par wipoLEgonbou » 03 Déc 2013, 13:00
Frédéric Paquet, le Directeur Général Adjoint du Losc, fait le point pour Francefootball.fr sur la situation de son équipe, qui s'apprête à défier Marseille ce mardi soir (19 heures) dans un Grand Stade qui risque d'approcher son record de fréquentation.
«Le Losc est-il d'après vous capable de titiller longtemps le PSG et d'avoir cette baraka ?
La baraka est liée à la compétence des joueurs et de l'entraîneur, ainsi qu'à la solidité du club. Ce n'est pas que de la chance. Je ne vois personne pour dire que le PSG ne sera pas champion de France. Aujourd'hui, nous ne sommes pas formatés pour être deuxièmes. Ce n'est pas la logique des choses. Vous avez des clubs plus riches que nous, Marseille, Lyon, Monaco, qui doivent finir devant nous. Si on finissait deuxième, ça serait une exception. On est dans notre ligne pour finir dans les cinq premiers.
On a l'impression que ce groupe n'a peur de personne ?
Il y a un vrai collectif qui prend du plaisir à travailler ensemble. Ce partage de valeurs communes fait qu'il y a une force qui se dégage. Mais tout le monde sait que c'est fragile.
Il y a plus d'un an, Lille entrait dans son Grand Stade. C’est un moment qui a beaucoup compté pour vous ?
Pas personnellement, mais c’était important pour le club. Il faut se rappeler qu'en 2000 (NDLR : quand il est arrivé au club), il n’y avait rien : pas de terrain d’entraînement, un stade plutôt vétuste, un club éclaté sur trois ou quatre sites. Treize ans après, ce n’est plus pareil.
Êtes-vous satisfait de l’insertion du Grand Stade dans le quotidien du Losc ?
Le stade est beau, très valorisant. Cela a été un moteur pour l’ensemble du club. Son intégration a été plutôt bien gérée parce que c’était unique en Europe de passer de 17 000 à 50 000 places. C’est une vraie fierté.
Mais n’a-t-il pas, dans un premier, temps, écrasé le sportif et le début de saison 2012-13, où Lille était 10e au même moment l'an dernier ?
Ç'a mobilisé beaucoup d’énergies. Pendant les dix mois qui ont précédé l’arrivée et les six à sept mois qui ont suivi, la quasi-totalité du club était concentrée sur LE stade et y a bossé quasiment à 200%.
Aujourd’hui, cet outil vous satisfait-il pleinement ?
Quand on fait le bilan un an après, c’était attendu comme quelque chose qui devait permettre de nous développer et de franchir un cap, hors ce n’est pas ça. Autant d’un point de vue d’image, de notoriété, de confort pour les spectateurs, pour les médias et les VIP, le contrat est rempli à 200%, autant sur le versant économique, ça ne répond pas du tout à ce qu’on pouvait imaginer. On a quasiment triplé nos recettes sauf qu’on a dû quintupler nos coûts. Et aujourd’hui, on a une charge fixe énorme qui nous empêche de pouvoir ajuster notre budget. Et ça, c’est le vrai point noir d’un stade comme le nôtre et cela va être le cas pour Bordeaux, Lyon, Nice ou Marseille. On n’avait pas imaginé que ça coûterait aussi cher. Il y a 1 900 personnes qui travaillent par match, donc aujourd’hui, les coûts de fonctionnement du stade c’est onze millions d’euros dont cinq millions de loyer.
Lille a-t-il eu peur de ne pas être performant et donc de ne pas pouvoir rentabiliser le stade rapidement ?
Il ne fallait pas oublier qu’une équipe devait jouer et si possible gagner. On a réussi à trouver cet équilibre à peu près correctement jusqu’a l’arrivée du stade. Pendant six mois, le club était plus concentré sur le stade plutôt que sur l’équipe.
En fin de saison, vous échouez aux portes de l’Europe (6e), il a donc fallu vendre...
Tout ce qui fait que vous gagnez moins d’argent est pénalisant. Il faut se réajuster en permanence. C’est le lot quotidien de tous les clubs comme nous. Votre performance sportive est intiment liée à la réussite financière. La plupart des clubs sont soumis à des cycles plus ou moins longs. Imaginer qu’un club puisse rester de manière constante au haut niveau alors qu’il a des contraintes financières, ce sont des fantasmes, ça n’existe pas.
Aujourd'hui, la politique qui était celle du Losc de 2011, lorsqu'il a été champion, n'est plus vraiment la même...
On avait une génération de joueurs et un équilibre sportif qui nous laissaient penser qu’il y avait matière à. Tout était réuni et on avait une masse salariale plutôt faible. L'actionnaire a alors dit "on peut prendre le risque de garder les joueurs un ou deux ans de plus". Quand on a commencé à voir le stade arriver, on s'est dit "on va viser le podium parce qu'on a une chance sur deux ou trois d'y être une fois tous les deux ans et donc de prendre trente millions d'euros de participation à la Ligue des champions". Mais Paris et Monaco sont arrivés. Ça a changé la donne. Ça ne faisait plus qu'une chance sur six ou sept donc on a décidé de ne plus prendre de risques. Pourquoi le seul club qui a investi l’an passé était Marseille ? Parce qu’ils sont en Champions League. On verra ce qu’il va faire l’année prochaine s’il n’y est pas.
Le cas Thauvin est-il l'exemple de la politique du LOSC basée sur des recrues à bas coût ?
Ce qu'on fait en janvier 2013 avec lui correspond exactement à ce qu’on veut faire (NDLR : Lille achète Thauvin à Bastia mais le laisse finir la saison en Corse). On repère avant tout le monde un joueur plutôt à fort talent, qui est à des prix raisonnables en salaire et en transfert. Mais à un moment donné, il y a eu un déclencheur qui a fait qu'il ne voulait plus venir. On était pourtant vigilant sur l'homme et on s'aperçoit qu’a priori on s’est un peu trompé. C’est lui qui est à l’origine du bazar et tout d’un coup, Marseille fait une offre qui économiquement n’est pas rationnelle, on doit l'accepter. On est tous frustré moralement, on aurait voulu que Thauvin reste car c’est comme ça qu’on fonctionne, quand on s’engage, on respecte nos engagements, nous. Mais le cas de Thauvin n'est pas le seul, on est dans la capacité de repérer assez tôt des talents pour les faire venir afin qu'ils se développent. C'est le cas des Gueye, Souaré, Méité, Sidibé...
Quel est le cap du LOSC version 2013 ?
Vu l'effectif, les cinq premières places étaient l'objectif. La philosophie de départ ne change pas, "faire le mieux possible avec ce qu'on a". Les gens doivent intégrer qu'il n'est pas possible de dissocier la performance sportive des moyens financiers, ça n'a pas de sens.
Pourtant Nice a terminé 4e l'an passé...
C'est l'exception qui confirme la règle. Regardez où Nice est aujourd'hui (15e). Vous avez toujours une équipe qui est en haut de son cycle et qui arrive à son apogée. Montpellier (champion en 2012), Lille (3e en 2005-06), Toulouse (3e en 2006-07). Pour peu qu'une équipe plus forte soit en déclin, elle se fait prendre sa place. C'est le cas de Nice par rapport à Lille l'an dernier. Lille n'aurait jamais dû se retrouver en-dessous de Nice si on raisonne en terme de moyens. Mais ça ne prouve en rien qu'avec des moyens faibles, vous pouvez gagner, ce n'est pas vrai.»