Thiago Maia, un record et des soupçons de TPO
Le 24 juillet 2017, Gérard Lopez offre au Losc le plus gros transfert de son histoire : le milieu de terrain Thiago Maia, acheté 14 millions d'euros au club brésilien de Santos, qui a révélé des joueurs du calibre de Pelé ou Neymar. Champion olympique avec le Brésil en 2016, Maia s'engage pour cinq ans dans le Nord, moyennant une rémunération brute mensuelle de 160 000 euros.
Un document issu des Football Leaks montre que son transfert est réglé en une seule fois, par un virement de 14 millions effectué le 4 août 2017. Une pratique très surprenante : pour préserver leur trésorerie, les clubs négocient la plupart du temps des paiements échelonnés en plusieurs fois. C'est d’ailleurs ce qu’a fait le Losc avec deux autres transferts de l’été 2017 : celui du Brésilien Luiz Araújo et celui du défenseur portugais Edgar Lé.
Le paiement immédiat de Thiago Maia est d’autant plus troublant que le Losc va se retrouver peu de temps après en difficulté financière, à tel point que la Direction nationale du contrôle de gestion (DNCG), le gendarme financier du football français, a interdit le club de recruter en décembre 2017, le rétrogradant même en Ligue 2 à titre conservatoire.
L’explication est probablement à chercher du côté du Brésil, où de troubles deals financiers ont été passés autour du joueur.
Depuis la renégociation de son contrat avec le Santos FC, le 13 octobre 2015, Thiago Maia avait droit à 30 % du montant de son futur transfert. Le club pauliste avait dû faire cette concession pour éviter qu’il ne signe à l'Atlético de Madrid.
À la manœuvre derrière cette renégociation, une légende même du foot business : l'agent uruguayen Juan Figer (il aurait géré plus de mille transferts, dont ceux de stars comme Pelé, Socrates ou Maradona). Lorsque Maia rempile avec Santos en octobre 2015, Figer signe avec le club un contrat qui lui accorde 5 % sur une future vente du joueur.
Un troisième larron s'invite également à la table : Giuliano Bertolucci, autre poids lourd du marché des transferts. Le 11 mai 2016, sa société (qui a le même avocat que Juan Figer) devient le représentant exclusif de Thiago Maia, en vertu de deux contrats : un premier, officiel, qui les lie pendant deux ans ; un second, plus confidentiel, qui prolonge leur association jusqu'en mai 2020.
Détail intéressant : la clause numéro 6 de ce deuxième accord indique qu’en dépit de ce qui est stipulé dans le contrat officiel, la société de Bertolucci ne recevra de commissions que des clubs avec lesquels Thiago Maia s’engagera, et non du joueur lui-même.
Et ce n'est pas tout. En mars 2017, en échange d'un prêt de 2 millions de dollars accordé au club de Santos, en difficulté financière, Giuliano Bertolucci obtient le mandat de vente exclusif de deux joueurs : Thiago Maia et son compatriote Vitor Bueno. Le deal, décrit en mai 2017 par le quotidien Globo Esporte, est alors le suivant : si Bertolucci ramène une offre de 14 millions pour Maia, il empochera 8 % du transfert, et si Santos refuse l'offre, le club devra quand même verser à l'agent une commission d'un montant équivalent.
Le montage ressemble beaucoup à une opération de TPO (l’achat de parts de joueur par des tiers), pratique pourtant interdite par la Fifa depuis le 1er mai 2015… soit deux ans avant le deal entre Santos et l’agent Giuliano Bertolucci. Comme l’a révélé en août dernier Globo Esporte, la fédération brésilienne de football aurait d’ailleurs ouvert une enquête pour « possible influence d’une tierce partie » sur le club de Santos, c’est à dire pour TPO déguisée. Les différentes parties impliquées ont démenti.
Bref, qu'il s'agisse de Santos, de Juan Figer, de Giuliano Bertolucci ou de Thiago Maia lui-même, beaucoup de monde avait intérêt à ce que la vente du Brésilien soit payée d'une seule traite par le Losc. Sollicités, ni les dirigeants du club, ni les deux agents, ni l'avocat (et oncle) du joueur n'ont donné suite à nos questions.
Ironiquement, hormis Santos, payé en temps et en heure par le Losc, les autres protagonistes ont eu du mal à récupérer leur argent auprès du club brésilien. La faute à une procédure judiciaire lancée par un ancien ayant droit, qui réclame 28 % des droits économiques de Thiago Maia en vertu du premier contrat signé par le joueur en avril 2013. Débouté plusieurs fois par les tribunaux brésiliens, le plaignant a vu son dernier appel rejeté le 1er février dernier.
En attendant, Thiago Maia tarde toujours à convaincre au Losc, où il passe plus de temps sur le banc de touche que sur le terrain.
https://www.mediapart.fr/journal/france/250219/football-leaks-dans-les-coulisses-des-transferts-du-losc?onglet=full
"L'alcool tue lentement. On s'en fout, on a le temps."