par Der » 27 Mars 2015, 15:26
Frévent : l’effroyable calvaire « à vomir » d’un petit garçon de 3 ans jugé au tribunal
Le 13 août 2013, les services sociaux découvraient l’horreur dans la chambre d’un petit garçon de trois ans et demi à Frévent (Ternois). Il y vivait enfermé par son père et sa belle-mère la majeure partie du temps, sans lit, sans vêtements, sans jouets, entouré de murs maculés de ses excréments.
C’était la consternation jeudi soir au tribunal d’Arras, où le procès a duré plus de trois heures, jusqu’à 23 h 15.
Alertés par la grand-mère de l’enfant, les services sociaux partent ce 13 août 2013 pour un signalement concernant un petit garçon de trois ans et demi, que nous appellerons ici Léo*. Les deux assistantes sociales insistent pour voir sa chambre. Le père doit finalement accéder à leur demande. Il ouvre la porte et dévoile une pièce totalement indigne d’accueillir un être humain. La présidente du tribunal parlera de cellule. On entendra ensuite le mot « cage », plus adapté d’ordinaire à un animal, et plus approprié au cas de ce « cagibi ». « Et encore, les animaux, on ne leur fait même pas subir ça. C’est à vomir », soupirera consternée l’avocate de la partie civile.
Derrière la porte, l’horreur
Dans leur compte-rendu, les deux assistantes sociales présentent une maison normale, relativement propre et rangée. Seule la « chambre » de Léo est dans un état épouvantable. « Ce n’est pas une chambre, même pas une niche pour chien. Il n’y a pas de meubles, pas de lit, deux sommiers à lattes dont un cassé, un matelas sans draps ni couvertures, tâché d’excréments lui aussi. Il n’y a pas de vêtements, pas de jouets, rien. Le sol est jonché de détritus, de restes de nourriture, d’excréments encore et de couches sales… » L’horreur. L’odeur est pestilentielle, si bien qu’une assistante sociale ne parviendra même pas à entrer dans la pièce. Sa collègue n’y tiendra que quelques secondes. L’enfant est aussitôt retiré à sa « famille ». Ses effets personnels tiennent dans un petit sac plastique…
À la lecture des comptes-rendus et à la vue des photos, le tribunal est consterné. Devant lui se tiennent le père de l’enfant, J.D., qui a depuis quitté Frévent pour partir habiter à Auxi, et la « belle-mère », A.R., qui habite toujours Frévent. Il a 24 ans, et garde seul Léo, né en janvier 2010 et dont la mère est partie sans plus jamais donner de nouvelles quand l’enfant avait huit mois. A.R. avait 19 ans et était mère de deux petites filles déjà quand elle a rencontré le père de Léo à l’été 2012. Ils ont poursuivi leurs relations avec des hauts et des bas, jusqu’à ce qu’elle s’installe chez lui – tout en gardant son propre appartement – en décembre 2012. Une famille recomposée qui n’en avait que le nom. Les deux filles de mademoiselle dormaient dans la chambre du couple et vivaient normalement dans la maison. Léo, lui, était confiné dans sa chambre, où il passait 20 heures sur 24, enfermé à clé, n’étant autorisé à descendre que pour les repas du midi et du soir. Après le retrait de l’enfant, le couple a été entendu en garde à vue. Il comparaissait près de deux ans après les faits. Entre deux, elle et lui ont conçu un enfant ensemble…
* prénom d’emprunt.
>> Quatre et six ans de prison requis
Le père de Léo et sa compagne, parents d’un enfant ensemble depuis les faits, étaient jugés pour délaissement de mineur de moins de 15 ans compromettant sa santé ou sa sécurité, et pour violences habituelles suivies d’incapacité supérieure à 8 jours. Le père était aussi jugé pour soustraction à ses obligations légales compromettant la santé, la sécurité, la moralité ou l’éducation de son enfant.
Morsures, étranglement…
Les violences infligées par J.D. à son fils sont de plusieurs natures. Il y a ces morsures qui laissent des hématomes et des traces de dents sur la peau du bébé. « C’était pour jouer », explique le père… Il y a les gestes d’étranglement que le garçonnet mime en expliquant que son père lui fait mal. « Si Léo le dit, ça doit être vrai. Je ne me rappelle plus, j’étais en état d’ébriété… ». Le fils était enfermé dans sa chambre quand lui buvait dans le salon. L’enfant est aussi traumatisé par l’arrivée des pompiers sur une scène de bagarre avec les voisins.
Les autres violences, appelées « habituelles » dans ce dossier, sont plus sournoises et font tout aussi mal. C’est la maltraitance liée au délaissement perpétuel de l’enfant. Il est reproché au père de l’avoir laissé comme ça des journées ou des nuits entières, pour sortir, pour aller dormir chez sa compagne A.R. au début de leur relation. « Il aurait pu tout arriver à cet enfant », s’indigne le tribunal. Quand elle vient habiter partiellement chez le père, elle n’accepte pas que Léo vive avec eux. « Vous avez dit en garde à vue que vous ne vouliez pas qu’il fréquente vos filles, parce qu’il avait une mauvaise éducation, qu’il mangeait avec ses mains… Vous disiez à son père que son fils serait un mongol », relate la présidente. Lors de leurs auditions, J.D. et A.R. ont reconnu les conditions de vie infligées au petit garçon, et leur vie sans lui : les sorties dans Frévent ou à Arras par exemple, les achats divers pour les filles d’A.R., mais jamais pour Léo.
« Je ne connais rien de plus grave que vous ayez à juger »
« Ce sont les faits les plus horribles que j’ai eus à présenter devant un tribunal correctionnel. La violence est souvent l’expression de l’impulsivité. Là, c’est de la froideur et du détachement. Ils ont fait disparaître Léo de leur existence. La belle-mère a voulu sa mort psychique. Avant de se manifester en étalant ses excréments, cet enfant a dû crier, pleurer. Il ne parlait pas, ne savait presque plus marcher. Il était comme les gens en otage, sans lumière et sans espoir. Je ne connais rien de plus grave que vous ayez à juger », dira la procureur Bozzolo. Elle a requis 6 ans de prison contre le père et la déchéance de ses droits parentaux « pour que Léo puisse être adopté ». Et 4 ans contre A.R., avec mandat de dépôt. Le jugement a été mis en délibéré au 23 avril.
>> Qu’est devenu ce petit garçon martyr ?
Placé en urgence dans une famille d’accueil en août 2013, Léo présentait « des carences alimentaires et découvrait la liberté », a expliqué son assistante familiale. « Il ne pleurait jamais, j’ai dû lui apprendre. Les premiers jours, il passait son temps à ouvrir et fermer les portes pour s’assurer qu’il n’était pas enfermé. Il n’exprimait pas de besoins, parce qu’il savait qu’il était seul au monde. » L’avocate de la partie civile, Me Pagin, est atterrée. « Ça donne envie de pleurer. C’est à vomir. On est dans l’horreur, c’est révoltant. »
« Une peur panique de son père »
Léo a découvert une vie normale. La psychologue qui l’a examiné relate qu’« il est curieux des objets, souriant, a le contact facile, parle bien. Il va à l’école, il est sociabilisé, joue avec un autre enfant placé dans la famille. Mais il gardera des séquelles. Ses émotions dominantes sont la colère, la tristesse et la solitude. Il a une peur panique de son père, il ne veut plus le voir. Il mime un étranglement, et évoque sa chambre pleine de pipi et de caca ». Il a cinq ans maintenant. La procureur a demandé qu’il puisse être adopté.
Gloire à la région!
On se fait des bisous et on s'encule.