par fernando » 15 Fév 2016, 18:37
Hé basma, c'est ça les fameux carrousels TVA? (cf. passage souligné ci-dessous)
Les israéliens ont l'air doués pour ce genre de business, sans doute de par leurs origines.
Le sang de la bourse carbone
15 février 2016 | Par Fabrice Arfi
Amar Azzoug, Samy Souied, Claude Dray, Albert Taieb... Ces quatre hommes ont deux points communs : ils ont été assassinés et sont liés au magot ou à des acteurs de l’escroquerie aux quotas de CO2, qui a coûté 1,6 milliard d’euros à l’État français. Leurs morts dessinent le visage d’une nouvelle mafia française face à laquelle juges et policiers sont démunis. Révélations.
Le 30 avril 2010, le corps d’Amar Azzoug, dit “Amar les yeux bleus”, gît, criblé de balles, dans la brasserie du Bois doré à Saint-Mandé, en proche banlieue parisienne. Le 14 septembre 2010, le corps de Samy Souied, transpercé de six balles de 7.65, gît entre deux voitures, face contre terre, devant le Palais des congrès, Porte Maillot, à Paris. Le 25 octobre 2011, un majordome et une infirmière découvrent dans la chambre d’une villa de 1 000 m2 de Neuilly-sur-Seine le corps sans vie, criblé de balles, du propriétaire des lieux, le milliardaire Claude Dray. Le 8 avril 2014, le corps d’Albert Taieb, dit “Bébert”, repose devant un ascenseur dans la cage d’escaliers d’un bel immeuble haussmannien du XVIIe arrondissement de Paris, lacéré de coups de couteau au thorax, dans le dos, à la nuque et la tête.
Ces quatre meurtres racontent une histoire mafieuse et Paris est son théâtre. Liés à un magot, une intrigue ou des acteurs ayant tous à voir d’une manière ou d’une autre avec l’escroquerie aux quotas carbone3, une monumentale arnaque sur le dos du droit environnemental qui a coûté 1,6 milliard d’euros à l’État français, ces quatre meurtres dessinent aussi le visage d’une nouvelle criminalité française. Face à elle, juges et policiers paraissent démunis. Aucun tueur ou commanditaire n’a, à ce jour, été formellement identifié par la justice. Il n’y a eu aucune mise en examen prononcée. Aucune piste d’enquête ne semble même être sérieusement privilégiée dans chacun des dossiers. Au final, quatre affaires criminelles en cale sèche aux tribunaux de Paris ou de Nanterre.
« Là, vous êtes au cœur du réacteur nucléaire de la criminalité française », confie, dans un café des Champs-Élysées, un haut gradé de la police. Début 2012, la direction de la police judiciaire a décidé de monter une task force réunissant plusieurs services – l’office central contre la criminalité organisée, celui contre la grande délinquance financière, le service des infiltrés, celui d’analyse du renseignement criminel… – pour essayer de cerner le problème. « On avait complètement raté policièrement, il faut bien l’avouer, l’arnaque à la taxe carbone. Mais quand les meurtres ont commencé à s’accumuler, il a bien fallu comprendre », se souvient un enquêteur.
Résultat : la police s’est retrouvée face à un phénomène mafieux – puisqu’il faut bien nommer les choses –, mais d’un genre inédit pour la culture française. Une sorte de monstre hybride qui a fait se rencontrer une délinquance financière de haut vol, composée d’affairistes franco-israéliens rompus aux escroqueries internationales les plus culottées (minutes de téléphonie, panneaux photovoltaïques, puis les quotas carbone), et un grand banditisme classique, issu des milieux corso-marseillais ou des banlieues parisiennes. Les premiers amassent le pactole et s’ébrouent dans les cercles de jeux de la capitale tandis que les seconds portent les valises des premiers et les protègent.
Il n’y a pas de parrain à proprement parler, ni de hiérarchie verticale, comme cela peut exister, par exemple, en Italie. Mais des alliances de circonstances, des clans et leurs lots de trahisons mortelles. Comme dans n’importe quelle mafia, la peur règne désormais en souveraine, ainsi que le confiera à demi-mot un acteur de second plan en septembre 2014 devant un juge parisien, après l’assassinat d’un proche : « On a été éduqué dans le même groupe. On n’a jamais été formaté à faire du mal, mais formaté à gagner de l’argent. »
Avant le sang, il y eut, c’est vrai, l’argent du « hold-up du siècle » : l’escroquerie aux quotas carbone. Un bonneteau à l'échelle du monde. À la suite du protocole de Kyoto (1997), les États s’étaient engagés à fixer un plafond annuel de rejets de CO2 dans l’air pour les installations industrielles les plus polluantes. En cas de dépassement de ces seuils, les entreprises pouvaient acheter des “droits à polluer” sur un marché créé ex nihilo. Et si elles n’épuisaient pas ces mêmes seuils, la réglementation les autorisait à les revendre sur des sortes de bourses environnementales.
Des escrocs de génie ont vite décelé la faille dans ce grand Meccano immatériel et ont reproduit des schémas de fraude vieux de quarante ans : acheter hors taxe, via des sociétés fictives, des droits à polluer dans des pays étrangers pour les revendre dans un autre, taxe comprise, mais en omettant de reverser la TVA à l’État concerné. Le tout noyé dans un maquis de sociétés-écrans répondant parfois aux noms facétieux de Fantomas Organisation ou Carbonara, et de comptes offshores localisés en Lettonie, à Hong Kong, Chypre, Dubaï... En moins d’un an, entre 2008 et 2009, il en a coûté 1,6 milliard d’euros aux contribuables français, selon la Cour des comptes, et au moins 5 milliards à l’échelle de l’Europe, d’après les calculs de l’organisme Europol.
Grâce aux enquêtes de la douane judiciaire, plusieurs procès financiers se sont déjà tenus en France. L’un des plus importants doit avoir lieu, début mai, devant le tribunal de Paris. Il porte sur le détournement de 283 millions d’euros et c’est dans l’environnement direct de certains des douze futurs prévenus que le meurtre a pris le pas sur toute forme de discussion.
Le sang a commencé à couler dès 2010 avec l’assassinat d’Amar Azzoug, moins d’un an après la fin de la fraude aux quotas carbone et ses centaines de millions dans la nature. Belle gueule du banditisme avec son regard d’océan, “Amar les yeux bleus” est un ancien braqueur reconverti dans les dernières années de sa vie dans ce qu’on appelle pudiquement chez certains affairistes du CO2 le « recouvrement de créances ». Comprendre : pas le genre de recouvrement qui passe par l’envoi d’une lettre recommandée avec accusé de réception.
Le 30 avril 2010, trois hommes déguisés en policiers ont exécuté Azzoug, 35 ans, dans une brasserie de Saint-Mandé (Val-de-Marne) avant de s’enfuir. Dans son livre Carbone Connexion (Max Milo), la journaliste Aline Robert affirme qu’Azzoug était porteur de documents relatifs au CO2 au moment de son assassinat. La victime, réputée proche du clan corso-marseillais des Barresi, était également accompagnée d’un certain Patrick Bellaiche. Il se trouve que ce dernier, dont les avocats n’ont pas retourné les appels de Mediapart, sera l’un des douze prévenus du futur procès parisien du CO2.
Lui, en revanche, n’aura plus à être jugé. Moins de six mois plus tard, à l’autre bout de Paris, Porte Maillot, Samy Souied, 46 ans, est atteint de six balles, dont deux dans le cœur, selon l’autopsie. Elles ont été tirées d’un pistolet silencieux par un homme assis à l’arrière d’un scooter. Le commando parviendra à s’enfuir sans difficulté. Présenté par les juges financiers qui ont enquêté sur les quotas carbone comme l’un des « organisateurs » de la fraude, Samy Souied vivait dans la banlieue chic de Tel-Aviv, à Herzliya, en Israël, et descendait dans les plus luxueux palaces de Paris, le George V par exemple, quand il venait en France.
Plusieurs témoins rencontrés par Mediapart racontent – l’anecdote figure également au dossier d’instruction de son meurtre – que Souied avait si peu confiance dans les banques qu’il gardait toute sa fortune chez lui. Ce qui représente des montagnes d’espèces planquées dans les murs, sous le plancher, partout. « Il ne savait plus où le cacher », dit un ami à lui.
« Je l'aimais énormément »
D’après l’un des acteurs de l’escroquerie au CO2, Jérémy Grinholz, présenté par la justice comme un « repenti », Souied a empoché à lui seul 120 millions d’euros. Il était associé avec deux futures figures du procès à venir, Marco Mouly et Arnaud Mimran, un golden boy aux prises avec la justice à intervalles réguliers, joueur de poker invétéré dont les frasques font régulièrement les choux gras des sites people. Selon les juges, Mimran a gagné dix millions d’euros à titre personnel dans l’escroquerie aux quotas carbone.
« Le décès violent de Samy Souied s’inscrit dans la logique implacable des règlements de comptes liés aux flux de sommes d’argent considérables générés par de très grosses escroqueries », peut-on lire dans un rapport du 28 septembre 2010 de la brigade criminelle. Le commandant de police cite l’affaire du CO2 comme exemple. Et il ajoute : « Depuis les faits, les renseignements obtenus d’informateurs tendent à relier la mort de Souied à celle d’Amar Azzoug. » Mais depuis, le dossier, qui vient de changer de juge d’instruction, est au point mort.
Le jour de son meurtre, Samy Souied était venu à Paris depuis Israël – il devait faire l’aller-retour dans la journée – pour une seule raison : il avait rendez-vous avec son associé Arnaud Mimran. Ils devaient parler, d’après le témoignage de Mimran aux enquêteurs, d'un « investissement boursier ». Lequel précisément ? L’intéressé n’en dira pas plus. Un témoin protégé, entendu le 15 octobre 2013 sous le matricule 114, se montrera plus bavard : « Début 2010, Arnaud [Mimran] propose des placements en bourse […] Lors de la première opération, Samy Souied investit environ 20 millions d’euros […] Arnaud arrive à lui prendre quasiment 30 millions d’euros pour une deuxième opération. » Une façon, en somme, de blanchir le produit de la fraude aux quotas carbone.
Mais le témoin protégé affirme qu’il s’agissait d’une « mascarade financière ». « L’échéance qui est donnée à Arnaud pour finir son opération et rendre à Samy son investissement et les bénéfices, c’est-à-dire le moment de faire les comptes, est décidée le jeudi 9 ou le vendredi 10 septembre 2010, soit la semaine précédant la mort de Samy », poursuit-il.
Le 14 septembre, Mimran et Souied se sont vus à trois reprises : une fois en début d’après-midi, vers 15 heures, une deuxième en fin d’après-midi, à 18 heures, et une troisième à 20 heures, devant le Palais des Congrès, au moment même où Souied se fait descendre en pleine rue. Mimran l’avait tout juste rejoint pour lui remettre un bijou qu’il avait oublié de lui rendre, a-t-il affirmé. Il s’agit d’une bague en or rose surmontée – cela ne s’invente pas – d’une tête de mort. Elle sera retrouvée par les policiers à proximité du cadavre.
Les trois juges de l’affaire du CO2, Guillaume Daieff, Serge Tournaire et Renaud Van Ruymbeke, ont d’ailleurs écrit le 29 juillet dernier dans le document judiciaire qui a clos leurs investigations que les rapports financiers entre Mimran et Souied « éclairent d’une manière intéressante l’enquête sur le meurtre » du second. Le témoin n°114 est plus catégorique : « Mimran est le commanditaire du meurtre de Samy Souied. » Mimran dément catégoriquement, selon son avocat, Me Jean-Marc Fedida, qui n’a toutefois pas souhaité répondre plus avant aux questions de Mediapart (voir nos échanges sous l’onglet Prolonger).
L’hypothèse Mimran, qui a été placé sur écoutes un temps dans cette affaire, est évoquée parmi d'autres dans un procès-verbal de juin 2011 de la brigade criminelle sur ses « axes d’enquête », mais c’est un fait : aucune charge judiciaire ne pèse cinq ans plus tard contre lui.
Un détail semble avoir cependant attiré l’attention des enquêteurs de la crim’. Ils se sont aperçus que Mimran leur a fait à plusieurs reprises une description particulièrement précise des vêtements que la victime portait le jour des faits. Durant une audition, le 8 juin 2011, un policier met les pieds dans le plat et demande à Mimran si cette description n’aurait pas « été utilisée pour fournir un signalement précis afin d’identifier et de désigner comme cible Samy Souied ». L’intéressé a juré que non.
Nul ne peut dire si les exécutions d’Azzoug et Souied sont le fait de la même équipe, mais elles sont l’œuvre de tueurs aguerris, selon les experts interrogés par Mediapart. C’est aussi le cas dans l’affaire de l’assassinat de Claude Dray, 76 ans, survenu dans la nuit du 24 au 25 octobre 2011.
Ce troisième crime, c’est un peu Le Mystère de la chambre jaune à Neuilly-sur-Seine. Ancien patron de la marque de parfum Patchouli et redoutable homme d’affaires dans l’immobilier – son patrimoine personnel était estimé à 2 milliards d’euros –, Dray vivait dans une immense demeure sécurisée. Aucune trace d’effraction n’a été constatée après les faits. Rien n’a été touché dans la maison. Aucune marque de défense n’a, non plus, été trouvée sur le cadavre de la victime durant l’autopsie. Pour cause : Claude Dray a été abattu de trois balles de 7.65 par derrière. Il n’a vraisemblablement pas vu ses tueurs.
Claude Dray fut le beau-père d’Arnaud Mimran. « Je l’aimais énormément. Il était comme un second père pour moi et je pense qu’il me considérait un peu comme son fils », confiera Mimran aux policiers après le meurtre. Plusieurs membres de la famille Dray ont fait part de leur côté des relations exécrables entretenues par les deux hommes. À la question des policiers, « votre père avait-il des ennemis ? », l’une des filles a ainsi répondu : « Arnaud Mimran était en très mauvais termes avec mon père […] Arnaud parlait très mal de mon père derrière son dos. On me rapportait notamment ces déclarations : “Je pisserais sur sa tombe si jamais il crevait”. »
Le directeur financier de Claude Dray, Philippe L., évoquera même « l’animosité que nourrissait la victime à l’égard » de Mimran à cause, notamment, d’une dette de 650 000 euros que ce dernier avait contractée auprès de son beau-père sur fond de problèmes fiscaux et qu’il n’aurait pas remboursée. Ce que Mimran dément farouchement.
Seule chose certaine, Claude Dray voulait à tout prix la perte de son ancien gendre. Dans son agenda, les enquêteurs ont retrouvé des rendez-vous avec un détective privé parisien ainsi qu’avec l’antenne parisienne de la célèbre agence privée de renseignements américaine Kroll. Claude Dray avait demandé que soit constitué un dossier contre Mimran, comme cela ressort d’un mémo retrouvé dans les affaires du défunt.
« C’est un policier qui travaille à la DCRI »
Selon plusieurs témoins, des policiers et des douaniers se sont également rendus au bureau de Dray à au moins deux reprises pendant le premier semestre 2011. Objet de leur visite ? « Ces hommes parlaient à mon père de CO2 et de Mimran », selon l’une des filles du milliardaire, qui a assisté à une partie de l’entretien. Et dans les semaines qui ont précédé son assassinat, Claude Dray s’est rendu à la brigade fiscale d’Asnières, en région parisienne, pour livrer diverses informations accumulées sur son ex-gendre.
Tout cela pourrait, à la limite, constituer un mobile du meurtre mais sûrement pas à désigner, à ce stade des investigations, un coupable pour la justice. Lors d’une audition, le 3 novembre 2011, les policiers de la crim’ se sont quand même émus devant Mimran du nombre grandissant de cadavres qui parsèment son existence : « Cela commence à faire beaucoup de morts tués par balles autour de vous. Qu’en pensez-vous ? » Réponse de Mimran : « Qu’est-ce que vous voulez que je vous dise ? Pour Samy [Souied – ndlr], ça peut s’expliquer par son mode de vie et ses fréquentations. Concernant mon beau-père, je ne sais pas, je ne comprends pas. Je n’ai rien à voir avec cette histoire si vous voulez savoir. »
Dans l’affaire du CO2, la justice semble avoir en revanche beaucoup moins de doutes sur l’implication de Mimran. Déjà confondu en 2000 dans une affaire boursière aux États-Unis – il a consenti à restituer 1,2 million de dollars avec ses complices – et condamné en décembre 2007 pour fraude fiscale, le golden boy est dépeint par les juges de l’affaire des quotas carbone comme un véritable esthète des techniques de blanchiment : utilisation de comptes bancaires au nom d’autrui, usage de comptes ouverts dans des casinos pour y récupérer des espèces après conversion en jetons, faux prêts de jetons entre joueurs au casino, transferts transfrontaliers d’espèces ou de chèques non déclarés…
Durant l’enquête, Mimran a plaidé la bonne foi, estimant avoir simplement profité d’une « imprécision de la réglementation » et d’une « faille juridique » sur le CO2. Au bout de la faille, il y a eu la prospérité : les juges évoquent à son sujet un « train de vie très élevé (avion, voitures, appartements). Il devait trouver les moyens d’y faire revenir le produit de la fraude en en masquant l’origine ».
En perquisition dans l’un des appartements de Mimran, les enquêteurs découvriront des RIB chinois, britanniques ou portugais, tous aux noms de sociétés exotiques. Les juges ont aussi saisi un compte à la HSBC France valorisé en février 2015 à 7,7 millions d’euros, après avoir déjà fait l’objet d’une saisie précédente de 5 millions d’euros. Ils ont également établi à 5,5 millions d’euros la valeur du patrimoine immobilier de Mimran en France, dont un triplex dans le XVIe arrondissement de Paris avec piscine, jacuzzi, hammam et salle de sport.
Il faudra près de trois ans entre le troisième et le quatrième meurtre. Le 8 avril 2014, peu avant une heure du matin, Cyril Mouly, cousin germain de Marco Mouly, l’un des prévenus de l’affaire des quotas carbone, rentre chez lui accompagné de son homme de main, un certain Albert Taieb. Dans la cage d’escalier de son bel immeuble situé en face du parc Monceau, deux hommes casqués, intégralement vêtus de noir, les attendent. Cyril Mouly parvient à prendre la fuite, détalant à toutes jambes dans la rue, comme en témoigne la vidéosurveillance urbaine de Paris. Albert Taieb, surnommé “Bébert”, lui, n’en réchappera pas, massacré à coups de couteau. Il avait 60 ans.
« On a quelqu’un en face de nous qui est coriace et qui est intelligent », lâchera Mouly devant un juge d’instruction parisien, le 9 septembre 2014. Avant d’accuser : « Je pense à 99,9 % que c’est Arnaud Mimran qui a commandité ma tentative d’assassinat et donc la mort de “Bébert”. » Mouly, qui dit avoir aujourd’hui peur pour sa vie, a expliqué avoir remis 800 000 euros en espèces à Mimran en avril 2013, somme qu’il lui réclamait avec insistance dans les semaines précédant le meurtre de “Bébert” et tout particulièrement le jour des faits. « Arnaud est venu sur les lieux du crime avant la police et m’a suivi comme un toutou. Je voyais qu’il n’était pas normal », a ajouté Mouly dans le cabinet du juge.
Refusant de répondre aux questions de Mediapart sur chacun des dossiers dans lequel son client est cité, l’avocat Jean-Marc Fedida se contente d’affirmer qu’« Arnaud Mimran conteste son implication dans les faits que vous évoquez, que ce soient ceux relatifs aux faits pour lesquels il est mis en examen et, a fortiori, ceux pour lesquels aucune mise en cause judiciaire ne lui a été signifiée ». De fait, aucun élément matériel n’est susceptible d’incriminer Mimran dans ce crime comme dans les précédents. Dans son entourage, ses proches affirment même que ces accusations répétées relèveraient plutôt d'une construction d'un bouc émissaire un peu trop facile.
Il est un dossier, financier celui-ci, qui a tout de même valu récemment de la prison sous le régime de la détention provisoire à Mimran. Les juges le soupçonnent en effet d’avoir orchestré, en janvier 2015, l’enlèvement et la séquestration durant six jours dans un appartement d’Aubervilliers (Seine-Saint-Denis) d’un financier suisse et, dans le même temps, au même endroit, d’avoir simulé le sien. À la clé : 2,2 millions de dollars d’ordre d’achat d’actions d’une société minière canadienne, Cassidy, que le financier suisse a dû opérer sous la menace de ses ravisseurs. L’argent a finalement atterri sur un compte à Dubaï que les juges soupçonnent d’appartenir en sous-main à Mimran. Des écoutes téléphoniques « font effectivement ressortir Arnaud Mimran comme le donneur d’ordre concernant ce compte » à Dubaï, écrivent les magistrats.
Dans ce dossier apparaît également l’ancien champion de boxe Farid Khider, un proche de Mimran, ainsi que des gros bras, l’un surnommé “Boulon” et un autre “Titax”, assassiné depuis.
Contre toute attente, après quatre mois de détention provisoire et contre l’avis de l’avocat général, la chambre de l’instruction de la cour d’appel de Paris a décidé, un an jour pour jour après les faits, le 15 janvier 2016, de remettre en liberté Arnaud Mimran (contre une caution de 100 000 euros) et son complice présumé Farid Khider.
Mais plus intrigant encore, un homme de main de Mimran a raconté aux policiers avoir été approché en avril 2015 – Mimran était alors en détention provisoire – par un certain “Seb”, qui lui aurait demandé de continuer de récupérer de l’argent sur le compte de Dubaï, non bloqué par la justice. Durant son audition, cet homme de main s’était subitement arrêté de parler en découvrant que Mimran était entendu dans la salle d’à côté. « Vous avez peur d’Arnaud Mimran ? », lui ont alors demandé les policiers de l’Office central de lutte contre la criminalité organisée (OCLCO). « Je sais qu’il est capable du pire », a répondu le témoin.
Interrogé à son tour le 18 juin 2015 sur ce mystérieux “Seb”, Mimran a affirmé : « C’est un policier qui travaille à la DCRI [Direction centrale du renseignement intérieur — ndlr]. Je le rencontre à titre amical. » Selon le procès-verbal de l’interrogatoire, les policiers n’ont pas cherché à en savoir plus.
"L'alcool tue lentement. On s'en fout, on a le temps."