CETA: l'assourdissant et insoutenable silence de François Hollande et Matthias Fekl
Depuis lundi, le « Non wallon » fait la Une des journaux, électrise les éditorialistes, enflamme la toile, exalte les opposants, désespère ses promoteurs et passionne une partie de l'opinion publique. A l'Elysée pourtant, c'est silence radio. Tout comme chez Matthias Fekl qui ne prend pas la peine de s'expliquer devant le Parlement, ou devant l'opinion. Au risque d'attiser les rumeurs.
Qu'on l'approuve ou qu'on le rejette, il faut reconnaître au « Non wallon » d'avoir réussi à ouvrir, pour qui veut s'en saisir au fond, un débat de haut-niveau sur le CETA ainsi que sur l'avenir de la mondialisation. Il dévoile aux yeux de tous les Européens les enjeux de ces accords « nouvelle génération », qui ne se limitent pas à la réduction des droits de douane, mais qui portent également sur les normes et régulations existantes et futures. Nourri d'un patient et long travail d'auditions et d'expertise, le Parlement wallon offre à l'Europe entière la possibilité de mener un débat démocratique approfondi et de résorber le fossé existant entre les institutions et les citoyens européens. Une chance pour la démocratie 3, alors que Justin Trudeau, le premier ministre canadien, vient d'annuler sa venue à Bruxelles pour signer le Traité ce jeudi 27 octobre.
C'est d'ailleurs à ce niveau-là que Paul Magnette plaçait fort justement le débat lors de son intervention devant le Parlement wallon le 14 octobre dernier :
« Ce dont nous parlons ici, c’est de toute la philosophe des échanges commerciaux tels qu’ils vont se construire les prochaines années. Si nous voulons qu’il y ait de vraies règles en matière de droits de l’homme, de développement durable, il faut faire un travail de négociation pour obtenir un traité qui fixe les standards aussi hauts que cela deviendra la norme. C’est cela l’enjeu fondamental du Ceta. Et c’est pour cela que nous devons dire "non" pour négocier. "Non", pour créer un rapport de force qui nous permette d’obtenir plus de normes environnementales, sociales, plus de clauses de respect des services publics. Demain, c’est à partir de ce standard européen là que l’on discutera »
François Hollande et Matthais Fekl se taisent....
L'éventuelle surprise passée, toutes les forces progressistes en Europe auraient du s'engouffrer derrière le Non wallon, pour appuyer Paul Magnette et les parlementaires wallons. Les opposants au CETA le font sans compter. Et ce alors que Paul Magnette n'a cessé d'affirmer que c'était un « Non pour négocier », un Non pour « faire en sorte que l’on ait des traités avec un niveau de protection en matière sociale, de services publics, d’environnement, avec un niveau de garantie juridictionnelle, qui soit les plus élevés au monde ». Loin de chercher à bloquer l'accord coûte que coûte, Paul Magnette poursuit une stratégie finalement beaucoup plus social-démocrate qu'altermondialiste. Et pourtant, François Hollande se tait. Tout comme Matthias Fekl.
… pour mieux manoeuvrer en coulisse contre le Non wallon ?
Dans une période d’affirmation identitaire et xénophobe, le Non wallon offre pourtant une bouffée d'oxygène qui déplace les lignes et ouvre des perspectives. Certains semblent l'avoir compris : « le CETA est un échec, l'UE n'est plus capable de compromis sociaux, il y a besoin d'une réorientation fondamentale vers les attentes des citoyens ». Ce tweet 3 ne provient pas d'un.e militant.e altermondialiste ou d'un parlementaire wallon se délivrant un auto-satisfecit. Non, il est celui de Bernd Lange, président social-démocrate de la commission du commerce international du Parlement européen, et fervent promoteur du CETA.
Oui, les lignes bougent. En témoignent les très récentes prises de position de Libé 3, puis de l'Obs 3 en soutien au Non Wallon. Dans son edito, Laurent Joffrin appelle à soutenir « l'opposition » à « la mondialisation libérale qui n’est pas seulement celle des obsédés de l’identité et des frontières mais procède de la volonté d’humaniser l’économie de marché ». A l'Obs, Matthieu Croissandeau considère que la démarche des opposants au CETA « répond à un problème de fond » car « ils réclament simplement davantage de garanties pour préserver les services publics, l’environnement ou l’agriculture d’une compétition débridée dont on mesure chaque jour les dégâts sur l’emploi ou l’industrie européenne ».
De leur côté, François Hollande et Matthias Fekl se taisent. Alors que Justin Trudeau annule sa venue à Bruxelles, il n'y a aucune compte-rendu régulier devant le Parlement ou l'opinion. Ils refusent d'expliquer publiquement ce que défend la France dans les tractations obscures qui se poursuivent à Bruxelles : si on excepte des propos déconcertants 3 d'Harlem Désir devant la Commission européenne ce mardi 24 octobre, aucune explication sérieuse n'a été donnée aux Parlementaires frnaçais. L'exécutif refuse ainsi de prendre exemple sur la Wallonie pour ouvrir un large débat démocratique, étayé et documenté, au Parlement français et donc dans l'opinion publique. A se demander s'ils ne sont pas plus occupés par accentuer les pressions sur la Wallonie, comme le laissent entendre les bruits de couloir entendus ici et là, qu'à se saisir du Non wallon comme une opportunité pour réguler la mondialisation. En plus d'être assourdissant, leur silence en devient insoutenable.
Maxime Combes, économiste et membre d'Attac France.
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