par fernando » 01 Août 2013, 16:04
La jeunesse perdue de l'Angleterre
When Saturday Comes – La création de la Premier League devait favoriser l'équipe nationale. Vingt ans plus tard, le bilan des équipes de jeunes est aussi désastreux que celui de la sélection A.
Lorsque Michael Owen et Jamie Carragher ont mis fin à leur carrière en fin de saison dernière, les nombreux hommages parus dans la presse ont négligé une statistique particulière, ce pour une bonne raison: les deux néo-retraités ont fait partie de la dernière équipe d’Angleterre à avoir remporté un match au Championnats du monde Juniors (ancienne dénomination de la Coupe du monde des moins de 20 ans): c’était en 1997, Owen inscrivant le but de la victoire face au Mexique lors de la dernière rencontre de leur groupe. Carragher marquera ensuite lors de la défaite 2-1 contre l’Argentine dans le premier match à élimination…
Élimination directe
L’équipe des Three Lions ne marquera ensuite qu’un seul but sur les treize rencontres suivantes de phase finale, lors d’un nul 1-1 contre l’Ouzbékistan en 2009. Si les statistiques sont toujours affaire d’interprétation, ces simples faits laissent penser qu’aucune leçon n’a été retenue
Cette année, l’équipe était entraînée par Peter Taylor, qui avait été nommé juste avant la compétition. À presque quarante-huit ans, celui-ci avait été décrit en 2000 comme un "jeune manager prometteur" lorsqu’il allait prendre en charge, en compagnie de Steve McLaren, l’équipe d’Angleterre pour un match. Sa carrière en club aura été irrégulière, toutefois ses deux mandats à la tête des moins de 21 ans ont été plutôt bons avec seulement trois défaites en 31 rencontres.
Les moins de 20 ans ont été, cette année en Turquie, plus adroits devant le but en marquant à trois reprises, mais ils n’ont pu éviter l’élimination après une défaite 2-0 contre l’Égypte lors du dernier match des poules [1]. L’Angleterre s’était également inclinée contre les Égyptiens dix ans plus tôt lors des Championnats du monde Juniors aux Émirats Arabes Unis – initialement prévus en mars 2003, mais repoussés de neuf mois à la suite de l’invasion de l’Irak.
Surpassés techniquement
Lors de cette Coupe du monde des moins de 20 ans (la désignation officielle depuis 2005), l’équipe d’Irak, d’abord menée 2-0, est parvenue à revenir à 2-2 face à l’Angleterre, pour son premier match, avant de finir à la première place du groupe. Cette équipe avait déjà obtenu de bons résultats en Asie, mais il s’agissait de la première rencontre des moins de 20 ans irakiens en Coupe du monde depuis vingt-quatre ans. À l’instar des autres aspects de la vie sociale dans leur pays, les compétitions footballistiques ont souffert des dix années d'un conflit ayant fait des centaines de milliers de morts. Pourtant, les jeunes Irakiens ont surpassé techniquement leurs homologues anglais, issus pour la plupart des centres de formations de quelques-uns des clubs les plus riches et les mieux équipés au monde.
Au cours de ses manœuvres communes avec les principaux clubs en vue de la création d’un "championnat d’élite" en 1992, la Fédération anglaise avait surtout prétexté que cela bénéficierait à l’équipe nationale. Vingt ans plus tard, le palmarès des équipes de jeunes est aussi triste que celui des A: deux demi-finales de Coupe du monde des moins de 20 ans, la dernière à la fin de la toute première saison de Premier League en 1993, lorsque onze tâcherons trop portés sur le jeu long se sont inclinés contre le Ghana.
Leur jeu rustique avait alors surpris bien des journalistes car David Burnside, l’entraîneur, avait été dans sa période faste un ailier talentueux dans les années 1960, affichant volontiers ses qualités de jongleur à la mi-temps de ses matches avec l’équipe des jeunes de West Brom. Comme Peter Taylor en 2013, il n’avait eu que peu de temps pour travailler avec l’effectif et, face aux critiques durant le tournoi, sa réponse avait été que les joueurs avaient besoin d’un système auquel ils pouvaient rapidement s’adapter.
Pas assez doués
L’équipe de 2013 n’a pas été aussi inélégante que sa devancière de 1993, mais elle a beaucoup trop dépendu des qualités de finition bien discrètes d’Harry Kane, prêté l’an dernier par Tottenham à Leicester et auteur de deux buts en treize rencontres de championnat. Sur les sept joueurs de l’effectif comptant des matches en Premier League, James Ward-Prowse était le plus expérimenté avec quinze apparitions seulement pour Southampton.
La Fédération anglaise, qui avait cru un peu trop naïvement que les plus gros clubs produiraient continuellement des vedettes anglaises, n’avait pas prévu la mutation de la Premier League en ogre commercial qui attirerait les talents du monde entier: aujourd’hui comme hier, les jeunes joueurs locaux signant des contrats professionnels avec des clubs de l’élite, à de rares exceptions près, ne sont tout simplement pas assez doués pour rivaliser avec les talents importés. Après vingt années de tergiversattions, la Fédération a récemment entrepris de réagir.
Son programme de formation en milieu scolaire, qui devrait démarrer la saison prochaine, doit permettre de développer l’adresse technique sur des petits terrains, avec une moindre importance de la compétition. L’idée pourrait même porter ses fruits au cours de la prochaine décennie… Il y aura effectivement des progrès lorsque nous verrons les meilleurs adolescents d’Angleterre battre une autre équipe en phase finale avant que Jack Wilshere n’arrête sa carrière.
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