par fernando » 26 Fév 2016, 12:20
un peu long mais intéressant
Le phénomène Trump décrypté
25 février 2016 | Par Iris Deroeux et Thomas Cantaloube
Pour comprendre un tant soit peu Donald Trump et son succès dans trois des quatre premières primaires américaines, il faut partir dans plusieurs directions à la fois, et notamment s'intéresser aux discours du candidat. Non pas pour en vérifier la cohérence, mais afin d'examiner l'attirance de la base électorale républicaine pour cette figure iconoclaste.
De notre correspondante à New York et de notre envoyé spécial dans le New Hampshire (États-Unis). - Cela fait six mois que tout le monde (éditorialistes, adversaires, élites politiques) prédit l’éclatement imminent de la bulle Donald Trump. Et cela fait six mois que celle-ci ne cesse d’enfler. Après trois victoires consécutives lors des quatre premiers scrutins des primaires visant à désigner le candidat républicain à la Maison Blanche, la probabilité que le milliardaire new-yorkais soit le nominé des conservateurs américains pour le scrutin de novembre 2016 se fait de plus en plus tangible – même si la route est encore longue.
Il existe un réel « phénomène Trump » qui dit beaucoup sur les États-Unis et leurs politiciens, et qui ne doit rien au hasard. Pour le comprendre un tant soit peu, il faut partir dans plusieurs directions à la fois. S’intéresser aux crispations identitaires d’une portion de l’électorat, aux inquiétudes face à l’emploi, à la colère tangible de la frange ultra conservatrice depuis que la Maison Blanche est occupée par un Afro-Américain, au ras-le-bol général face au poids des lobbies à Washington et aux dysfonctionnements du Congrès, ou encore à la débandade du parti républicain et à l’appauvrissement du débat d’idées… Et bien sûr, il faut s’intéresser à la personnalité de Donald Trump, à son style et plus encore à son discours. C’est ce que nous allons faire ici.
Quels thèmes aborde-t-il, de quel langage use-t-il ? Pourquoi séduit-il ? Nous avons décidé de nous arrêter sur certaines des propositions du candidat aux primaires républicaines et de les décoder. Pas tant pour vérifier l’exactitude de ses propos ni la cohérence de ses discours, mais afin de comprendre un peu mieux le succès de ce personnage iconoclaste auprès de la base électorale républicaine (au grand dam des élites du parti !). Car c’est bien cela qui rend le personnage difficilement saisissable : il oscille entre propos absurdes et déclarations pertinentes, il se veut pragmatique et extravagant à la fois, ultra conservateur sur certains sujets, il apparaît « libéral » sur d’autres… Totalement affranchi de la doxa conservatrice défendue par l’élite du parti, il réussit mieux que ses concurrents à puiser dans le réservoir d’angoisses, de fantasmes et d’idéaux des électeurs républicains ; et à y répondre.
Tour d’horizon de Trump en six citations :
« Nous allons construire un mur entre les États-Unis et le Mexique. »
Dès août 2015, Donald Trump révèle une série de propositions en matière de politique migratoire (la liste est ici3). Il propose en vrac de refuser temporairement aux musulmans le droit d’entrer aux États-Unis, de mettre fin au droit du sol, de renforcer les règles existantes obligeant les employeurs américains à tout faire pour trouver un national avant d’embaucher un étranger.
Et surtout, il veut construire un mur le long des quelque 3 200 kilomètres de frontière entre les États-Unis et le Mexique. Dans les sphères médiatique et politique, on s’indigne à l’évocation de ce projet. Cela plaît à Trump, alors il le dit et le répète quasiment à chaque discours : non seulement, « nous allons construire un mur », mais « croyez-moi, ce sont les Mexicains qui le paieront ». Comme il l’explique très succinctement sur son site de campagne3, il compte ainsi prélever une portion des sommes d’argent qu’envoient les immigrés mexicains à leurs proches de l’autre côté de la frontière tant que les autorités mexicaines refusent de payer pour la construction du mur.
Jugée infaisable et immorale, cette idée de mur a pourtant fait son chemin et séduit quantité d’électeurs républicains. Pourquoi ? D’abord, parce que Donald Trump n’est absolument pas le seul à parler d’immigration, et plus précisément de lutte contre l’immigration illégale en provenance d’Amérique du Sud. C’est récemment devenu l’un des sujets de prédilection du parti républicain (lire cette analyse3 du think tank conservateur American Enterprise Institute). Et ce, quand bien même le solde migratoire mexicain3 vers les États-Unis serait négatif depuis la crise de 2009. Le débat ne se situe pas là, ces chiffres ne sont d’ailleurs jamais cités. Lorsqu’ils parlent d’immigration, les candidats s’adressent en fait à une portion de l’électorat conservateur de plus en plus importante et inquiète : les Blancs peu ou pas diplômés, sans activité ou précaires, ayant le sentiment que la main-d’œuvre illégale bon marché leur vole leurs emplois.
Sauf que les principaux concurrents de Donald Trump ont eu tendance à rester très vagues, s’en tenant généralement à la promesse de « mieux sécuriser la frontière ». Dans ce contexte, le milliardaire s’est imposé comme un candidat pragmatique, aux idées radicales et peut-être efficaces. D’autant que, de fait, la frontière est déjà une zone ultra militarisée, équipée depuis 2006 de clôtures de tôle ou de grillages sur plus de 1 000 kilomètres, et surveillée par 18 000 hommes. Comme l’explique parfaitement l’ancien diplomate Stephen R. Kelly dans le New York Times3, les États-Unis sont déjà sur la voie d’une frontière fortifiée telle qu’elle existe entre les deux Corées. « Donald Trump, vous n’auriez qu’à finir le travail », note-t-il avec une pointe de cynisme.
Trump sait parfaitement se montrer misogyne, machiste et vulgaire
« J’adore les Oreo. Mais je n’en mangerai plus jamais puisque Nabisco ferme son usine et délocalise au Mexique. Le Mexique, c’est la nouvelle Chine. »
Pour comprendre la portée de ces propos, il faut d’abord expliquer – sans données solides à l’appui, certes – qu’à peu près tout le monde aux États-Unis mange ou a mangé des Oreo. Ces petits gâteaux secs fabriqués par le groupe Nabisco se vendent à trois dollars le paquet n’importe où, des stations-service aux pharmacies. Cette déclaration – répétée des dizaines de fois – illustre bien le type de langage extrêmement simple et les références accessibles à tous qui caractérisent les discours de Donald Trump. Le Boston Globe a passé en revue les discours de tous les candidats et conclut, dans cette étude très intéressante3, que ceux de Trump peuvent être lus et compris par un enfant de neuf ans.
Ensuite, venons-en au fond. Passons sur le fait que le groupe ne ferme pas son usine de Chicago : il y supprime bel et bien quelque 600 emplois, rendus obsolètes par la modernisation des équipements (ici les explications3 de l’entreprise). Ce qui est intéressant, c’est que le candidat va ainsi à rebours des grands principes défendus par les cadors du parti républicain (exaspérés par les sorties de Trump !). Le parti est connu pour sa ligne « pro-business », au point de s’opposer à toute réglementation ou limitation de nature à freiner la bonne marche de l’économie de marché. Donald Trump, lui, défend un certain protectionnisme. Et pas seulement lorsqu’il parle de gâteaux secs.
Depuis l’été dernier, il a promis de limiter les délocalisations, d’augmenter les taxes sur les produits importés (les produits en provenance de Chine ou encore les voitures Ford assemblées au Mexique, insiste-t-il), de hausser l’impôt sur les plus fortunés, notamment les dirigeants de hedge funds… Il se prononce aussi contre les grands accords de libre-échange que les États-Unis négocient d’une part avec onze pays d’Asie (le TTP, signé en octobre), d’autre part avec l’Union européenne (le TTIP, en cours), en soulignant que ce genre de traités ne crée pas d’emplois. Sur ce dernier point, il partage donc l’opinion du candidat de gauche Bernie Sanders !
Là encore, ces prises de position n’ont pas vocation à plaire aux chefs d’entreprise, mais à la portion de l’électorat conservateur peu diplômé ne profitant pas ou peu des fruits de la croissance. Cela fonctionne : les électeurs républicains suivent, tandis que l’establishment républicain en vient à revoir (légèrement) sa copie. L’un des grands défenseurs des accords de libre-échange, le sénateur Rob Portman, a récemment retourné sa veste et se dit désormais opposé à l’accord de partenariat transpacifique.
« J’ai beaucoup d’amies qui comprennent mieux l’intérêt du planning familial que vous et moi ne le comprendrons jamais. »
Personne ne dira le contraire, Donald Trump sait parfaitement se montrer misogyne3, machiste et vulgaire. On ne s’attendait donc pas à l’entendre défendre le planning familial, une organisation contre laquelle se déchaînent les élus républicains depuis plusieurs années au prétexte qu’elle pratique et donc promeut l’avortement. Sauf que ces mêmes élus, dont les candidats Ted Cruz et Marco Rubio – qui, en 2015, étaient prêts à bloquer les négociations budgétaires au Congrès tant que les subventions fédérales des plannings n’étaient pas supprimées –, en viennent à oublier que cette structure nationale sert avant tout à suivre et soigner des femmes ayant des revenus insuffisants pour s’offrir les services d’un cabinet de gynécologie ou d’obstétrique.
Voilà donc Donald Trump donnant une leçon à ses concurrents et, par extension, à ses électeurs. Lors de plusieurs entretiens, dont l’un très récent sur la chaîne NBC3, le candidat s’est exprimé ainsi : « J’ai beaucoup d’amies qui comprennent mieux l’intérêt du planning familial que vous et moi ne le comprendrons jamais. Ils [le personnel des plannings] font un excellent travail. Là-bas, ils prennent soin des cancers du col de l’utérus, des problèmes de santé des femmes. » Une fois dit cela, Trump pose immédiatement ses limites : lui aussi s’oppose au droit à l’avortement (il disait le contraire en 1999). S’il est élu, les plannings recevront donc des financements fédéraux mais ne pourront pas s’en servir pour financer les IVG, explique-t-il, se posant ainsi comme un vrai conservateur mais capable de faire dans la nuance. Le tout, sans jamais expliquer que c’est précisément la situation actuelle : la loi fédérale empêche les plannings familiaux américains d’utiliser les subventions venant de Washington pour pratiquer des IVG, excepté en cas de viol, d’inceste ou de mise en danger de la vie de la mère.
Au bout du compte, avec ces déclarations approximatives et ambivalentes, il réussit à séduire plus d’électrices républicaines que ses concurrents. Les études d’opinion indiquent qu’il est le candidat favori à la fois d’une majorité d’hommes et de femmes soutenant le parti républicain.
Notons enfin que Donald Trump a fait d’autres sorties surprenantes en matière de politique sociale. Alors que depuis l’élection de Barack Obama, la destruction des programmes publics d’assurance santé des plus pauvres est l’un des principaux objectifs des élus républicains au prétexte qu’ils ruinent le pays, Donald Trump insiste sur le fait que, lui, n’a rien contre Medicaid (couverture santé pour les plus pauvres), Medicare (couverture santé pour les retraités) et la sécurité sociale (le nom du programme public de retraite). Pourquoi ? Parce que sous sa présidence, « nous serons si riches » qu’il sera inutile d’y toucher.
Trump a fait voler en éclats l’hypocrisie des conservateurs
« Je n’adore pas la loi sur les expropriations mais c’est une nécessité absolue pour notre pays. »
La loi américaine sur les expropriations fait partie de ces hypocrisies dans lesquelles le parti républicain a coutume de s’enferrer : au nom de la sanctification de la propriété privée et d’un certain esprit de la frontière (premier arrivé, premier servi, sauf les Indiens), il refuse publiquement que l’État puisse saisir des terres et des habitations pour des projets d’utilité publique. Le discours public est donc radicalement en faveur des propriétaires. Pourtant, lorsque les républicains sont au pouvoir, ils n’hésitent pas à se servir de la loi sur les expropriations pour différents projets, et notamment des développements privés.
Lors d’un débat entre candidats conservateurs le 6 février 2016 dans le New Hampshire, Donald Trump s’est retrouvé seul sur scène à défendre l’utilisation des expropriations. Il l’a fait au nom de l’intérêt public : « Sans cette loi, on n’aurait pas de routes, pas d’hôpitaux, pas d’écoles, pas de ponts. (…) Je n’adore pas la loi sur les expropriations mais c’est une nécessité absolue pour notre pays. » Il exposait là une évidence. Bien entendu, s’agissant de Trump, les choses sont rarement aussi simples. Car, en tant que promoteur immobilier, il a fait durant sa carrière un usage considérable, et beaucoup disent abusif3, de la loi sur les expropriations pour servir ses propres intérêts financiers.
Mais en rompant avec la doxa du parti républicain sur le sujet, et en défendant ce que la plupart des citoyens américains considèrent comme une évidence, même si elle ne leur plaît pas, Trump a fait voler en éclats l’hypocrisie des conservateurs. Qui l’a attaqué sur le plateau de télévision lorsqu’il a dit cela ? Jeb Bush qui, lorsqu’il était gouverneur de Floride, a régulièrement usé de la loi sur les expropriations, et qui avait sans doute oublié que son propre frère, George W., s’en était servi pour faire construire un stade pour son équipe de baseball lorsqu’il était au Texas.
Le surlendemain, lors d’un meeting du candidat, plusieurs supporters défendaient la position de Trump, comme Jim McNichol, un camionneur : « Je n’aimerais effectivement pas qu’on m’expulse de ma maison, mais je reconnais qu’il est parfois nécessaire de récupérer des terres pour des projets qui servent à tout le monde. À condition qu’on indemnise correctement les propriétaires. Les autres candidats se moquent du monde : on sait très bien qu’une fois élus, ils utiliseront la loi. Certains s’en serviront même pour aider leurs copains businessmen qui ont financé leur campagne ! »
Contrairement aux autres candidats qui font la danse du ventre devant les lobbies et les entrepreneurs millionnaires pour financer leur campagne, le fait que Trump s’autofinance sur sa fortune personnelle lui permet, paradoxalement, d’être plus vertueux que ses adversaires.
« Jeb Bush est un candidat à basse énergie. »
Pendant près de six mois après l’annonce de la candidature de Trump à l’été 2015, aucun des autres candidats conservateurs n’a osé attaquer le promoteur immobilier, malgré ses déclarations tapageuses et incohérentes. Il a fallu attendre janvier 2016 et l’approche des premières primaires pour entendre quelques critiques à son attention. Pourquoi une telle prudence ?
La première raison est stratégique. Les postulants républicains se sont divisés en deux camps : ceux qui pensaient que Trump allait disparaître de lui-même à force de provocations et qui préféraient laisser le temps faire son œuvre (Jeb Bush, Chris Christie, John Kasich, Scott Walker…) ; ceux qui estimaient que Trump finirait par imploser et qui avaient bien l’intention de récupérer ses électeurs (Ted Cruz, Marco Rubio, Ben Carson).
La seconde raison de ce long silence est la crainte. Avec sa langue bien pendue et son sens de la repartie, Trump n’a pas son pareil pour appuyer là où ça fait mal. Contrairement aux règles souvent feutrées de la politique américaine, l’homme à la chevelure étonnante n’hésite jamais à lancer des piques ad hominem qui font mal. Il s’est moqué de Rick Perry, un candidat aux primaires de la première heure, sous-entendant qu’il portait des lunettes pour avoir l’air plus intelligent.
Il a traité la présentatrice de Fox News Megyn Kelly de « bimbo », parce qu’elle lui posait des questions qui lui déplaisaient. Il a dégoisé sur le physique de Carly Fiorina à l’époque où elle était une concurrente : « Regardez-moi ce visage ! Qui voterait pour ça ? C’est une femme, je ne suis pas censé en dire du mal, mais quand même, soyons sérieux ! Vous imaginez ce visage sur notre prochain président ? » Mais la victime préférée de Trump a été Jeb Bush, traité régulièrement de « candidat à basse énergie », un qualificatif dont ce dernier n’a jamais réussi à se débarrasser jusqu’à son abandon, dimanche 21 février.
Donald Trump a un problème avec la guerre
En agissant de la sorte, Donald Trump se comporte non pas comme un candidat respectueux de ses adversaires, mais comme un spectateur devant sa télévision ou au café du commerce. Il dit ouvertement ce que personne d’autre n’ose dire, mais que tout le monde pense sur le physique ou le comportement des personnalités politiques. C’est méchant et souvent crasse, mais une grande portion de l’électorat adore cela, et lui se drape dans le « franc-parler » dont il fait une vertu cardinale. Trump adore la bagarre, il rend coup pour coup, il est habitué à en recevoir, et il a parfaitement intégré qu’une grande partie de la politique est une affaire d’image. Après des décennies d’exposition médiatique, la sienne était déjà fixée avant sa candidature et il n’a pas cherché à la modifier. En revanche, il s’est attaché à définir négativement ses adversaires à coups d’insultes qui, parce qu’elles possèdent souvent un fond de vérité, leur collent à la peau.
« John McCain n'est pas un héros de guerre. C'est un héros de guerre parce qu'il a été capturé… » « Ils ont menti. Ils ont dit qu’il y avait des armes de destruction massive. Il n’y en avait pas et ils savaient qu’il n’y en aurait pas. (…) Personne ne sait vraiment pourquoi nous avons envahi l’Irak. »
Donald Trump a un problème avec la guerre. Ou alors avec les guerres perdues de l’Amérique. En cela, il semble en phase avec une grande partie de l’électorat américain qui juge aujourd’hui très négativement l’aventure irakienne et qui estime que les États-Unis ne devraient plus être les gendarmes du monde à toutes les occasions (voir les enquêtes d’opinion ici3 et là3).
En moquant le sénateur et ancien candidat républicain à la présidence John McCain, prisonnier du Viêt-Cong pendant plus de cinq ans, Trump pointe du doigt l’humiliation de la défaite américaine au Viêtnam et ceux qui ont bâti leur carrière dessus (lui avait bénéficié d’un report dû à ses études puis à une blessure au pied). En critiquant l’invasion de l’Irak en 2003, il dénonce son propre camp, qui avait quasi unanimement soutenu cette guerre et dont une partie continue de défendre l'idée qu’il n’aurait pas fallu se retirer du pays. Par ailleurs, Trump se dédouane de toute suspicion d’être un « mauvais patriote » en donnant3 régulièrement de l’argent aux associations d’anciens combattants. Dans le même temps, il ne s’embarrasse guère de détails puisque son avis sur la guerre d’Irak a été plus que fluctuant3 en 2002 et 2003.
Mais aujourd’hui, Trump est particulièrement malin et, encore une fois, fort peu orthodoxe. Les Américains sont las des guerres à l’étranger et regrettent le manque d’investissements dans leur pays (en matière d’infrastructures). En se différenciant des autres candidats républicains qui demeurent très mal à l’aise face aux années Bush et n’osent pas critiquer un ancien « commander in chief » issu de leurs rangs, il épouse une opinion publique qui, bien que conservatrice, juge négativement la guerre d’Irak (et aussi celle du Viêtnam, même s’il n’y a plus guère de débats sur ce sujet).
Comme ses électeurs, et contrairement aux autres personnalités politiques de droite, Trump sait parfaitement distinguer les guerres des soldats et l’action militaire de la politique étrangère.
Donald Trump fait figure de monstruosité politique. Il est hors norme et imprévisible, vulgaire et nombriliste, il promeut un discours raciste et caudilliste, il fait peur aux politiciens de Washington et aux intellectuels new-yorkais, il ne détaille rien et reste dans l’imprécation. Et pourtant… il gagne. Parce qu’il a parfaitement intégré la révolte populaire contre les élites, mais aussi le ras-le-bol des Américains, y compris conservateurs, contre les politiques néolibérales qu’ils subissent depuis trente ans. Contrairement à Bernie Sanders, qui surfe sur la même vague mais qui est d’un seul bloc, cohérent politiquement et dans le temps, ouvert et inclusif, Donald Trump est, lui, un condensé de paradoxes, dont beaucoup sont fort peu ragoûtants. Mais dans une époque de rébellion « populiste » (au sens anglo-saxon, et plutôt positif, du terme), il a su toucher une corde sensible.
"L'alcool tue lentement. On s'en fout, on a le temps."