fernando a écrit:J'ai un ami avec qui je partage pas mal de goûts de lecture qui m'avait dit du bien de Coulon, me suis laissé tenter, ça m'apprendra, faut savoir se méfier des "phénomènes" littéraires".
Tradition, propagande, hasard ou conseil choisissent nos lectures. Nous ne choisissons que ce que nous relisons.
Citation de Nicolas Gomez Davila (1913-1994). Et vu que nous sommes sur un forum de plus en plus réactionnaire, peuplé de visiteurs assidus de Puy-du-Fou et d'admirateurs transis du grand Michel Sardou, il est plus que temps de présenter ses respects à ce grand réactionnaire colombien.
Issu de la haute bourgeoisie de Bogota, NGD a vécu l'essentiel de sa vie entouré de sa pléthorique bibliothèque. Il est probablement le sud-américain le plus érudit de sa génération avec Borgès, lecteur frénétique des classiques (Thucydide, Homère, Cervantès, Montaigne, Shakespeare, Dante, etc.). Il aurait très bien pu devenir un brillant diplomate (il parlait 7 ou 8 langues) mais il a préféré consacré son temps à mettre au point toute une mixture d'aphorismes plus piquants les uns que les autres à l'encontre du monde moderne, le matérialisme, le consumérisme, le gauchisme, le libéralisme, le tourisme, l'inculture, etc. Tout est passé à la moulinette avec une férocité et une morgue réjouissante.
J'ai toujours eu une grande tendresse pour ce genre d'hurluberlu qui n'hésite pas à partir à l'assaut des moulins à vent.
Voici quelques uns des aphorismes davilesques que je préfére :
« Les révolutions se font pour changer la propriété des biens et le nom des rues.
Le révolutionnaire qui ambitionne de changer la “condition de l’homme” finit fusillé comme contre-révolutionnaire. »
« Dans le monde moderne, ce ne sont pas des idées antagoniques qui s’affrontent, mais simplement des candidats à la possession des mêmes biens. »
« On ne prend bien le pouls d’une civilisation que dans son architecture. »
« L’homme d’aujourd’hui est libre comme le voyageur perdu dans le désert. »
« Le barbare se contente de détruire ; le touriste profane. »
« Personne désormais n’ignore que “transformer le monde” signifie bureaucratiser l’homme. »
« La misère spirituelle est le prix de la prospérité industrielle. »
« La modernité a conquis pour l’homme le droit de vomir en public. »
« Le Progrès se réduit finalement à voler à l’homme ce qui l’ennoblit, pour lui vendre au rabais ce qui l’avilit. »
« Le monde moderne ne sera pas châtié.
Il est le châtiment. »
« Ne pas sentir la putréfaction du monde moderne est un indice de contamination. »
« Ce qui est notoire dans toute entreprise moderne c’est le décalage entre l’immensité, la complexité de l’appareil technique et l’insignifiance du produit final. »
« La charité de l’homme moderne ne consiste pas à aimer son prochain comme soi-même, mais à s’aimer soi-même en son prochain. »
« La vulgarité typique de ce siècle, c’est la prétention d’être différents de nos congénères, alors que nous sommes identiques. »
« Toute droite d’aujourd’hui n’est autre chose qu’une gauche d’hier désireuse de digérer en paix. »
« La sagesse, en ce siècle, consiste avant tout à savoir supporter la vulgarité sans se mettre en rage. »
« Les musées sont l’invention d’une humanité qui n’a pas de place pour les œuvres d’art, ni dans ses maisons, ni dans sa vie. »
« L’artiste contemporain se rebelle contre la bourgeoisie pour lui vendre plus cher ses œuvres. »
« La prolifération des parasites est appelée croissance du secteur tertiaire de l’économie. »
« La liberté est un rêve d’esclaves.
L’homme libre sait qu’il a besoin de soutien, d’aide, de protection. »
« Les opinions révolutionnaires ouvrent la seule carrière, dans la société actuelle, qui assure une position sociale respectable, lucrative, et paisible. »
Big up aux anciens trotskistes nouveaux bourgeois Mélenchon, Jospin, Edwy Plenel, Henri Weber, etc.
« Dans les utopies d’une époque naissent les tueries de la suivante. »
« La vénération de l’humanité est répugnante, comme tout culte de soi-même. »
« Le raciste s’exaspère, parce qu’il soupçonne en secret que les races sont égales ; l’anti-raciste aussi, parce qu’en secret il soupçonne qu’elles ne le sont pas. »
« L’État paternaliste est abominable ; la société paternaliste est admirable. »
« Tolérer ne doit pas consister à oublier que ce qu’on tolère ne mérite que de la tolérance. »
« Les sociétés mourantes accumulent les lois comme les hommes mourants accumulent les remèdes. »
« Dans les époques aristocratiques, ce qui a de la valeur n’a pas de prix. Dans les époques démocratiques, ce qui n’a pas de prix n’a pas de valeur. »
« En ce siècle de foules transhumantes qui profanent tout lieu illustre, le seul hommage qu’un pèlerin respectueux puisse rendre à un sanctuaire vénérable est de ne pas le visiter. »
« La civilisation agonise, quand l’agriculture renonce à être un mode de vie pour devenir industrie. »
« Les catastrophes naturelles dévastent une région moins efficacement que l’alliance de la convoitise et de la technique. »
« Si l’on aspire seulement à doter d’un nombre croissant de biens un nombre croissant d’êtres, sans se soucier de la qualité des êtres ni de celle des biens, alors le capitalisme est la solution parfaite. »
« Rien ne guérit le progressiste. Pas même les fréquentes paniques que lui flanque le progrès. »
« Le mot tolérance désigne parfois la compassion du fort, plus souvent la couardise du lâche. »
« Apprendre que les biens les plus précieux sont les moins rares demande un long apprentissage. »
"Cela fait deux siècles que le peuple a non seulement sur le dos ceux qui l'exploitent, mais aussi ses libérateurs."
"L'université est l'endroit où les jeunes devraient apprendre à se taire."
"Qui ne tourne pas le dos au monde actuel se déshonore."
"L'église a pu évangéliser la société médiévale parce que c'était une société de pécheurs, mais son avenir n'est pas prometteur dans la société moderne où tous se croient innocents."
"Si je lance mon chapeau, si je fais l’oiseau, c’est pour ne pas mourir tout de suite, c’est pour me maintenir à la surface. Comme un nénuphar sans talent, mais nénuphar tout de même."
Armand dans "Les Nénuphars" de Michel Soutter