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Dupont-Aignan : l'étrange main tendue au FNLes sorties du président de Debout la République en faveur d'un dialogue avec le FN jettent le doute sur sa stratégie politique.
Par QUENTIN LAURENT
Nicolas Dupont-Aignan vient-il de poser la première pierre d’une future alliance avec le Front national? Cela semble invraisemblable de la part de celui qui se revendique comme un des derniers vrais gaullistes à droite.
Pourtant, et par deux fois, le député-maire de Yerres (Essonne) s’est exprimé en faveur d’un rapprochement avec le parti de Marine Le Pen. «Un jour ou l’autre, il y aura besoin de dialogue. Chacun devra faire peut-être un pas. Il faut construire des piliers à la maison, il faudra négocier la maison», a-t-il déclaré le 3 septembre, alors invité de Radio Courtoisie. Rebelote vendredi 7: sur France 2, Dupont-Aignan se dit être «ouvert au dialogue» avec le FN.
Il s’est aussi étonnamment rapproché des positions du FN sur l’immigration, en proposant de la réduire de manière drastique. Et a enfoncé le clou sur la question de l’islam en disant qu’il faut «faire avec la religion musulmane ce que Napoléon a fait avec la religion juive, c’est-à-dire affirmer clairement: "Vous voulez être chez nous, très bien, mais c’est l’Etat qui décide."»
Une situation qui crée du remous à l’intérieur même de sa formation politique. Les débats ont été houleux, paraît-il, entre les cadres du parti. Jeudi 13 septembre, c’est Laurent Pinsolle, qui annonce sur son blog qu’il démissionne de son poste de porte-parole de Debout la République, tout en restant au parti. Si ce dernier explique à Libération que sa démarche a vocation à «défendre avec une parole plus libre» le positionnement de Nicolas Dupont-Aignan, le témoignage laissé sur son blog témoigne d’un malaise certain. «Dialoguer avec les électeurs est une chose, mais dialoguer avec le parti en est une autre radicalement différente. Certes, des conditions strictes (non réunies à ce jour, et sans doute jamais) sont posées à ce dialogue mais ce coup médiatique me met mal à l’aise», écrit-il.
Pincettes
Interrogé jeudi par Libération, Nicolas Dupont-Aignan, s’il ne recule pas, prend des pincettes. «Le FN doit faire un vrai ménage et être sur une ligne républicaine irréprochable», «abandonner sa logique identitaire» assure-t-il tout en déclarant que des «progrès ont été faits» depuis l’arrivée de Marine Le Pen à la tête du parti. Il nie cependant tout contact avec le FN, et justifie sa démarche en expliquant sortir des «logiques de boutique», pour «faire bouger les lignes», sortir le pays de la crise.
Même pour un homme politique isolé après son score de 1,79% à la dernière présidentielle, cette main tendue au FN est surprenante. Pour Sylvain Crépon, chercheur spécialiste de l’extrême droite et auteur du livre Enquête au cœur du nouveau Front national, son attitude est une vraie surprise. «Lui c’est un vrai républicain, alors que le FN, c’est comme le Canada Dry, ça ressemble à la République, ça a le goût de la République mais au fond le discours reste nationaliste et non républicain», explique Crépon. «Et puis je ne sais pas pourquoi il fait ça, clairement, ce n’est pas le petit qui va manger le gros», poursuit-il, en référence à l’écart entre le score des deux candidats (Marine Le Pen a recueilli 17,9% des voix au premier tour).
Le principal (seul?) point commun du gaulliste avec le Front national réside dans son antienne souverainiste. Nombre de ceux qui se réclament du souverainisme ont déjà rejoint le parti de Marine Le Pen. A l’instar de quelques chevènementistes comme Paul-Marie Coûteaux, président de Souveraineté Indépendance et Libertés et désormais très proche du FN , mais également Florian Philippot, actuel vice-président du parti.
Le FN lui dit bienvenue
Côté FN en tout cas, on savoure. Après plus d’un an et demi à tenter de dédiaboliser l’image du parti, l'initiative de l'ex-candidat à la présidentielle apparait comme une aubaine, salué sur Twitter par le vice-président frontiste Florian Philippot:
Marine Le Pen a également réagi en affirmant qu’elle accueillerait «avec beaucoup de bonne volonté» ceux qui voudraient la rejoindre. Paul-Marie Coûteaux explique, lui, que Nicolas Dupont-Aignan n’a «pas d’autre perspective politique» que d’engager un rapprochement avec le FN. Coûteaux cotoie le président de Debout la République depuis une vingtaine d’année et se targue d’œuvrer au rapprochement entre les deux partis. «C’est la politique des petits pas», sourit-il.
Quoiqu'il en soit, l'alliance avec le FN n'est pas encore à l'ordre du jour. Le patron de Debout la République reste pour le moment campé sur ses exigences, et son entourage manifeste ses réticences. Mais le fait qu'elle ait été publiquement évoquée et réaffirmée témoigne d'un balbutiement stratégique de la part d'un Dupont-Aignan isolé. Mais également d'une nouvelle réalité politique : le traditionnel cordon sanitaire, exluant le FN des autres parti, est de plus en plus ténu.