par fernando » 08 Fév 2015, 14:22
Plus fort que Balkany! Réelu depuis sa cellule en prison
De la cellule à la Chambre
Le Monde | 05.02.2015 à 12h54 • Mis à jour le 08.02.2015 à 11h12 | Par Gilles Paris (Washington, correspondant)
Incarcéré pour six mois, il vient d'être réélu après avoir démissionné de son mandat et bénéficie d'une permission de sortie pour aller siéger au parlement d’Etat de Virginie.
Emprisonné pour avoir eu des relations sexuelles avec une jeune fille de 17 ans, le député Joe Morrissey, 57 ans, se rend à la Chambre muni d'un bracelet électronique.
S’il se crée, à la Chambre des délégués de Virginie, une mission parlementaire sur l’état des prisons, les élus n’auront pas à aller chercher très loin pour nourrir leurs auditions. Depuis un mois, ils comptent en effet dans leurs rangs un député qui ne quitte sa cellule que pour venir siéger parmi eux, muni à toutes fins utiles d’un bracelet électronique.
Homme d’honneur, Joe Morrissey, 57 ans, avait démissionné de ses fonctions en décembre, après sa condamnation à six mois d’emprisonnement pour relations sexuelles avec une mineure (réceptionniste dans son cabinet d’avocats). Homme d’humeur, il s’était cependant aussitôt ravisé et avait rompu avec le Parti démocrate pour pouvoir se présenter comme indépendant devant les électeurs, qui l’ont élu sans interruption depuis 2007.
Le 13 janvier au soir, c’est donc depuis la Henrico County Regional Jail East, un établissement pénitentiaire situé à l’est de Richmond, qu’il apprenait la nouvelle de sa réélection avec près de dix points d’avance sur le candidat démocrate officiel et près de vingt sur le républicain.
Depuis, les deux grands partis ne savent plus à quel article du règlement de la Chambre se vouer pour mettre un terme à une situation, disons, embarrassante, sans paraître pour autant désavouer les électeurs.
C’est que le Parlement du Commonwealth de Virginie plonge ses racines jusqu’aux premières heures de la colonisation de l’Amérique, en 1619. De plus, l’Etat du Sud a déjà fort à faire pour redorer son image depuis le précédent qu’a constitué la condamnation à de la prison ferme d’un de ses anciens gouverneurs.
Les « débordements » de l’élu
Ainsi, une semaine avant la réélection controversée du délégué Morrissey, Robert McDonnell a été reconnu coupable d’avoir accepté les cadeaux jugés intéressés d’un homme d’affaires, alors qu’il exerçait entre 2010 et 2014 la fonction occupée naguère par le Père fondateur Thomas Jefferson.
Favorable à un meilleur contrôle des armes à feu, Joe Morrissey, lui, s’était distingué en 2013 pour avoir brandi un fusil d’assaut AK-47 (non chargé) au cours d’une séance de la Chambre. Il a par ailleurs toujours entretenu avec la vérité des relations complexes, et avec ses pairs des échanges musclés.
Les façons de faire de l’avocat avaient abouti à sa suspension puis à sa radiation du barreau au bout d’une quinzaine d’années d’exercice ponctuées d’avertissements et de pénalités pour divers débordements, dont un pugilat sanctionné par cinq jours de prison. Il avait été réintégré par la suite.
Lorsqu’il avait été placé devant les éléments étayant les accusations de relations sexuelles avec une mineure, notamment des échanges de SMS et de photos dénudées de l’intéressée, au cours de l’été 2013, il s’était alors présenté avec aplomb comme la victime d’un complot ourdi par des hackeurs particulièrement malveillants.
L’élu embastillé, menacé de nouvelles poursuites pour mensonges et faux témoignages commis dans le cadre de cette affaire, pourra toujours tenter d’apitoyer ses juges avec ses antécédents familiaux. L’un de ses ancêtres, John Morrissey, venu d’Irlande, appartient déjà au folklore politique américain : il fut, dans la seconde moitié du XIXe siècle, membre de la Tammany Hall, une organisation associée au Parti démocrate, puis à la tête du gang des Lapins morts (les « Dead Rabbits », qui apparaissent notamment dans le film de Martin Scorcese, Gangs of New York), avant d’être élu au Congrès des Etats-Unis.
John Morrissey a connu les bagarres de rue avant l’honorabilité, mais il semble bien que son descendant suive le chemin inverse. En témoigne le triste sort de sa Jaguar, contrainte depuis plus d’un mois à dormir sur le parking de la prison.
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