par fernando » 13 Déc 2023, 20:09
Le métro de Toulouse, automatique comme celui de Lille, a doublé ses rames sans problème
Forte de 800 000 habitants, l’agglomération toulousaine compte bien des ressemblances avec la métropole lilloise, à commencer par ses deux lignes de métro automatiques VAL, la même technologie que dans la métropole de Lille. Sauf qu’à Toulouse, les doubles rames de 52 mètres sont arrivées en 2020, mises en service sans difficultés.
À Toulouse, le passage à des rames doubles de 52 mètres sur la ligne A du métro (un VAL, comme à Lille) a pris seulement trois ans.
Verra-t-on un jour arriver les nouvelles rames de 52 mètres dans le métro de Lille, destinées à doubler la capacité des rames actuelles de 26 mètres ? À en croire la dernière passe d’armes judiciaire entre la Métropole européenne de Lille (MEL) et le constructeur Alstom, on peut s’inquiéter.
Prévues initialement en 2016, les rames « boa » ne devraient pas arriver avant 2026, selon la MEL (2024 assure Alstom). Le tout après une série de problèmes techniques, de délais allongés, et d’essais infructueux.
Des rames à 52 mètres à Toulouse, lancées avec… deux jours de retard
Et pourtant, le VAL (Véhicule automatique léger) à 52 mètres, ça marche ! Pas à Lille pour l’instant, mais bien plus au sud, à Toulouse. Avec ses 500 000 habitants (800 000 pour l’agglomération), la capitale occitane dispose aussi d’un métro sur pneus et sans conducteur. En 1993, Toulouse inaugure ainsi sa première ligne VAL, dix ans après celle de Lille. La société Tisséo (l’Ilévia Toulousain) y fait rouler des rames VAL206 puis 208 de 26 mètres. Elles sont identiques à leurs cousines lilloises, mis à part des coloris plus chaleureux. Les appellations diffèrent aussi : à Toulouse, la ligne jaune est la « A ».
Celle-ci est vite agrandie, puis suivie d’une ligne « B » (l’équivalent de notre « 2 » rouge) en 2007. Mais comme dans la MEL, les besoins en transports s’accroissent rapidement à Toulouse, et les petites VAL 206 et 208 saturent. En 2016, il est donc décidé de doubler la capacité de la ligne A, en y faisant rouler de nouvelles rames doubles de 52 mètres.
Métro de Lille : en 2012, le projet de Siemens était moins cher qu’Alstom, mais…
En 2012, bien avant de réussir le passage à 52 mètres des rames du métro de Toulouse, la société Siemens propose un projet similaire à la Communauté urbaine de Lille (la MEL aujourd’hui). À Lille, la ligne 1 est saturée avec ses trains à 26 mètres. La MEL lance donc un appel d’offres pour doubler la taille des rames. Alstom, Bombardier et Siemens sont sur les rangs.
Le 11 mai 2012, la Communauté urbaine de Lille, présidée par Martine Aubry, choisit Alstom. Ce n’est pourtant pas l’offre la moins chère : le constructeur français demande 266 millions d’euros, contre 249 pour Siemens. Par ailleurs, ce dernier connaît déjà bien la technologie du VAL pour s’être associé avec Matra, le constructeur historique, dans la production du VAL 208 (les rames 26 mètres modernisées). Mais la CUDL, comme l’explique à l’époque Éric Quiquet, le vice-président aux transports, juge que les « coûts d’exploitation et de maintenance seront moins élevés » avec Alstom. Grâce notamment à des rames « boa » (d’un seul tenant) qui accueillent plus de passagers. Et surtout grâce à un système révolutionnaire de pilotage automatique des trains promis par Alstom, qui doit être plus efficace.
« Sur quels critères » Alstom a-t-il été choisi ?
Immédiatement, Siemens tente deux recours devant le tribunal administratif de Lille, au motif que son offre est moins chère. Le premier, en référé, est rejeté en juin. Le constructeur en dépose un nouveau en août. « Nous ne comprenons pas sur quels critères Lille Métropole a pu attribuer le contrat de renouvellement de ses métros automatiques à Alstom », interroge Siemens, qui demande une expertise technique.
L’affaire est jugée en avril 2015, et là encore, le recours de Siemens est rejeté. Le constructeur allemand ira ensuite installer son métro de 52 mètres à Toulouse, lancé en 2020 sans soucis. Tandis qu’à Lille, Alstom peine toujours à mettre le sien en service.
Tout va aller très vite. En 2017, les travaux d’agrandissement des quais débutent (comme à Lille). Les essais ont lieu en fin d’année 2019 sur un week-end, permettant de valider les nouveaux matériels. Et le 10 janvier 2020, les nouveaux trains « XXL » commencent à rouler. Avec un retard sur le calendrier de… deux jours !
De 220 000 à 400 000 voyageurs par jour
Depuis, les nouvelles rames de 52 mètres circulent sur la ligne A toulousaine, permettant de porter la capacité maximum de 220 000 à 400 000 voyageurs par jour (320 passagers par train au lieu de 160 – sauf au mois d’août où les petites rames suffisent). La ligne B, elle, conserve ses trains à 26 mètres.
Un dispositif ressemblant à ce qui était prévu à Lille, sauf pour une chose. Toulouse a choisi Siemens mobility et non Alstom pour ses « 52 mètres ». L’opération a été menée en trois ans par le constructeur allemand, sans soucis. « Ce projet hors norme aussi est une prouesse technique : c’est la première fois au monde que nous adaptons une ligne de métro Val de 26 à 52 mètres, sans en interrompre l’exploitation », déclarait le jour de l’Inauguration Éric Cazeaux, patron de Siemens Mobility France.
« Ça a donné un bol d’air »
À Toulouse, l’arrivée des rames à 52 mètres en 2020 a permis de soulager la ligne A du métro, confirme l’association d’usagers Autate. Mais pas toujours dans les proportions que ses membres espéraient. « Ces nouvelles rames ont permis d’améliorer les choses, ça a donné un bol d’air, confirme Nicole Asencio pour Autate. Mais au début, les gens étaient persuadés que comme c’était des rames doubles, la capacité serait multipliée par deux. Or ce n’était pas la même fréquence qu’avec (les rames à 26 mètres), surtout par manque de matériel. »
Quatre ans après, l’Autate estime que la ligne A de Toulouse approche à nouveau de la saturation. De même que la B, pour laquelle l’association aimerait aussi des rames à 52 mètres (là, les quais sont déjà à la bonne longueur). L’opérateur Tisseo attend bien des rames supplémentaires, mais seulement à 26 mètres. De façon à augmenter la fréquence.
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