par fernando » 07 Mai 2014, 11:08
Hollande et Mosco FDPs.
L'Europe est une grosse merde bureaucratique où on ne décide jamais de rien à force de consensus mou.
Europe: la «taxe Tobin» est mise en lambeaux
06 mai 2014 | Par Ludovic Lamant
Ce devait être l'une des preuves de la « réorientation » de l'Europe chère à François Hollande. Mais le projet d'une taxe européenne sur les transactions financières ne cesse, mois après mois, d'être raboté. Des 57 milliards d'euros de collecte initialement attendus, on est passé à moins de 5 milliards… Les dix pays participants ont fixé à janvier 2016 l'entrée en vigueur d'une mini-version de cette taxe.
De notre envoyé spécial à Bruxelles. Prié de dire en quoi il avait lutté contre le monde de la finance, depuis son élection en 2012, François Hollande s'est félicité, lors de son grand oral sur BFM et RMC mardi 6 mai, de l'introduction d'une taxe sur les transactions financières en Europe : « Elle était inexistante jusqu'à présent. Elle est là », a-t-il déclaré, sans davantage de précision.
Mais le président français a sans doute parlé trop vite, tant les obstacles semblent encore nombreux pour instaurer cette « taxe Tobin » à l'échelle du continent. Deux réunions clés sur le sujet, qui se sont déroulées lundi et mardi à Bruxelles, viennent de le confirmer : sur le fond, rien n'a encore été décidé. Pire : l'ambition initiale ne cesse d'être rabotée.
Depuis le début de l'année, Paris et Berlin avaient pourtant mis les bouchées doubles sur ce dossier emblématique. Il fallait tout faire pour arracher un accord avant les élections européennes de mai. Les socialistes français, en particulier, voulaient y voir l'une des preuves de la « réorientation » de l'Europe, leur thème de campagne favori, d'ici au scrutin du 25 mai. La présidence tournante de l'UE, assurée par la Grèce jusqu'en juin, en avait aussi fait sa priorité. Mais les 11 États membres de l'Union, qui s'étaient déclarés volontaires, à l'automne 2012, pour mettre en place cette taxe, n'ont pas su s'entendre sur les modalités de cet impôt nouveau.
Les participants, dont la France, l'Allemagne et l'Italie, ont repoussé à janvier 2015 toute décision sur l'assiette exacte de la taxe, qui continue de les diviser. Ils ne sont pas non plus tombés d'accord sur la manière dont cette taxe serait ponctionnée (selon, dans le jargon, le principe de résidence ou le principe d'émission). Seule véritable avancée : les capitales concernées se sont mises d'accord sur un calendrier.
Une première mouture a minima de la taxe doit entrer en vigueur en janvier 2016. Celle-ci portera principalement sur les actions, et exclura les obligations d'État, mais aussi sans doute une bonne partie des produits dérivés – sans qu'on en sache beaucoup plus pour l'instant. Dans une seconde étape, encore très floue, l'assiette serait élargie et pourrait porter sur l'ensemble des dérivés – y compris les plus spéculatifs. « Il est certain que des questions complexes se posent. C'est pourquoi il nous paraît nécessaire d'engager de nouveaux travaux techniques », lit-on dans un projet de déclaration des pays participants, que Mediapart a pu consulter, et qui n'avait pas encore été publié mardi en fin de journée.
« C'est un accord qui va nous permettre de nous inscrire dans un calendrier, s'est défendu 3Michel Sapin, le ministre français des finances, lundi soir à Bruxelles. On ne va pas parler de la taxe en l'air, d'une taxe qui serait un bel objet, mais qui jamais ne redescendrait sur Terre, elle est en train de redescendre sur Terre, elle va s'appliquer. » Mais le ministre n'a rien dit sur le type de dérivés qui seraient effectivement taxés à partir de 2016. Au passage, le groupe de pays impliqués s'est réduit, de 11 membres à 10, après la défection de la Slovénie, dont le premier ministre vient de démissionner.
À l'origine, le projet de directive présenté en 2011 3 par la commission européenne, pour une taxe dans l'ensemble des États membres, et sur tous les marchés, devait rapporter, chaque année, 57 milliards d'euros. Face au veto de certaines capitales – à commencer par Londres et Luxembourg –, une « coopération renforcée », intégrant les 11 États membres les plus motivés, a été enclenchée. Un nouveau projet de directive, dévoilé en février 2013 par l'exécutif européen, tablait alors sur des revenus annuels de l'ordre de 30 à 35 milliards d'euros. Cette fois, si l'on s'en tient au chiffrage de la commission, la taxation des seules actions doit générer 4,6 milliards d'euros… En clair, le projet n'a cessé, mois après mois, de se dégonfler.
Le commissaire européen chargé du dossier, Algirdas Semeta, le reconnaît sans détour. « C'est vrai que le projet, et le rythme d'application, sont moins ambitieux que ce que la commission a proposé, a réagi, mardi, 3 le Lituanien. Mais chaque pas en avant vers une taxe sur les transactions financières est important. »
Du côté de la société civile, les réactions sont plus rudes à l'encontre des capitales, et en particulier de l'exécutif socialiste français. « À trois semaines des élections européennes, cette déclaration permet de faire beaucoup de bruit à peu de frais, les négociations sur les produits financiers les plus spéculatifs étant une nouvelle fois repoussées », regrette Alexandre Naulot, d'Oxfam-France. « On nous rassure en affirmant que “certains” dérivés vont être taxés, mais on ne dit pas lesquels. On nous parle d'un accord décisif, alors qu'il s'agit uniquement d'une première phase, pour 2016, sans aucune information pour la suite. »
« C'est l'aboutissement d'une année de manœuvres de la France pour saboter le projet proposé par la commission européenne, commente 3 Thomas Coutrot, co-président d'Attac, association qui défend le principe d'une « taxe Tobin » depuis la fin des années 1990. De tous les renoncements accumulés depuis son élection, celui-ci est le plus symptomatique de la dérive ultralibérale du président de la République. »
Au sein de la classe politique, Philippe Lamberts, un eurodéputé belge du groupe des Verts, regrette un « exercice de communication » des États membres, « qui n'a pour seul mérite que de confirmer leur absence totale d'ambition dans ce dossier, ainsi que leur perméabilité au lobbying de l'industrie financière ». Pour le Front de gauche, « cette taxe n'est qu'une astuce pour amuser la galerie à quelques semaines des élections européennes », estime Corinne Morel-Darleux, candidate aux européennes. « Elle ne touchera ni les marchés des changes, ni les obligations, ni l'ensemble des produits dérivés hautement spéculatifs ».
Officiellement très allant sur le principe d'une taxe la plus large possible, Paris pratique le double jeu depuis plus d'un an. Sous la houlette de Pierre Moscovici, Bercy a fait attention, en particulier, à ménager les intérêts des banques françaises. Les Français se sont démenés à Bruxelles pour exclure de l'assiette de la taxe certains marchés de dérivés d'actions sur lesquels les grandes banques françaises sont très investies. En début d'année, face à l'enlisement des négociations, Paris a même tenté un coup de poker, proposant de remplacer cette taxe par un impôt, prélevé une fois par an, sur le bilan des banques. Mais personne, au sein du groupe des 11, n'a suivi.
Les négociations des mois à venir s'annoncent donc toujours aussi délicates. Les Français ne veulent pas aller beaucoup plus loin que la taxe déjà mise en place par Nicolas Sarkozy, effective depuis août 2012, et qui ne porte, en France, que sur les actions. Les Allemands, eux, protègent certains marchés de dérivés qui permettent de spéculer sur la dette des États, marchés sur lesquels des banques allemandes sont très présentes. Quant aux pays du Sud, comme l'Espagne ou le Portugal, ils rechignent à taxer les obligations d'État, de peur de voir leurs coûts d'emprunt partir, une nouvelle fois, à la hausse, comme au plus dur de la crise financière.
Il reste aussi à trouver des garanties qui permettent à des pays comme la Belgique ou l'Italie, qui expérimentent déjà des taxes sur les transactions financières plutôt ambitieuses, de ne pas devoir faire marche arrière pour s'aligner sur leurs partenaires européens.
Seule bonne nouvelle, dans ce contexte peu réjouissant, pour les défenseurs d'une « taxe Tobin » à grande échelle : la Cour de justice européenne a rejeté, fin avril 3, le recours déposé par Londres contre ce projet de taxe à 11. Les regards se tournent désormais vers le sommet franco-allemand de la fin de semaine, durant lequel Paris et Berlin pourraient vouloir préciser les contours du projet. Et expliquer, par exemple, à quoi servira l'argent récolté
"L'alcool tue lentement. On s'en fout, on a le temps."