'euros de recettes.
"L'alcool tue lentement. On s'en fout, on a le temps."