par fernando » 05 Mars 2017, 14:27
Parce qu'il en faut pour tout le monde, et pour faire plaisir à rodolfo (qui pourra lire ça en revenant du Trocadéro, ça va le détendre)
Emmanuel Macron embarrassé par ses millions
Faute de subventions publiques, Emmanuel Macron a besoin de dons pour financer sa campagne, collectés via Internet mais aussi lors d'événements privés. Chez ses adversaires, le lien de l'ancien banquier avec l’argent et les milieux d'affaires interroge, tout comme son patrimoine. Ils le dépeignent en candidat du « capitalisme financier ». Son entourage s’offusque mais vu son parcours, il ne peut qu'assumer.
« Je ne suis pas pour que le pouvoir de l’argent prenne le pas sur la politique. » Avant de soutenir Emmanuel Macron, François Bayrou était déchaîné contre le fondateur d’En Marche !. Il jugeait l’ancien ministre de 39 ans « pas qualifié » pour devenir président de la cinquième puissance mondiale et la proximité de l’ancien banquier avec les milieux d’affaires lui donnait des boutons. « Derrière Emmanuel Macron, disait-il, il y a de grands intérêts financiers incompatibles avec l'impartialité exigée par la fonction publique. »
Le maire de Pau n’avait pas de mots assez durs contre ce candidat « des forces de l’argent », dont les « équipes » se vantent d’avoir « levé, dans un vocabulaire financier et de Bourse, des millions d’euros ». « Ce n’est pas ma manière de voir la politique », disait Bayrou qui a toujours eu en horreur le mélange des genres entre la sphère publique et les intérêts privés.
En échange d’une grande loi sur la moralisation de la vie politique, François Bayrou a ravalé ses critiques. Pas les rivaux de l’ancien secrétaire général adjoint de l’Élysée. Ils n’ont de cesse de souligner son CV atypique (ancien rapporteur de la commission Attali, ex-banquier d’affaires, ministre) et sa proximité avec les milieux d’affaires.
Jean-Luc Mélenchon l’appelle « le jeune banquier ». Benoît Hamon le met au défi de publier la liste de ses donateurs et rejette pour sa part les chèques supérieurs à 2 500 euros (soit au tiers du plafond légal) si les signataires refusent de lever leur anonymat : une pique pour Macron, soupçonné d’être sous influence « des pouvoirs économiques, bancaires, des lobbies privés, ceux qui justement, quand on arrive aux responsabilités, défont les programmes électoraux ». Marine Le Pen, elle, rêve déjà d’un affrontement explosif de second tour avec le « candidat du mondialisme et de l’ultralibéralisme » pour lequel « les puissances d'argent et leurs relais médiatiques prennent parti ».
À sept semaines du premier tour de la présidentielle, ces questions lestent la campagne de Macron, qui vient de présenter son projet présidentiel. Le risque politique est clair : apparaître comme le candidat des médias, des riches, de l’« oligarchie », du « cercle de la raison » ou d’un peu tout cela. Un candidat hors-sol qui, selon la fachosphère, aurait dépensé « un Smic par jour » entre 2010 et 2012 lorsqu'il était banquier chez Rothschild – on va y revenir.
« Il y a beaucoup de fantasmes, de démagogie, de mensonges et de vilénies. » Celui qui parle s’appelle Christian Dargnat. Depuis le lancement d’En marche ! en avril 2016, ce banquier, ancien dirigeant de la branche « gestion d’actifs » de la BNP Paribas, est chargé de collecter les fonds de la campagne. Il nous reçoit au « QG » d'En Marche !, dans le quinzième arrondissement de Paris.
L'équipe Macron a enclenché le mode riposte. « Les mots ne sont pas innocents, dit-il, assis dans la salle de presse vide où trône un décor « EM ! » en polystyrène. Faut-il interdire aux gens qui ont travaillé chez Rothschild de se présenter à une élection ? Tout cela fait le jeu des populismes. » À ses côtés, le responsable de la communication, Sylvain Fort, ajoute : « La thèse du complot des financiers en haut-de-forme qui prétendent dominer le monde un cigare à la main, ça va bien ! On recycle systématiquement contre Emmanuel Macron une phraséologie digne de l’extrême droite, ce n'est pas innocent. » Le propos vise le FN, mais aussi une phrase de l’ancienne ministre de la culture Aurélie Filippetti, soutien de Benoît Hamon, qui a dépeint Macron en « candidat du grand capitalisme financier ».
Chez En Marche !, dès qu'il s'agit d'argent, la ligne est la même depuis des mois. On rappelle que le mouvement est récent et qu’il n’a pas d’élus, donc pas de subventions publiques. À l’entourage de Macron de se débrouiller pour trouver les millions d’euros que coûte une campagne présidentielle (meetings, tracts, salaires, etc.).
À ce jour, il a déjà récolté 8 millions : la moitié du plafond de dépenses autorisé par la loi pour le premier tour d’une présidentielle. Du jamais vu pour un parti tout neuf.
Le rythme s'accélère : en deux mois, depuis le 1er janvier, la campagne a engrangé 2,7 millions d’euros. Selon Dargnat, 30 000 donateurs ont versé leur écot. La moitié d’entre eux ont donné moins de 50 euros… mais 160 ont versé plus de 5 000 euros. À eux seuls, ces généreux mécènes ont donc apporté un dixième des dons recueillis. En remerciement, ils ont reçu la lettre manuscrite qu'Emmanuel Macron réserve aux donateurs de plus de 3 000 euros. Mais pas question de raviver le souvenir bling-bling du « Premier Cercle », le cénacle des donateurs privilégiés de Nicolas Sarkozy en 2007, dont une partie se réunit au Fouquet’s le soir de sa victoire. « Le Premier Cercle, c’était une erreur colossale, juge Dargnat. Jamais nous n’organisons de grande réunion de ce genre. »
S’il évite de les réunir, le banquier fait toutefois ce qu’il faut pour les soigner, à coups d’attentions, de relances et de tête-à-tête. Quelques oboles sont même arrivées de bienfaiteurs étrangers – « peut-être dix au total », relativise Dargnat. À la différence d'Alain Juppé (qui avait décidé après quelques semaines de campagne de les refuser), l’équipe Macron ne les écarte pas, « sauf par précaution, s’il y a le moindre doute » sur l’origine des fonds. C’est arrivé quelquefois. Dargnat a poliment retourné l’argent. Mais il ne veut pas donner de noms, ni de nationalités, « pour ne pas jeter l’opprobre ».
Pour faire bonne figure, Emmanuel Macron a encouragé ses donateurs à s’identifier publiquement. En pratique, il sait très bien que personne ou presque ne le fera. Pressé de révéler le nom de ses soutiens, il invoque le secret fiscal. « Je ne peux pas “outer” les gens qui me donnent parce que c'est contraire à la loi. Ce serait trahir un secret personnel », disait-il en décembre dans le magazine « Complément d’enquête » (France 2).
Benoît Hamon ou le trésorier du PS n’ont-il pas raison de réclamer plus de transparence ? Christian Dargnat balaie l’argument. « Qu’est-ce que ça veut dire ? Qu’au-delà de 2 500 euros, c’est malsain ? Que cet argent est sale ? Par ailleurs, le PS touche 24 millions d’euros de subventions publiques [elles sont calculées en fonction du nombre de parlementaires et des résultats aux législatives – ndlr], sans compter l’argent de la primaire. Il peut donc se parer à bon compte de toutes les vertus. Quand vous êtes milliardaire, c’est facile de dire que l’argent ne vous intéresse pas… »
Aux dîners de collecte, « du petit-lait et du bon vin »
Chez Macron, on se plaît à dire que l’on n’a pas d’argent et que la PME fonctionne à l'économie. « Nous sommes aussi transparents que la loi l'exige, explique-t-on. C'est dingue : on nous reproche de respecter une loi sur le financement politique qui est venue remplacer les mallettes de billets, le cash africain et les fausses factures… » L’argument n’est pas faux, mais il est aussi un peu facile : révéler les noms, comme aux États-Unis, dissuaderait les donateurs. « Surtout en France, ils n’ont culturellement pas envie d’afficher leur couleur politique », dit un ami de Macron.
Depuis des mois, les proches du fondateur d'En Marche ! oscillent entre volonté de déminer les critiques et une certaine méfiance. Ils savent qu'à l'approche de la présidentielle, le pedigree de leur champion est à la fois un atout (ses soutiens aiment l’idée qu’il soit passé par le privé et ne se soit pas enrichi grâce à la politique, un reproche qu’ils font volontiers aux élus)… et un handicap.
Sur les estrades, Macron assume une relation plutôt décomplexée à l'argent – vu son parcours, impossible de ne pas assumer. Mais il se défend, dans son livre Révolution, d’être né avec une cuillère en argent dans la bouche. « L’histoire de ma famille est celle d’une ascension républicaine dans la province française, entre les Hautes-Pyrénées et la Picardie », écrit-il. Son passage par la banque d'affaires ? « Je ne regrette rien. [Ces années] m’ont été largement reprochées, puisque ceux qui ne connaissent pas cet univers ont le fantasme de ce qui s’y trame. (…) Je ne partage ni l’exaltation de ceux qui vantent cette vie comme l’horizon indépassable de notre temps, ni l’amertume critique de ceux qui y voient la lèpre de l’argent et l’exploitation de l’homme par l’homme. » Il se dit « fier » d'être passé par la banque, « quatre années » qui lui ont permis de « maîtriser », dit-il, la « grammaire des affaires ».
E. Macron à Londres devant le 10 Downing Street, résidence de la première ministre Theresa May qui l'a reçu le 21 février © Reuters E. Macron à Londres devant le 10 Downing Street, résidence de la première ministre Theresa May qui l'a reçu le 21 février © Reuters
S’il se présente comme extérieur au « système » politique, l’ancien secrétaire général adjoint de l’Élysée assume sa proximité avec le monde du business. Macron est à tu et à toi avec de grands patrons comme le fondateur de Free, Xavier Niel (et un autre patron du Monde, le milliardaire Pierre Bergé), ou de nombreuses figures de l’économie numérique. L’ancien numéro deux de Patrick Drahi chez SFR, Bernard Mourad, fait partie de son cercle proche. Didier Casas, dirigeant de Bouygues en disponibilité, élabore son programme. À la tête de la fédération de l’assurance, le lobbyiste Bernard Spitz dirige aussi les Gracques, think tank libéral dont il est le poulain. Le patron de McKinsey France est un ami. Et on pourrait rallonger la liste sans difficulté…
« Libéral » assumé, l’ancien ministre de l’économie rêve de « jeunes Français qui aient envie de devenir milliardaires ». Il célèbre le « talent » (à commencer par le sien, qu’il ne juge pas mince). Le 21 février, il justifie de la sorte sa proposition d’alléger l’ISF et la taxation du capital devant deux mille Français expatriés réunis au chic Central Hall de Londres : « Dans le football, dans le rugby, dans les sciences, dans le monde de la finance, dans l’entreprise, il faut des gens exceptionnels. Il ne faut pas que ça, que chacun ait sa place, mais il faut des gens formidablement talentueux. Donc il faut aimer le succès. Si l’on n’aime pas le succès, les gens à succès vont le chercher ailleurs. Et ça n’est pas bon pour votre économie. » Le discours semble surgi des clinquantes années Tapie.
Ce soir-là, dans la capitale britannique, Macron parle devant des convaincus, étudiants, employés de start-ups, entrepreneurs ou traders à la City. Londres, où habiteraient plus de 200 000 Français, est une plaque tournante pour le financement de l’entreprise politique Macron.
Depuis des mois, Christian Dargnat y multiplie les discrets allers-retours à la rencontre de donateurs. Macron lui-même y est venu trois fois. Sur place, les têtes de pont du réseau Macron s’appellent Ygal el-Harrar, financier chez Exane (une filiale de la BNP-Paribas) et Albin Serviant : patron du site appartager.com, cet entrepreneur du Web classé à droite est un des coordinateurs du très officiel label « French Tech » outre-Manche. Il organise aussi des dîners pour « happy few » dans son club privé French Connect – l'adhésion annuelle coûte de 700 à 1 200 euros.
Aidés par d'autres entrepreneurs, lui et el-Harrar mobilisent leurs carnets d’adresses depuis la fin de l’été pour faire rentrer de l’argent. Il y a dix jours, Emmanuel Macron a participé à Londres à trois collectes de fonds en deux jours. Au total, 120 donateurs y ont assisté. Une fois tous les dons reçus, l’équipe, qui parie sur un écot moyen de 3 500 euros, escompte plus de 200 000 euros de recettes. Un jackpot, à une heure de Paris par l'Eurostar…
Pour collecter de l'argent avec l'élégance et le raffinement qui siéent aux portefeuilles bien garnis, le raout privé avec Macron en chair et en os est de loin la méthode la plus efficace. En moyenne, le candidat participe à un « événement » tous les dix jours depuis le printemps dernier. « Une vingtaine de déjeuners ou de dîners en sa présence », confirme Christian Dargnat. La plupart ont eu lieu à Paris. Quelques-uns en province, « mais ça n'a pas toujours répondu à nos attentes », dit le financier. Il y en a aussi eu à Uccle, dans la banlieue huppée de Bruxelles, lieu de résidence favori des exilés fiscaux français, à l’invitation du fondateur de la marque Celio, Marc Grosman.
À New York, lors du déplacement américain de Macron avant Noël, des figures de la communauté française ont été conviées au restaurant « Benoît », enseigne du célèbre chef Alain Ducasse. Pour l’occasion, l’ancien ministre UMP Renaud Dutreil, ancien PDG de la branche américaine du groupe LVMH détenu par le milliardaire Bernard Arnault, a « donné tout son fichier ». « Il y avait de tout : des artistes, des avocats, des acteurs, des gens de la mode ou du retail. La communauté française à New York, ce ne sont pas que des financiers », explique Dutreil, qui a créé « La Droite avec Macron ». Sur place, le financier Christian Déséglise, directeur monde des banques centrales chez HSBC et professeur à l'université Columbia, a donné un coup de main.
Le rituel des dîners est un peu toujours le même. Les hôtes invitent leurs amis, leurs proches, des connaissances, des relations à une « conférence débat » avec Emmanuel Macron. Tous ne se connaissent pas forcément. « Il y a une sorte de sélection naturelle à l’entrée, explique Mathieu Laine, un lobbyiste et essayiste libéral qui a organisé un dîner à Paris il y a plusieurs mois. Si l’on est convié dans ce genre de rendez-vous, c’est qu’on est susceptible de donner pas mal. Ce sont plutôt des gens du monde des affaires, des cadres supérieurs, des entrepreneurs, des banquiers d’affaires, des professions libérales. » Un participant parisien, qui souhaite rester anonyme parce que ses amis les organisateurs le lui ont demandé, raconte une ambiance « cosy, le champagne, le jus de pêches de vigne, le buffet chic ».
Christian Dargnat, parfois épaulé d’un de ses adjoints, lance la soirée en parlant du mouvement, de la nécessité de récolter des fonds. Il rappelle toujours que les dons aux partis ouvrent droit à réduction fiscale, pour 66 % du montant. La volonté de discrétion est assumée.
« Nous organisons ces événements chez des privés pour des raisons de confidentialité, explique Dargnat. Dans un restaurant, les curieux pourraient se coller aux fenêtres. Et chez un privé, cela ne coûte rien, sauf lorsque les hôtes me demandent de participer pour les petits-fours ! » Puis entre Emmanuel Macron. Très à l'aise dans ce genre d'atmosphère mondaine, il fait le show et répond aux questions. « Il est incroyable, il t’embarque », dit une autre participante, encore sous le charme. « Les gens ont tous été séduits », témoigne un ancien sarkozyste, qui trouve toutefois ses propositions fiscales encore trop timides.
2,9 millions d’euros chez Rothschild entre 2009 et mai 2012
Une participante parisienne a récemment raconté sur son blog une de ces soirées très privées. Il faudra se contenter de ce qu’elle écrit, puisqu’elle n’a pas répondu à nos messages. « Dans cet appartement somptueux aux lumières tamisées, le champion Macron est en train d’offrir une performance privée de grande qualité, écrit-elle. Les invités courent en moyenne dans la catégorie CSP+ chic, quinqua et au-delà, les dames ont des vestes Chanel et ces messieurs ont les souliers qui brillent. Ils sont enchantés et distribuent des sourires de bienveillance à la pelle. L’assemblée boit du petit-lait et du bon vin. »
Elle semble s’être parfois beaucoup amusée : « Lorsque Emmanuel (sic) au détour d’une phrase rappelle qu’il est aussi socialiste et qu’il taxera prioritairement les retraités aisés, ça fait un peu l’effet d’un coïtus interruptus, En Marche avec un caillou dans la Berluti on va pas aller loin se disent alors certains. C’est le moment poilant de la soirée. »
L'équipe Macron rappelle dès qu'elle le peut que ça ne marche pas à tous les coups. Tout le monde ne donne pas. Certains ne lâchent que 10 euros, même pas le prix de ce qu'ils ont bu. Mais certaines soirées ont rapporté jusqu'à 100 000 euros. « Chez moi, j’avais annoncé la couleur, confie un hôte. Ce n'était pas une soirée pour mondains curieux, ni un gala de charité. Seuls 4 % des invités n’ont pas donné. »
Difficile, vu les montants en jeu, de ne pas penser au mélange des genres. Le candidat Macron pourrait-il, s’il est élu le 7 mai, être demain un président sous influence ? « Je ne peux pas savoir ce qu’il y a dans la tête des gens, répond Christian Dargnat. Veulent-ils l’influencer, avoir une relation directe ? Ce que je sais, c’est que beaucoup le font par générosité et par enthousiasme. »
Depuis le lancement d’En Marche !, chaque personne a pu donner 19 600 euros maximum en son nom – 7 500 euros au parti avant le 31 décembre, la même somme après, plus 4 600 euros au candidat. « Très peu de donateurs sont dans ce cas-là, et de toute façon chacun représente seulement 0,2 % du volume actuel des dons », estime Dargnat. D'autres proches du candidat ont les mêmes arguments. « Nous sommes dans un système bien calibré, loin des abus de ce qui se passe aux États-Unis, dit Renaud Dutreil. 7 500 euros, c’est ce que donne à l’UMP un pharmacien de Montélimar. C’est une somme trop faible pour influencer la décision. »
Certaines pratiques ne laissent toutefois pas d’étonner. Christian Dargnat explique avoir encaissé « à la fin de l’année » 2016 « quatre ou cinq » chèques reçus alors qu’Emmanuel Macron était encore à Bercy, mis de côté à l’époque pour éviter tout conflit d’intérêts, sachant que l’activité des signataires pouvait être « influencée par les décisions du ministre ». Mais plutôt que de les congeler, ne fallait-il pas les déchirer ?
Le candidat d'En Marche ! en meeting à Londres en février 2017 © Reuters Le candidat d'En Marche ! en meeting à Londres en février 2017 © Reuters
En fait, pour l’ancien banquier de chez Rothschild, la transparence s’est muée en machine infernale. Chaque détail divulgué fait émerger de nouvelles suspicions, chaque effort de précision semble en appeler un autre. Sur son patrimoine, « on atteint les limites de l’exercice », tranche son entourage. « De tous les candidats, Emmanuel Macron est celui qui a été le plus transparent et ça lui revient en boomerang. » Certes. Mais c’est qu’il n’a pas tout dit de lui-même.
À peine nommé à Bercy en 2014, il tente de tuer les fantasmes sur sa richesse présumée en distillant quelques chiffres dans L’Express, de façon proactive : oui, il a bien gagné sa vie chez Rothschild ; mais non, il ne paye même pas l’ISF (l’impôt de solidarité sur la fortune). Trois mois plus tard, la mise en ligne de ses déclarations de patrimoine et d’intérêts complètes fait pourtant surgir deux questions : comment peut-il échapper à l’ISF (dont le seuil est fixé à 1,3 million d’euros par foyer fiscal) avec un appartement parisien à plus de 935 000 euros à son actif, une résidence de son épouse au Touquet, et des revenus cumulés chez Rothschild ayant atteint 2,9 millions d’euros entre 2009 et mai 2012 ? Surtout, comment expliquer que son patrimoine net stagne sous les 200 000 euros (une fois ses emprunts déduits) ?
La réponse à la première question, c’est Mediapart et Le Canard enchaîné qui l’apportent en mai 2016 : après que l'administration a réévalué la maison du Touquet à sa juste valeur (1,4 million d’euros), Emmanuel Macron a bien dû payer l’ISF sur les années 2013 et 2014. Rattrapé par le fisc, le couple s’est finalement acquitté, en septembre 2015, des plus de 6 000 euros d’impôt dus. « Je n’ai pas sous-évalué mon patrimoine en vue d’échapper à l’ISF, ni organisé de dispositif fiscal pour échapper à cet impôt », réplique alors Emmanuel Macron en dévoilant le montant de son ISF sur Facebook, à l’euro près. Trop tard.
Depuis, l’appartement parisien a été revendu. Mais la seconde question, réactivée par sa déclaration de patrimoine d’octobre 2016, poursuit le candidat plus que jamais. Car cette fois, il affiche un différentiel d’à peine 65 000 euros entre ses actifs (assurance vie, comptes bancaires, etc.) et son passif (un emprunt de 250 000 euros toujours en cours). « Les millions évaporés de Rothschild », titre L’Obs en réaction, se demandant comment l’ancien banquier a pu dépenser autant. « Pourquoi la déclaration de patrimoine [de Macron] pose question », relaie aussi Le Monde.
« On est en train de nous dire qu’il manque des sous, s’agace aujourd’hui l’équipe du candidat. Certains essaient de faire naître l’idée que de l’argent aurait été caché. » Poussé dans ses retranchements, l’entourage rappelle qu’Emmanuel Macron a dû payer ses créanciers, ses charges, l’impôt sur le revenu, etc. « Et oui », l’ancien banquier « a plus dépensé qu’épargné » dans ses années Rothschild. Mais un « Smic par jour », comme le présume Florian Philippot (FN), « c’est faux, ça c’est sûr ! ».
En fait, pour mesurer son train de vie exact, il faudrait connaître toutes les sommes déboursées en impôt sur le revenu – sans doute plusieurs centaines de milliers d’euros pour l’année 2012, par exemple. Or son équipe refuse de pousser la transparence jusque-là, au-delà des obligations fixées par la loi. « Si le procès qu’on veut faire à Emmanuel Macron, c’est qu’à 35 ans il a eu le goût de dépenser son argent, il n’y a rien là de répréhensible », réagit Christian Dargnat. Il souligne que l’ancien banquier « a consenti à s’appauvrir » pour entrer en politique, qu’il a même « payé pour quitter la fonction publique ».
Avec le FN et François Fillon dans le viseur, il insiste : « On en a assez que la transparence devienne l’argument souverain de ceux chez qui tout est opaque. » La pression ne devrait toutefois pas retomber. Une troisième déclaration de patrimoine, en tant que candidat à la présidentielle celle-là, sera bientôt publiée.
"L'alcool tue lentement. On s'en fout, on a le temps."