par fernando » 02 Déc 2016, 22:41
Ouch il pique celui-là
Hollande laisse le pays comme il avait laissé le PS
2 décembre 2016 Par stéphane alliès
Le président a géré la France avec la même inconséquence qu’il a dirigé le PS dix ans durant. En partant, il transmet à ses successeurs un paysage identique. Dépolitisé, sans idées et peuplé d’un personnel politique médiocre.
Mêmes causes, même conséquence. Sans réelle surprise, après avoir longuement documenté à quel point François Hollande avait géré le pays comme il a géré le parti socialiste, la similitude entre l’état de la France et celui du PS apparaît tout aussi flagrante. Sans avoir jamais réussi à se départir de son « syndrome de Dijon » (lire notre analyse de 2013), François Hollande jette l’éponge après avoir fait le vide de ses soutiens autour de lui, au point de ne plus avoir comme seule alternative de laisser ce qu’il reste de socialistes se débrouiller avec ce qu’il est difficile de nommer héritage. Comme en 2008 après avoir quitté la direction du PS. Après lui, le KO.
L’appareil socialiste ressemble aujourd’hui à ce à quoi il ressemblait à l’époque. Dépolitisé, sans idée et ayant renoncé à ses fondamentaux, promouvant un personnel politique médiocre.
Dépolitisé, car rarement une impasse politique n’aura été aussi constamment et patiemment construite sur du vide idéologique. Plus le temps a passé, plus les accents orwelliens (« la guerre, c’est la paix ; la gauche, c’est la droite ») ont remplacé toute tentative de mise en cohérence d’un discours et d’une action au pouvoir.
Plutôt que d’affronter réellement le non-sens d’une orientation politique tournant systématiquement le dos à un programme et à un électorat, le pouvoir élu par la gauche a privilégié la construction d’un monde parallèle (où les défaites récurrentes n’en sont jamais) aux slogans ineptes (« Hé oh la gauche ! »). Souvenons-nous du PS à la fin de l’ère Hollande : la seule satisfaction post-défaite présidentielle de 2007 fut l’adoption d’une charte des principes en 2008, dont la seule nouveauté fut d’abandonner le terme “Lutte des classes”.
Sans idée, car jamais l’Élysée n’a cherché à donner une quelconque hauteur intellectuelle au pouvoir, préférant se réfugier dans une politique de la peur. Politique qui a, par exemple, permis de mettre en accusation « ceux qui veulent comprendre » d'aussitôt vouloir excuser le terrorisme. Obnubilé par l’orthodoxie économiciste et le « hors l’Ena point de salut », Hollande n’a jamais ambitionné de se sauver par l’intelligence. On cherche encore les sociologues ou historiens régulièrement consultés au château, où même soutenant, ne serait-ce que du bout des lèvres, la moindre action du chef de l’État.
Pour la culture, « il faut voir avec Jack et Monique », résume-t-il dans le documentaire d’Yves Jeuland. Pour les artistes, hormis Benjamin Biolay et Catherine Deneuve encore mobilisés pour une dernière pétition en forme de long sanglot, ils n’ont jamais été aussi peu nombreux à s’assumer compagnons de route socialistes. Sauf à la fin des années 2000, avant que Martine Aubry ne se réconcilie patiemment avec une intelligentsia écœurée par l’obsession gestionnaire de François Hollande, déjà.
La promotion d’un personnel politique affligeant, c’était aussi déjà le cas en 2008 au milieu des ruines du PS hollandais. Les barons locaux si chers au premier secrétaire d’alors, comme les secrétaires nationaux fantoches mais permettant toutes les synthèses, ont laissé place à des ministres et des secrétaires d’État dont la qualité première semble le plus souvent d’avoir été le meilleur apparatchik (Jean-Christophe Cambadélis promu à la tête du PS), voire le pire (Harlem Désir au PS, puis aux affaires européennes).
Les rapports au reste de la gauche sont tout aussi anecdotisés et réduits aux pires débauchages des pires ambitieux (Jean-Vincent Placé) ou du pire des professionnels politiques (Jean-Marie Le Guen, Jean-Michel Baylet). Le parallèle accompagne aussi sa solitude au pouvoir, hors son carré de fidèles. Méprisé par les poids lourds du parti il était (Strauss-Kahn, Aubry ou Fabius), assassiné politiquement par la nouvelle génération (Macron, Valls, Montebourg, Hamon) il finit.
François Hollande aura incarné la dissolution du clivage gauche/droite en même temps que l’enterrement du socialisme français, presque réalisé à Solférino mais définitivement achevé à l’Élysée. Lors de son double quinquennat à la tête du PS, comme de son simple quinquennat à la tête de l’État, c’est sur l’Europe que s’est appuyé cet héritier de Jacques Delors (dont il partagera au moins le sens de la mise en scène au moment de renoncer). Non content d’avoir fait campagne commune avec Sarkozy en 2005 pour le traité constitutionnel et contre la majorité du peuple français comme de gauche, c’est sur le dos des Grecs et avec la droite allemande qu’il aura acté la disparition de toute audace politique.
Le parallèle avec les années Hollande au PS peut aussi fonctionner en évoquant l’incapacité à saisir l’importance des affaires (laissant prospérer des Guérini comme il s’est laissé convaincre par le mensonge répété de Cahuzac) ; le désintérêt absolu des questions de discriminations ou de droits de l’homme ; un intérêt tout relatif pour l’écologie, sauf quand elle est susceptible de servir les siens (d’intérêts) ; la réticence à comprendre toute mobilisation qui viendrait de la rue.
On pourrait même poursuivre cette comparaison lugubre en évoquant les inconséquences de sa vie privée plombant les dynamiques politiques de son camp, ou même l’impossibilité rue du Faubourg-Saint-Honoré comme rue de Solférino de sortir de son rôle de commentateur de lui-même, ne parvenant pas à voir la vie au-delà du filtre journalistique qu’il apprécie tant et qui sera finalement sa perte (lire le billet d’Antoine Perraud).
« François Hollande, le fossoyeur du PS » s’est lui-même fossoyé à l'Élysée, sans rien changer à son « bricolage pragmatique » (énoncé il y a plus de trente ans dans le livre La Troisième Alliance), dont on ne parvient toujours pas à comprendre comment il a pu convaincre sa majorité, malgré une première expérience de pouvoir aussi annonciatrice que calamiteuse.
En 2008, quand François Hollande s’est retiré du parti, il avait adoubé Bertrand Delanoë comme continuateur réformiste et social-libéral. Celui-ci avait été balayé par les militants lors du congrès de Reims. Cette fois-ci, l’héritier pourrait se nommer Manuel Valls, sous l’égide de Jean-Christophe Cambadélis devenu chef de parti. Comme lui (mais aussi comme François Fillon ou Jean-Luc Mélenchon), ils n’ont jamais vécu d’autre chose que d’indemnités d’élu. Mais pour François Hollande, l’heure de la retraite anticipée a sonné.
"L'alcool tue lentement. On s'en fout, on a le temps."