par manulosc » 12 Mars 2015, 13:48
Sortie de route pour Jeremy Clarkson, le beauf triomphant de « Top Gear »
Lorsque les voyants d’alerte clignotent à bord d’une voiture, mieux vaut lever le pied, éviter le surrégime. Pour avoir ignoré cet élémentaire principe de prudence et passé outre les multiples mises en garde adressées par la BBC, Jeremy Clarkson vient de connaître une brutale sortie de route professionnelle.
L’animateur-vedette de « Top Gear », l’émission de divertissement la plus populaire du Royaume-Uni (5 millions de personnes l’ont regardé dimanche dernier), a été suspendu de ses fonctions par la chaîne publique à la suite d’une « altercation » au cours de laquelle il aurait frappé l’un des producteurs de l’émission.
Cette mise à l’écart, annoncée le 10 mars, ne l’a sans doute pas surpris. Dans The Sun (où il tenait une chronique), il écrivait en 2014 avoir reçu de la BBC un « dernier avertissement » de la part de la BBC qui, selon lui, le menaçait de licenciement « s’il faisait la moindre remarque offensante, peu importe où et quand ». Les prochaines éditions des 15, 22 et 29 mars de cette émission - qui est aussi l’une des plus rentables pour la BBC (« Top Gear » assure être suivie par 350 millions de téléspectateurs dans 214 pays) - ont été annulées.
« Top Gear », une émission adulée et atypique
En Grande-Bretagne, Jeremy Clarkson est une sorte de beauf triomphant, adoré ou honni. Sa gloire est intimement liée à « Top Gear », un programme très différent des classiques émissions automobiles. Dans cette séquence née en 1977 mais relancée en 2002, les voitures qui sont présentés sont le plus souvent maltraitées, au sens propre.
Un hélicoptère se posant sur le toit d’une Skoda ou une Renault Twingo précipitée dans la mer depuis le quai d’un port. On a aussi vu un tatoueur tenter de réaliser une figure sur la peau d’un volontaire installé sur le siège arrière d’un 4x4 évoluant parmi les creux et les bosses… « Top Gear » – dont une adaptation française sera lancée le 18 mars sur RMC Découverte - c’est surtout un ton. « Une émission dans laquelle les animateurs parlent comme s’ils étaient au pub, entre mecs. On cause bagnoles, nanas, on dit des gros mots » témoigne Sophie Richardson, trentenaire originaire du Yorkshire, mi-amusée, mi-atterrée par « ce programme qui se veut proche du peuple ».
Les 400 coups de Clarkson
Cette formule visiblement appréciée par la gent masculine – de tous âges – Jeremy Clarkson, 54 ans, l’a régulièrement épicée en se livrant à des dérapages qui lui ont permis de forger sa suflureuse réputation. Il lui est arrivé d’affirmer que les dirigeants de la marque coréenne Hyundai mangeaient des chiens et de considérer que tel ou tel modèle était à réserver aux homosexuels ou aux handicapés.
Ces dernières années, il a traité l’ex-premier ministre Gordon Brown « d’idiot écossais borgne » et considéré qu’il fallait « exécuter sous les yeux de leurs familles » les grévistes du service public.
Sa spécialité, toutefois, ce sont les blagues contre les étrangers ou les non-blancs. « La Clio V6 déserte le terrain de la mode, un peu comme les Français face aux Allemands » en 1940 a-t-il analysé un jour. Quant aux Mexicains, ils sont « fainéants et bons à rien ».
Il lui est aussi arrivé de faire le salut nazi devant une BMW et, récemment, de fredonner une comptine se moquant des « négres » ou, lors d’un tournage en Thailande, désigné les Asiatiques de manière ouvertement raciste.
L’an dernier, la Porsche qu’il conduisait en Argentine a été caillassée ; sa plaque d’immatriculation comportait, bien en évidence, une allusion à la guerre des Malouines. On ne compte plus les ambassades auxquelles la BBC a du présenter ses excuses à la suite d’une sortie de Clarkson, par ailleurs partie prenante de la société qui produit l’émission.
Repoussoir pour les uns, Clarkson n’en est pas moins un personnage très populaire. Mercredi 11 mars, plus de 400 000 internautes avaient signé une pétition en ligne contre sa mise à pied. Sentant peut-être que les choses allaient vraiment mal tourner, il avait tweeté en février « Top Gear cherche un présentateur : vieux, mal habillé et pinailleur mais capable d’arriver à l’heure au travail ». Dans le cas où il serait contraint de quitter ce programme, Jeremy Clarkson pourra se lancer dans une carrière politique. En 2013, il avait envisagé de se présenter dans quelques mois aux élections législatives dans la circonscription d’Ed Milliband, le leader du parti Travailliste.
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