par fernando » 24 Fév 2015, 14:41
Lille : le 28 mars, le restaurant l’Huîtrière ferme ses portes
Publié le 23/02/2015 - Mis à jour le 23/02/2015 à 19:21
Le turbot ne sera plus découpé sur son guéridon, l’huître ne se mariera plus avec le tartare de bœuf… tout ce qui a fait l’histoire de cette institution gastronomique lilloise ne sera bientôt plus que souvenirs gustatifs : Antoine Proye annonce la fermeture de son restaurant de la rue des Chats-Bossus.
Ce dimanche, un peu avant 9 h. Antoine Proye, patron de l’Huîtrière, a rassemblé tout son personnel. Devant une vingtaine de cuistots, de commis et de serveurs, il annonce que le restaurant va fermer. Définitivement. La date est fixée : ce sera après le service, au soir du samedi 28 mars. Si le 28 mars n’appartient pas à l’histoire des lieux, – « Il fallait bien trouver une date » –, l’Huîtrière, elle, appartient à l’histoire gastronomique de Lille. Pierre Bailleul l’a ouvert en 1928. Quatre générations s’y sont succédé.
Un turbot de 9 kg
Antoine Proye n’est pas cuisinier. Il se définit comme « un homme de produits ». Sa Madeleine, le turbot. « Ils pèsent toujours entre 5 et 9 kg. » Tous les jours, il est en contact avec des mareyeurs. Le turbot est l’une des spécialités de la maison. Découpé en salle, sur guéridon, pour respecter la tradition familiale.
Parmi les créations inspirées par Antoine Proye, ce tartare de bœuf rejoint dans l’assiette par de l’huître spéciale Gillardeau, du wasabi, de la sauce soja et du gingembre. La légende urbaine raconte que ce plat-là le critique du Michelin ne l’a pas aimé, mais alors pas aimé du tout. En 2012, le Guide rouge retire à l’Huîtrière son étoile. L’épisode a vilainement pimenté la vie du restaurant mais Antoine Proye n’en fait pas la cause de tous les maux. L’établissement souffrait déjà depuis quelques mois. À partir de 2008, les Anglais ont été de moins en moins nombreux à venir. Crise des subprimes ? Crise tout court ? Un peu tout ça mélangé. L’arrivée à Lille de jeunes chefs, aussi truculents que leurs plats sont succulents, y est peut-être aussi un pour quelque chose. « On a également fait face aux difficultés rencontrées par la restauration haut de gamme dont le modèle économique est en profonde mutation », glisse encore le patron. Arithmétiquement, ça se traduit par des pertes de chiffres d’affaires de 500 000 € certaines années.
« Les activités du bar à huîtres, de vente au magasin et de traiteur se poursuivent »
Un récit au goût amer qui ne doit pas faire oublier que l’Huîtrière ne quitte pas le Vieux-Lille dans son entièreté. Si le restaurant ferme au printemps, « les activités du bar à huîtres, de vente au magasin et de traiteur se poursuivent dans les conditions actuelles ». On pourra aussi toujours feuilleter le livre d’or du restaurant. Aussi beau que celui du Flambard. Ont mangé rue des Chats-Bossus Fernandel, Claude François, Romy Schneider ou encore Simone Signoret.
Ce dimanche, un peu après 9 h, après avoir lu au personnel les quelques mots qu’il avait griffonnés sur un bout de papier, Antoine Proye a fait face à un long, très long, silence. Comme celui qui va résonner dans le restaurant au soir du 28 mars.
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