par fernando » 01 Mars 2017, 17:39
François Fillon emprunte sa défense à Marine Le Pen
Alors que le clan Fillon et le Front national s’évertuent à expliquer que les affaires les concernant n’ont «rien à voir», leur défense respective se ressemble pourtant parfois de manière étonnante.
Alors que François Fillon et Marine Le Pen sont tous les deux aux prises avec la justice, les deux camps ne cessent d’affirmer que les affaires n’ont rien à voir, chacun assurant que celle de l’autre est plus grave ou gênante. Ce qui a à voir, en revanche, c’est les éléments de langage employés par Fillon et Le Pen. Ce mercredi, la charge violente du candidat LR contre la justice empruntait des arguments, quasiment mot pour mot, à Marine Le Pen.
Le «gouvernement des juges»
François Fillon face aux juges. Dans sa conférence de presse, où il a annoncé qu’il était convoqué pour une mise en examen dans l’affaire des emplois présumés fictifs de sa femme, le candidat du parti Les Républicains n’a eu de cesse de s’en prendre à la justice, empruntant au passage la défense de Marine Le Pen.
Le candidat LR a ainsi estimé que le concernant, «l’Etat de droit a été systématiquement violé». Face à la justice, Fillon en appelle donc aux électeurs : «C’est au peuple français et à lui seul que j’en appelle désormais, à ceux qui me suivent et à ceux qui me combattent. Seul le suffrage universel et non pas une procédure à charge peut décider de qui sera le prochain président de la République.»
Une invocation du «peuple» face aux juges utilisée quasiment mot pour mot par Marine Le Pen ce week-end : la candidate FN a demandé aux magistrats de ne pas «contrecarrer la volonté du peuple». Tout comme Fillon, elle en a pourtant appelé à l’Etat de droit, fustigeant le «gouvernement des juges» pour mieux dénoncer la «cabale politique» dont elle s’estime victime à l’approche de la présidentielle, avec la mise en examen de deux de ses proches collaborateurs. «L’Etat de droit est le contraire du gouvernement des juges qui constitue une dérive antidémocratique, oligarchique, à l’image des parlements de l’ancien régime qui ont empêché les réformes et conduit à la Révolution», a-t-elle lancé en meeting à Nantes.
«Le calendrier instrumentalisé»
Un argument qui va de pair avec celui du «calendrier», potentiellement instrumentalisé par le pouvoir politique sortant. Côté Fillon, il estime ainsi n’être «pas un justiciable comme les autres» : «On le voit à cette date du 15 mars [pour sa convocation], deux jours avant la clôture des parrainages […] pour m’empêcher d’être candidat à la présidentielle.» Ce qui l’amène à parler d’assassinat politique : «Par ce déchaînement disproportionné, le choix du calendrier, ce n’est pas moi seulement que l’on assassine, mais aussi l’élection présidentielle.»
Un raisonnement développé à l’identique par le Front national… à chaque élection depuis trois ans. Concernant cette présidentielle, David Rachline développait ainsi l’argumentaire: «Les convocations ont eu lieu récemment, ces jours-ci. Pourquoi n’ont-elles pas eu lieu au mois d’août, pourquoi pas au mois de septembre ou au mois d’octobre? Elles ont lieu quelques semaines avant le premier tour de l’élection présidentielle.» Ce matin Florian Philippot fustigeait, lui, «un calendrier qui évidemment n’a échappé à personne» : «Il n’y a aucun fait nouveau, et d’un coup, il y a un monceau de convocations.»
«L’enquête à charge»
Sur le déroulement de l’enquête, la similitude des arguments est toute aussi frappante. Ainsi, Fillon a dénoncé le fait que «l’enquête a été menée exclusivement à charge» sous l’autorité du parquet national financier, et reprise sans distance par «une partie de la presse», qui «s’est fait l’écho des convictions des enquêteurs» tandis que «les arguments de faits [qu’il a] présentés n’ont pas été entendus ni relayés».
Du côté du FN, le même raisonnement a été largement utilisé pour disqualifier l’enquête et les conclusions de l’Office européen de lutte anti-fraude (Olaf). «Je ne me soumettrai pas à la persécution, à cette décision unilatérale prise par des adversaires politiques avec exécution provisoire en violation de l’Etat de droit, des droits de la défense, sans preuves et sans attendre que la justice, que j’ai saisie, ne se prononce au fond», a ainsi lancé Marine Le Pen fin janvier à Reuters.
Face à des enquêtes du parquet ou administratives jugées «à charge», les deux partis devraient donc se réjouir de la nomination de juges d’instruction, indépendants. Pourtant, dans un cas comme dans l’autre, les arguments du «calendrier» et de «l’agenda politique» auxquels se soumettraient les juges instructions, pourtant indépendants du parquet, ont été invoqués. C’est l’avantage d’avoir plusieurs arguments, on peut les faire tourner.
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