par manulosc » 25 Déc 2016, 14:15
Affaire du stade Pierre-Mauroy : Damien Castelain dans la tourmente
Impliqué, avec Henri Segard, dans le voyage d’agrément offert par Eiffage, le président de la Métropole européenne de Lille (MEL) est déstabilisé.
omme nous le révélions ce jeudi, l’enquête menée par le juge Jean-Michel Gentil est désormais élargie à des faits de corruption et de trafic d’influence. En cause, notamment, un voyage, à l’été 2010, financé et organisé par Eiffage Travaux publics et auquel ont participé deux élus de la métropole lilloise : Damien Castelain, maire de Peronne-en-Mélantois, et Henri Segard, maire de Comines.
La destination ? Budapest, et son Grand Prix de Formule 1. Un voyage d’agrément qui, naturellement, pose questions. Ce vendredi midi, Damien Castelain nous a répondu qu’il ne souhaitait pas s’exprimer, sauf pour faire savoir qu’il ne conteste pas le déplacement en Hongrie. Dans son entourage, le mutisme est également de mise, même si perce un certain désapointement. « Damien est quelqu’un de foncièrement honnête », confie ainsi un proche, « mais peut-être a-t-il été naïf sur ce coup-là. » D’autres évoquent carrément « un piège ». De telles sollicitations, ce n’est un secret pour personne, sont fréquentes dans le milieu de la construction.
« À l’époque, il n’avait pas le même recul qu’aujourd’hui »
En l’espèce, il s’agissait d’un voyage entre couples d’élus, auxquels devaient participer Alain Létard, un ancien cadre d’Eiffage chez qui une perquisition a eu lieu jeudi matin, son épouse, la sénatrice centriste Valérie Létard, Henri Segard et Damien Castelain, eux aussi accompagnés de leurs compagnes.
La veille au soir, le couple Létard a annulé, laissant la place à Jean-Luc Vergin, alors directeur régional d’Eiffage travaux publics. Pourquoi Damien Castelain a-t-il accepté une telle invitation ? Sans doute d’abord en raison des liens de proximité avec les autres personnes conviées. Mais aussi, selon un confident, « parce qu’à l’époque, il n’avait pas le même recul qu’aujourd’hui ». En marge de la construction du Grand Stade, Eiffage avait alors réalisé, gracieusement, des murs antibruit à Peronne-en-Mélantois et Lesquin, en utilisant les terres du chantier.
Faire tomber le « petit maire de Peronne-en-Mélantois » ?
D’ores et déjà, le trouble est perceptible parmi des élus de la MEL. Réélu le 15 décembre avec 97,75 %, Damien Castelain va-t-il déjà devoir faire face à une fronde ? A droite, certains n’ont pas forcément digéré la mise en place d’une gouvernance de consensus avec la gauche, en avril 2014. Et l’idée de faire tomber le président centriste, « petit maire de Peronne-en-Mélantois » doit de nouveau agiter quelques esprits.
Mais attention, la riposte se prépare et pourrait toucher d’autres élus, qui eux aussi auraient cédé à la tentation.
Réactions : « Pas d’influence sur le choix d’Eiffage »
Gérald Darmanin (LR), vice-président à la MEL. « J’ai appelé Damien Castelain. Il m’a dit son honnêteté et regretter ce voyage. Je l’ai encouragé à s’exprimer publiquement. On peut avoir un jugement moral. Mais il n’est pas mis en examen, il n’y a pas de raison qu’il ne soit plus le président de la Métropole. Tous les acteurs qui ont contribué au choix d’Eiffage sont fragilisés par l’enquête sur le Grand Stade. Ils retrouveront la sérénité quand le juge classera l’affaire sans suite, puisqu’ils affirment qu’il n’y a rien dans le dossier. »
Alain Bernard, premier vice-président de la MEL. « Je connais Damien depuis très longtemps. C’est quelqu’un d’extrêmement rigoureux dans l’approche de ses dossiers. Il ne se laissera pas influencer par un quelconque voyage, je lui fais totalement confiance. Avec le recul, il y regarderait à deux fois avant d’accepter. De telles sollicitations sont très courantes. Ce qu’il faut retenir, c’est que tout cela n’a eu aucune influence dans le choix d’Eiffage. »
Gérard Caudron, maire (DVG) de Villeneuve-d’Ascq. « Je ne serai jamais de ceux qui lui lancent une pierre. Damien est quelqu’un qui respecte tout le monde, connaît les dossiers et n’est jamais excessif. C’est vraiment un grand président de la MEL. »
Olivier Henno (UDI), vice-président à la MEL. « Damien est un ami et je lui fais totalement confiance. »
Lise Daleux, présidente du groupe EELV à la MEL. « Damien Castelain a été réélu le 15 décembre. Il n’y a pas de remise en cause tant que l’enquête est en cours. »
Sollicités vendredi, Martine Aubry et Bernard Gérard, maires de Lille et de Marcq-en-Barœul, n’ont pas souhaité s’exprimer.
Violence
Maintenant, Damien Castelain sait. Lui, le maire d’un village de 980 habitants, devenu patron d’une puissante métropole, découvre la violence de la politique. Celle où le moindre faux pas vous expose en pleine lumière. Pris dans les phares de la justice à la veille de Noël, Damien Castelain peut compter sur le soutien d’élus fidèles. Ils sont nombreux à lui témoigner encore estime et confiance. Meurtri, le président n’est pas prêt à rendre les armes. Mais le voilà prévenu. Le combat judiciaire initié par Éric Darques ne souffre aucun répit. Vendredi, Gérald Darmanin, voix forte de la droite métropolitaine, a évoqué « un jugement moral ». Avant de conditionner le retour à la sérénité pour tous les acteurs impliqués « au classement sans suite par le juge ». Autrement dit, on fera les comptes à fin. Un classique en politique. Laurent Watiez