par fernando » 19 Juin 2023, 09:13
Le succès du Hellfest ne se dément pas, malgré les controverses
La seizième édition du festival de metal se clôturait ce week-end à Clisson, en Loire-Atlantique, avec, notamment, les groupes Porcupine Tree et Pantera.
La scène insolite se reproduit chaque année : des milliers de tee-shirts noirs longent les vignes du domaine de Clisson (Loire-Atlantique), où se déroule le Hellfest, le festival dédié aux musiques extrêmes, qui s’est déroulé cette année du jeudi 15 au dimanche 18 juin.
Après une double édition exceptionnelle en 2022 qualifiée de « concert du siècle », avec une affluence record de 420 000 personnes, le Hellfest retrouvait pour son seizième rendez-vous une dimension plus « traditionnelle », sur quatre jours, avec tout de même 200 groupes programmés. Forcément moins spectaculaire que l’an passé (avec Metallica en clôture), le succès de la manifestation ne se dément pas et les 200 000 billets avaient été vendus bien avant que le moindre artiste invité ne soit dévoilé ; et ce en dépit d’une inflation significative du forfait quatre jours, passé de 289 à 339 euros.
Seule véritable ombre au tableau cette année, les critiques de plus en plus pressantes sur la présence de groupes dont des membres ont été mis en cause ou condamnés pour des violences conjugales (dont Hollywood Vampires avec Johnny Depp, et Motley Crüe avec le batteur Tommy Lee). Ainsi que les propos peu pertinents tenus par le président du festival, Ben Barbaud dans le quotidien Ouest-France (daté du 9 juin) sur la question du traitement des violences sexistes et sexuelles.
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Pour répondre à ces problèmes sur le terrain, en marge de la présence de 150 agents de la protection civile, l’organisation a créé en 2022 la « HellWatch », une brigade de cinquante-quatre bénévoles (contre trente pour l’édition précédente) déployés sur le site et le camping pour prévenir les abus et recueillir les témoignages d’éventuelles victimes. Deux stands de prévention ont également été installés. « Les gens sont très prévenants et attentifs, je ne m’attendais pas à un tel accueil, nous affirme une membre de la HellWatch. On nous connaît depuis l’année dernière, beaucoup viennent même spontanément vers nous. » Si l’ambiance est réputée bienveillante chez les « metalleux », les nombreux retours confirment que le public considère que cette initiative est salutaire, et qu’elle devrait être pérennisée.
Jeunes talents hexagonaux
Le Hellfest ne serait pas ce qu’il est sans son lot de nouveautés. La dernière attraction en date est l’agrandissement de la Valley, une des six scènes du lieu dédiée principalement aux genres rock stoner et psychédélique. Déplacée face à la Warzone, grâce à une extension de terrain d’un hectare, c’est sur cette même scène à la décoration de bataille et de rouille, que se produisait samedi The Obsessed, une formation américaine emmenée par le guitariste chanteur Scott « Wino » Weinrich.
Légende vivante, ce sexagénaire à la longue chevelure grise, et à la personnalité imprévisible, se fait très rare sur le Vieux Continent – son passeport fut confisqué pour cause de possession de substances illicites. Adulé par Dave Grohl (avec qui il a fondé Probot), l’ancien guitariste également de Saint-Vitus a monté une pléthore de projets parallèles, dont The Obsessed est certainement le plus reconnu : un rock seventies lourd et pesant dans le sillage de Black Sabbath, sans fioriture et assez jouissif.
En marge des six scènes principales, la petite Hellstage située à l’entrée du festival, donne sa chance aux jeunes talents hexagonaux. Notamment Cleaver, trio metal hardcore originaire de la Meuse, dont le premier album No More Must Crawl (Klonosphere), très bien accueilli, leur a permis de tourner en Angleterre. « Jouer à ce mythique festival avec un seul album est une immense chance et un rêve de gosse qui se réalise enfin, commente Mathis Garelli, chanteur et guitariste. Nous avons donné le maximum, et étions aussi hypercontents de pouvoir assister aux concerts d’immenses groupes depuis le côté de la scène. »
D’une tout autre dimension sur la Mainstage 1, le britannique Steven Wilson, leader de Porcupine Tree, tente d’amadouer le public de cette fin d’après-midi : « Nous avons accepté de jouer au Hellfest, car nous savons que vous êtes un public à l’esprit ouvert. » Depuis douze ans que son groupe semblait une histoire ancienne – son géniteur jurait même que l’on ne l’y reprendrait plus. Mais voilà un an, un nouvel album Closure/Continuation, sort à la surprise générale. Plus populaire que jamais, leur « rock progressif » moderne que l’on pourrait qualifier de « Radiohead pour les énervés », s’offrait en novembre 2022 le Zénith de Paris.
La résurrection de Pantera
De retour avec le prodigieux batteur Gavin Harrison et le claviériste Richard Barbieri, le trio historique est augmenté sur scène d’un second guitariste et d’un bassiste. Réduit de moitié, le set se partage entre le nouvel album (Harridan, Rats Return…) et les classiques (Open Car, Anesthetize), déroulant ses fascinantes compositions truffées de polyrythmies complexes et de passages éthérés. Le show est cependant inexplicablement amputé des deux écrans géants sur les côtés, à l’exception du dernier quart d’heure. Superbe clôture toutefois avec Trains, folk rock enlevé à la mélodie gracieuse. Le groupe repassera encore par trois fois en France cet été, une occasion à ne pas manquer, peut-être la dernière. D’autant que son cerveau a déjà la tête ailleurs et sortira un nouvel album solo à la rentrée.
Alors que les ultra-populaires anglais d’Iron Maiden s’apprêtent à investir pour la troisième fois de leur histoire le Helffest, on opère un détour par la Warzone, rendez-vous incontournable des amateurs de punk hardcore. Les new-yorkais engagés de Stray from the Path parviennent à fédérer un public nombreux, malgré l’affluence record sur la scène principale. Il faut dire que le genre a ses irréductibles. Et nombreux sont ceux qui passent les quatre jours uniquement sur la Warzone et la Valley sans même jeter un œil à la MainStage.
Après un temps relativement clément depuis le début des festivités, changement d’ambiance dimanche, la pluie s’invitant sur le site jusqu’à 16 heures. On se réfugie sous la grande tente de la Temple, où les Finlandais Grave Pleasure s’adaptent parfaitement au thermomètre avec leur puissant post-punk aux relents gothiques. Une mauvaise nouvelle tombe alors, l’annulation d’une tête d’affiche, Incubus, une demi-heure avant leur prestation. Les vedettes américaines qui ont déclaré forfait pour raison de santé sont remplacées au pied levé par les thrashers espagnols Crisix.
Le soir, le contraste entre les invités des deux Mainstages est saisissant. D’un côté, Tenacious D, drôlissime duo de barbus ventripotents mené de moitié par l’acteur américain Jack Black (School of Rock). De l’autre, Pantera, soit la résurrection d’un des groupes de metal les plus vénérés des années 1990. De la formation originelle ne subsiste pourtant que le hurleur Phil Anselmo, et le bassiste Rex Brown, les deux autres membres n’étant plus de ce monde.
Sans la présence du phénoménal guitariste Dimebag Darrell (assassiné sur scène en 2004) et de son frère aîné Vinnie Paul (1964-2018), ce retour était sujet à caution. Mais la participation de deux anciens proches, le batteur Charlie Benante (Anthrax), et le guitar hero Zakk Wylde (Ozzy Osbourne) a suscité la curiosité. A en juger par la marée humaine présente également, nous ne sommes pas seuls. Il faut admettre que cette réformation dite « hommage » tient la route. Le son est énorme, et il suffit que le groupe entame les classiques (Five minutes Alone, A New Level, Cowboys From Hell…) pour que les pogos et autres crowd surfings dans la fosse s’emballent. Sur ce plan-là, le Hellfest a encore rempli son contrat.
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