par fernando » 31 Août 2014, 14:09
[didn't read lol]
Ca fait rêver la politique européenne, les discussions au conseil européen sur la tournure d'une phrase pour ne pas froisser les allemands...
A Bruxelles, Hollande refuse encore de monter au créneau face à Merkel
31 août 2014 | Par Ludovic Lamant
Seule annonce sur le front économique, à l'issue du sommet européen de samedi: la tenue de trois sommets, en octobre, sur la croissance et l'emploi. C'est peu, pour le chef de l'Etat français, qui peine toujours autant à prouver que sa stratégie européenne porte ses fruits.
De notre envoyé spécial à Bruxelles. La semaine de l'exécutif s'est ouverte à Paris avec l'exclusion du gouvernement d'Arnaud Montebourg, partisan d'une opposition musclée avec Berlin sur les politiques d'austérité. Mais François Hollande a eu du mal à prouver, lors d'une réunion à Bruxelles samedi soir, que sa stratégie plus conciliante avec la chancelière Angela Merkel allait finir par porter ses fruits.
Le sommet européen extraordinaire, dernière étape d'une semaine chaotique pour le chef de l'État français, a confirmé à quel point la stratégie du chef de l'État pour « réorienter l'Europe » vers plus de croissance et d'investissement était, sinon hasardeuse, en tout cas infiniment lente à se mettre en place. Loin de l'urgence de la crise sociale – près de 25 millions de chômeurs – qui secoue l'Europe.
Sur le fond, le président Hollande continue de répéter ses fondamentaux : il a diagnostiqué, lors de sa conférence samedi soir, un « problème d'offre » dans certains pays de l'UE, mais aussi un « problème de demande à l'échelle européenne ». D'où la nécessité, pour y répondre, de réformes structurelles dans les pays qui doivent améliorer leur compétitivité (à l'image du « pacte de responsabilité » en France), mais aussi d'une relance massive, par l'investissement public et privé, mise en place par Bruxelles.
Aux yeux de l'exécutif français, l'UE est confrontée à une « situation exceptionnelle » qui doit aussi obliger les Vingt-Huit à lâcher du lest dans l'application du pacte de stabilité, ce texte qui encadre les politiques budgétaires sur le continent. Croissance morne, risque de déflation, chômage carabiné : « Chaque pays doit assainir ses finances publiques mais il faut que le rythme et la consolidation soient adaptés à la situation exceptionnelle que nous vivons en Europe », martèle-t-on à l'Élysée.
Voici pour les discours. Le problème, c'est que ces questions ont à peine été soulevées autour de la table des dirigeants, samedi. Les chefs d'État et de gouvernement ont pris l'essentiel de leur temps pour débattre de la crise ukrainienne – et valider deux nominations clés à Bruxelles. Les conclusions ne contiennent qu'un seul paragraphe sur l'économie (lire les conclusions, paragraphe 7), dont le contenu a été en partie atténué par les Allemands.
Le calendrier de ce sommet semblait pourtant idéal pour bousculer l'agenda, et rouvrir ces débats clés. François Hollande s'était même trouvé, cet été, un allié précieux, en la personne de Mario Draghi. Le patron de la BCE, inquiet de l'état de l'économie au sein de la zone euro, a surpris nombre d'observateurs, le 22 août, en montrant Berlin du doigt : « Il serait utile (…) si la politique budgétaire pouvait jouer un plus grand rôle aux côtés de la politique monétaire, et je crois qu'il y a des marges de manœuvre pour cela. » En clair, Draghi exhorte désormais l'Allemagne à investir davantage, mais aussi à prendre en compte le « coût des réformes » dans l'application du pacte de stabilité – exactement ce que réclament les sociaux-démocrates, pour « adoucir » l'austérité.
Mais le débat n'a pas eu lieu à Bruxelles. Seule annonce à retenir, sur le front de la crise économique : l'organisation de trois sommets consécutifs, en octobre, sur la croissance et l'emploi, auxquels toutes les décisions ont été reportées. De quoi temporiser pendant quelques semaines.
À la demande de Matteo Renzi, le président du conseil italien, un premier sommet aura lieu à Rome, consacré à la lutte contre le chômage des jeunes. Il reprendra le format des conférences organisées en 2013, à Paris puis à Berlin sur le même sujet, et qui avaient débouché sur quelques annonces sans lendemain (un « New Deal pour les jeunes », un « Erasmus de l'apprentissage »).
Plus important, Jean-Claude Juncker, qui dirigera la commission à partir de novembre, présentera, lors du prochain conseil européen, fin octobre, les grandes lignes de son plan d'investissement de 300 milliards d'euros pour relancer l'UE. Le Luxembourgeois avait fait cette annonce mi-juillet, devant le parlement européen, le jour de son élection à la tête de la commission. Mais il est resté discret, depuis, sur le détail du financement.
L'opération est censée se dérouler sur trois ans, à partir d'injection de capitaux publics et privés, dans des secteurs clés comme l'énergie ou les infrastructures. Juncker souhaite en particulier mieux utiliser les fonds européens qui ne trouvent pas preneur (lire notre article), ou encore améliorer les effets de levier de la Banque européenne d'investissement (BEI), autant de recettes déjà exploitées… par François Hollande en 2012, pour mettre en place un « pacte de croissance » chiffré, à l'époque, à 130 milliards d'euros, et qui n'a depuis pas donné grand-chose.
Même le montant de 300 milliards d'euros, s'il peut sembler gigantesque, reste modeste s'il est étalé sur trois ans, et divisé en 28… À titre de comparaison, la nouvelle « initiative de croissance » défendue, en juin, par les Français, avançait, elle, le chiffre de 1 200 milliards d'euros, sur cinq ans.
Dans les conclusions, quelques renoncements français...
Le troisième sommet qui devrait se tenir en marge du conseil européen est une réunion spécifique des pays de la zone euro, à la demande de François Hollande. C'est dans ce cadre que les Français veulent rouvrir le débat, relancé par Rome au début de l'été, sur la « flexibilité » des règles du pacte budgétaire européen. À ce stade, ils n'ont aucune garantie de succès.
De ce point de vue, l'attitude du camp français, samedi, n'invite pas à l'optimisme. Autour de la table du conseil, où les débats ne sont pas publics, le président français ne s'est pas battu autant qu'il aurait pu. On se contentera ici de donner deux exemples de ces renoncements français, certes limités, qui peuvent même paraître anecdotiques aux yeux de certains, mais qui, fréquents, et mis bout à bout, illustrent bien la mainmise de Berlin dans les débats économiques à Bruxelles. Presque à chaque fois, c'est Angela Merkel et ses alliés qui ont le dernier mot.
Premier exemple. Dans une première version des conclusions, préparées par le Trésor français, les Vingt-Huit s'inquiétaient d'une reprise de l'économie « uniformément faible ». C'est du jargon, mais il s'agissait d'un copié-collé de l'expression utilisée par Mario Draghi dans son discours menaçant du 22 août. Cette expression avait l'avantage d'aller dans le sens de l'argumentation de Paris : les difficultés n'épargnent personne en Europe, il faut donc une réponse globale depuis Bruxelles, plutôt que de stigmatiser tel ou tel pays.
Mais Berlin est intervenu en amont du sommet pour gommer ce passage. Dans les conclusions de samedi, il n'est plus question que d'une reprise « fragile » – exactement le même adjectif qui figure dans les conclusions de juin, et qui n'engage à rien. Les Français n'ont pas protesté. Mais ils se sont tout de même battus pour que la phrase – « l'inflation est exceptionnellement faible » – soit maintenue, alors qu'Angela Merkel voulait, là aussi, la rayer des conclusions, estimant qu'il revenait à la BCE, et à la BCE à elle seule, de parler d'inflation…
Autre point d'achoppement : le sommet spécifique de la zone euro proposé par Hollande. Plusieurs témoins des discussions ont confirmé à Mediapart qu'Angela Merkel n'en voulait pas. Or, lorsque le chef d'État français en a parlé pour la première fois, jeudi devant les ambassadeurs, il a évoqué un sommet « qui puisse être réuni dans les meilleurs délais pour prendre les mesures nécessaires ». À la sortie de la réunion avec les sociaux-démocrates samedi midi, les choses se précisaient : le sommet organisé début octobre à Rome, à l'initiative de l'Italie, serait « suivi par un sommet de la zone euro » : on imaginait donc une réunion mi-octobre au plus tard.
Mais dans les conclusions du conseil de samedi soir, la formule devient plus vague: « À l'automne, un conseil européen répondra à la situation économique (fin octobre, ndlr) et un sommet de la zone euro sera convoqué. » François Hollande, samedi soir, a même évoqué une réunion en novembre, le temps que la nouvelle commission de Jean-Claude Juncker se mette en place.
Ce flottement dans le calendrier n'est qu'une simple anecdote ? Pas seulement. Car cela signifie aussi que ce sommet inédit se tiendra après le 15 octobre, rendez-vous majeur pour Paris, puisque l'exécutif devra, à cette date, avoir fait parvenir à la commission son projet de budget pour l'an prochain, conformément aux nouvelles règles budgétaires en vigueur en Europe. Les Français avaient donc tout intérêt à organiser cette conférence avant le 15, pour arrondir les angles du budget 2015. C'est raté pour cette fois.
Si François Hollande n'est pas monté au créneau samedi soir, c'est peut-être en partie parce qu'il s'est trouvé plus seul que d'habitude. Son allié Matteo Renzi, le chef du gouvernement italien, qui s'était opposé à Angela Merkel lors du conseil de juin, est resté cette fois sur la défensive. « Il ne pouvait pas mener deux combats en même temps, Mogherini et la flexibilité. Il aurait trop chargé la barque », résume un diplomate.
Renzi s'est en effet battu, pendant tout l'été, pour que sa ministre des affaires étrangères, Federica Mogherini, soit désignée pour succéder à Catherine Ashton à la tête de la diplomatie européenne. C'est chose faite depuis samedi soir. Le Florentin n'avait plus suffisamment de cartouches, samedi soir, pour rouvrir ce débat, laissant Hollande seul en piste. À l'issue du sommet, François Hollande jugeait que le remaniement du gouvernement du début de semaine, parce qu'il a apporté « clarification » et « cohésion », avait eu pour effet de « renforcer la position française » à Bruxelles. Il va encore falloir beaucoup d'autres conseils européens pour que l'on puisse commencer à s'en apercevoir.
[/didn't read lol]
"L'alcool tue lentement. On s'en fout, on a le temps."