par fernando » 08 Oct 2020, 13:31
La Ligue 1 est-elle un château de cartes ?
L’incapacité du groupe MediaPro à honorer ses engagements vis-à-vis de la Ligue de Football Professionnel (LFP), révélée le 7 octobre 2020, plonge le football français dans une zone d’incertitude et de turbulences. Autopsie d’un cataclysme industriel plus précoce que prévu.
MediaPro a joué de malchance
Il faut convenir que MediaPro a joué de malchance dans son aventure française : en faisant le pari, en 2019, du « rattrapage » des droits audiovisuels du football français (qui n’étaient que de 750 millions d’euros contre 1 milliard dans les 3 autres grandes ligues continentales i.e. Allemagne, Espagne, Italie), le groupe espagnol –prenant appui sur des fonds chinois- pouvait passer pour un investisseur téméraire mais rationnel. Quelques oiseaux de mauvais augure (des économistes du sport non enclins à la flagornerie) avaient émis des doutes sur la désirabilité du spectacle du football français auprès des consommateurs et sur le bien fondé d’un « saucissonnage » des journées de championnat qui, certes, multiplie les créneaux de diffusion, mais déstabilise les rythmes de vie des supporteurs autant que celui des téléspectateurs. Il était aussi visible que le nouvel acteur MediaPro n’avait pas bien examiné les comptes de BeInSports, le diffuseur « irrationnel » du football français, venu de son plein gré, dans un bateau plein de pétrodollars, perdre des centaines de millions pour doper les recettes du Paris Saint Germain et de ses concurrents sur le rectangle vert.
Se refaire la cerise à l’automne
MediaPro a joué de malchance car, dans ce contexte d’investissement à haut risque, une crise sanitaire majeure est survenue. Le football français, dans les yeux duquel brillaient déjà les millions promis par MediaPro, a soldé sa saison au printemps (se débarrassant au passage du « grincheux » lyonnais), estimant qu’il se « referait la cerise » quand viendrait la bise : quatre cent millions perdus au printemps seraient ainsi miraculeusement compensés par les quatre cent millions supplémentaires du contrat des droits TV. Dans les yeux du comptable de la ligue, l’exercice 2020 était déjà sauvé.
Le football sans spectateur n’est pas un bon spectacle télévisuel
Mais la crise dura plus longtemps qu’un singulier printemps. Le quasi huis-clos permanent dégrade non seulement les recettes de billetterie et hospitalités des clubs, mais aussi la qualité du spectacle télévisé : le football dans des stades vides n’est pas un produit très chatoyant (même si c’est à leur corps défendant, les spectateurs participent en effet à la production du spectacle sportif).
Un monde magique où les millions coulent à flots
MediaPro fit bonne figure tout l’été. La chaîne prit son envol et les abonnements allaient eux aussi, c’était une évidence, décoller. La seconde traite à payer, de 172 millions d’euros à échéance du 6 octobre 2020, ne serait qu’une formalité dans ce monde magique où les millions coulent à flots… Il fallut se rendre à l’évidence, le business plan de MediaPro, déjà difficilement tenable dans un monde épargné par la covid, est devenue insoutenable dans un écosystème frappé par la pandémie.
Un impératif plan de modération salariale
Il n’y a guère matière à se réjouir de ce défaut de paiement. Un grand nombre de clubs, déjà lourdement impactés par la faiblesse des recettes issus des mutations (ou transferts) et des recettes aux guichets, vont rapidement éprouver des difficultés à honorer les salaires des joueurs, des staffs et des salariés de leurs institutions. La LFP cigale va devoir maintenant lancer un plan de modération salariale si elle veut conserver un socle raisonnable d’équipes solvables dans ses championnats… et éviter l’écroulement d’un château de cartes qui paraît désormais bien fragile.
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