par fernando » 21 Mars 2024, 11:41
Il est bien cet article. Aucune stratégie, ça navigue à vue, tout va bien.
Réunion de crise autour d’Emmanuel Macron pour parler mauvais sondages et finances dans le rouge
Le chef de l’Etat a réuni, mercredi soir, cadres du gouvernement et de la majorité à trois mois des élections européennes, alors que la liste Renaissance-MoDem-Horizons reste distancée de plus de dix points par celle du RN.
Mobilisation maximale au sommet de l’Etat. Mercredi 20 mars, il est un peu plus de 21 heures quand le chef de l’Etat réunit, dans le salon des Ambassadeurs, à l’Elysée, son premier ministre, Gabriel Attal, les cadres de son camp, ainsi qu’une kyrielle de ministres. Autour de la table, Bruno Le Maire (économie), Gérald Darmanin (intérieur), Catherine Vautrin (travail, santé et solidarités), Stéphane Séjourné (affaires étrangères), Christophe Béchu (transition écologique) et Thomas Cazenave (comptes publics). Ne manque qu’Edouard Philippe. Le patron du parti Horizons s’est envolé pour la Nouvelle-Calédonie. « De toute façon, quand il est là, il ne dit rien d’autre que “je ne suis pas le mieux placé pour donner des conseils”, alors… », déplore un participant.
La tablée, aux allures de cellule de crise montée à la va-vite, doit aborder la situation financière du pays, calamiteuse, et le contexte politique, périlleux. A moins de trois mois des élections européennes du 9 juin, la liste Renaissance-MoDem-Horizons reste distancée de plus de dix points par celle du Rassemblement national (RN), selon l’enquête électorale réalisée par Ipsos, en partenariat avec le Centre de recherches politiques de Sciences Po (Cevipof), l’Institut Montaigne, la Fondation Jean Jaurès et Le Monde. « L’heure n’est pas au commentaire mais à la mobilisation », tance le chef de l’Etat devant les siens. « En 2019, le contexte était pire, nous avons la responsabilité historique de réussir. La civilisation européenne est en jeu », rappelle-t-il. Devant un plateau de fruits de mer, les caciques de la majorité écoutent sans broncher. La stratégie visant à attaquer sans relâche le RN n’a pas porté ses fruits, semant un vent de panique dans la majorité. Le chef de l’Etat préconise de vanter le bilan européen avant d’annoncer le contenu du programme. « Il faudra quatre idées fortes. Nous devons être au rendez-vous de l’histoire », souligne le président de la République.
La nuit s’étire déjà quand Emmanuel Macron aborde la seconde partie du dîner, plus délicate – elle concerne les finances publiques. Une première. Jamais le locataire de l’Elysée, père du « quoi qu’il en coûte », n’a convoqué les poids lourds du gouvernement et de la majorité pour aborder le sujet du dérapage des comptes publics. Pour lui, c’est d’abord l’économie qui, par la croissance, doit équilibrer les finances du pays. Devant son assiette de crevettes et de bulots, Thomas Cazenave pense probablement à ce que lui avait glissé, au moment de sa nomination à l’été 2023, Gérald Darmanin, titulaire du poste de 2017 à 2020. « Bon courage, le président n’en a rien à secouer de ton sujet. » Mais Emmanuel Macron affronte une situation fortement dégradée depuis le début de l’année.
Dans moins d’une semaine, mardi 26 mars, le chiffre du déficit public 2023 doit être dévoilé par l’Insee. Bercy imaginait limiter la glissade en affichant un déficit à 4,9 % du PIB, contre 4,8 % un an plus tôt. Il fait aujourd’hui peu de doute que la France dépassera très largement les 5 % – début mars, le directeur du Trésor, Bertrand Dumont, a évoqué le chiffre de 5,6 % lors d’une réunion interne. La révision à la baisse des prévisions de croissance 2024, imposée par le ralentissement de l’activité, a déjà contraint l’exécutif à annuler par décret 10 milliards d’euros de crédits pour 2024 aux différents ministères, le 21 février. L’hypothèse d’un budget rectificatif à l’été inquiète maintenant une partie de la majorité.
Lire aussi | Article réservé à nos abonnés Bruno Le Maire annonce 10 milliards d’euros d’économies supplémentaires dès cette année
« La première menace qui pèse sur l’avenir de notre pays »
« On leur avait fait une réputation de “Mozart” [de la finance], ils ont créé 900 milliards de dette et après ils donnent des leçons ! », s’est indignée, mercredi, la leader d’extrême droite Marine Le Pen, grondant au micro de France Inter : « Ces gens doivent admettre qu’ils ne peuvent plus donner aucune leçon ni de sérieux budgétaire ni d’économie à quiconque sur la planète ! » Dans Les Echos le même jour, le chef des Républicains, Eric Ciotti, abonde. « Certains disent que nous fonçons dans le mur, mais j’estime que nous l’avons déjà percuté. La situation dramatique des finances publiques constitue la première menace qui pèse sur l’avenir de notre pays », déclare l’élu des Alpes-Maritimes, cinglant, promettant de censurer le prochain budget.
D’autres rendez-vous douloureux attendent encore l’exécutif : début avril, Bercy devra envoyer sa copie à Bruxelles, en détaillant les réformes et les économies prévues pour ramener le déficit sous les 3 % en 2027. Puis ce sont les agences de notation qui donneront leur appréciation sur la qualité de la signature française, les agences Moody’s et Fitch se prononçant le 26 avril, Standard & Poor’s un mois plus tard.
Il faut agir vite. Lors du dîner élyséen, le chef de l’Etat invite les uns et les autres à formuler des pistes d’économies. « Je ne crois pas à la fatalité. On a des atouts, des leviers possibles pour supporter ce choc. J’attends donc que vous me fassiez des propositions très concrètes », avait-il lancé à ses troupes dans l’après-midi. L’heure est au « brainstorming ». Autant éviter que les bonnes idées ne se retrouvent à la « une » de la presse sans avoir été visées par le sommet de l’Etat. Comme cette suggestion de Thomas Cazenave, formulée le 20 février sur France Inter, de mettre à contribution les retraités, largement épargnés jusqu’ici. La proposition, jugée anxiogène pour l’électorat macroniste, a été rapidement enterrée par le chef de l’Etat.
« On ne s’enferme pas »
Mercredi soir, le sort des retraités n’a pas été abordé. Mais la piste de hausses d’impôt, un tabou pour Emmanuel Macron, a été défendue par plusieurs invités, dont la présidente de l’Assemblée nationale, Yaël Braun-Pivet. « Elle réfute le dogme qui bloque tout. C’était à la base de 2017. On ne s’enferme pas », défend son entourage.
Le chef de file des députés Renaissance, Sylvain Maillard, propose, lui, de geler le barème de l’impôt sur le revenu, ce qui reviendrait à l’augmenter ponctuellement, mais dégagerait plus de 6 milliards d’euros. Ou d’interrompre la baisse de la contribution sur la valeur ajoutée des entreprises, un impôt de production dont la suppression a été promise aux entreprises cette année. « Il faut une année blanche, avec des mesures fortes tout de suite pour remettre les finances à flot, plutôt que plusieurs petites coupes étalées », lance-t-il.
« On parle beaucoup d’économies, le moment est venu d’élargir le débat. Je ne partage pas l’idée qu’il faut s’interdire tout le temps d’augmenter les impôts », expliquait avant la réunion le président du groupe MoDem à l’Assemblée nationale, Jean-Paul Mattei, qui plaide depuis longtemps pour un relèvement du taux de la « flat tax » sur le capital, autre symbole présidentiel. Un débat pourrait également s’ouvrir autour de certaines niches fiscales, comme le crédit d’impôt recherche, dont les limites sont régulièrement soulignées par les différents corps d’inspection, et sur lequel planche le rapporteur du budget au Palais-Bourbon, Jean-René Cazeneuve (Renaissance).
Quelles que soient les options retenues, il s’agira de les assumer, sans craindre de choquer une partie de l’électorat, a conclu Gérald Darmanin, mercredi soir : « Il vaut mieux être courageux », a lancé le locataire de la Place Beauvau devant la petite assistance, rappelant que « la force du RN est de faire la jonction entre Le Creusot et Neuilly-sur-Seine ». Il est minuit passé. Le dîner s’achève, Emmanuel Macron salue les convives sans qu’aucune décision ait été prise.
"L'alcool tue lentement. On s'en fout, on a le temps."