par fernando » 02 Août 2017, 16:34
JO 2024: vainqueur par forfait, Paris peut le payer cher
1 août 2017 Par Antton Rouget
L'accord financier conclu entre Los Angeles et le Comité international olympique (CIO) ouvre la voie à la désignation de Paris pour accueillir les Jeux olympiques en 2024. Tandis que tous ses concurrents ont renoncé pour des raisons budgétaires, l'équipe française assure qu'elle tiendra son budget de 6,6 milliards d'euros. Les risques de dérapage sont pourtant réels, notamment pour la sécurité.
On imaginait que l'annonce se ferait face à une délégation française en liesse devant les caméras de télévision du monde entier. Mais c'est quasiment en catimini que le maire de Los Angeles a sobrement mis fin au semblant de suspens autour de la désignation de la ville hôte des Jeux olympiques de 2024. Ce lundi, après avoir passé un accord financier avec le Comité international olympique (CIO), l'édile démocrate Eric Garcetti a confirmé, dans les colonnes du Los Angeles Times, que sa ville accueillerait les jeux en 2028, ouvrant la voie à la désignation de Paris lors de la prochaine session du CIO à Lima le 13 septembre.
À ce flop de communication s'ajoute un constat qui en dit long sur l'attractivité des Jeux : Paris n'accueillera pas les JO parce qu'il a écrasé la concurrence, mais seulement parce que plus personne n'en voulait. Sous la pression de leurs opinions publiques, toutes les villes (Rome, Budapest, Boston ou Hambourg) ayant fait acte de candidature ont tour à tour jeté l'éponge après les déboires retentissants d'Athènes en 2004 ou de Rio en 2016, obligeant le CIO à mettre sur pied une procédure de double attribution inédite pour sécuriser son modèle jusqu'en 2028.
Afin de couper à la racine toute contestation, le comité de candidature français a multiplié les annonces rassurantes. Paris 2024 comptera sur un budget raisonné et parfaitement équilibré. Son montant total est de 6,6 milliards d'euros, la moitié pour les infrastructures, l'autre pour les charges opérationnelles. Soit 2 milliards de plus que pour la candidature malheureuse pour les Jeux de 2012. Certes, mais cette fois, assure-t-on chez Paris 2024, les dépenses seront maîtrisées.
Dans le détail, le budget paraît pourtant déjà intenable. Les derniers JO ont conduit à des dépassements de l'ordre de 200 à 300 %. La candidature de Londres est passée de 4,6 milliards d'euros lors de l'examen de son dossier en 2005 à 15 milliards au final. Si des erreurs de gestion peuvent être imputées aux différents organisateurs, il y a aussi des constantes. En 2004, à Athènes, puis huit ans plus tard à Londres, l'augmentation des dépenses de sécurité a ainsi largement plombé les dépenses.
Paris ne semble clairement pas à l'abri d'un tel dérapage : en dehors de la sécurisation des stades et du village olympique estimée à 200 millions d'euros, le reste des dépenses de sécurité n'a pas été intégré au budget. À titre d'exemple, les seules “fan zones” permettant aux supporters de l'Euro 2016 de football de suivre des matchs sur écran géant avaient fait bondir la note de 12 millions d'euros, à 66 % à charge de l’État.
Le financement du village olympique alimente aussi les interrogations. À Saint-Denis, la construction du cœur des Jeux où seront logés les quelque 11 000 athlètes ne coûtera « que » 1,9 milliard d'euros, avant sa reconversion en programmes immobiliers. Une opération qui sera financée par l'intermédiaire d'un PPP (partenariat public privé) aux contours encore flous, mais qui accélérera sans aucun doute la cession du foncier à des promoteurs privés, à l'instar de Londres, dont une partie des nouvelles habitations est désormais aux mains d'un fonds souverain du Qatar.
Des retombées économiques incertaines
Reste alors la question des retombées, dont le calcul est pour le moment incertain. Mandaté par le comité de candidature, le Centre de droit et d'économie du sport (CDES) a évalué, selon les scenarii, entre 5,3 et 10,7 milliards d'euros de recettes, en grande partie pour les secteurs du tourisme (de 27 % à 35 % des retombées) et de la construction (autour de 18 % des retombées). Hormis cela, le public ne dispose d'aucun référentiel pour se faire une idée : la seule étude sur les retombées effectives de l'Euro 2016 – largement reprise par le gouvernement – apparaît comme caduque, car elle a été menée par l'un des bénéficiaires de l'événement (relire notre enquête ici).
L'étude du CDES relève – à raison – l'absence d'« éléphants blancs » (grandes infrastructures sportives construites sans réflexion sur leur utilisation de long terme) dans le projet parisien. Hormis le village olympique et le centre des médias qui seront reconvertis en logements, seule une piscine olympique sortira de terre. Cet équipement sera construit à Saint-Denis, à deux pas du Stade de France, et représente une opportunité pour les élus locaux de faire aboutir un projet qui constitue un vieux serpent de mer dans le département. Le président de la communauté d'agglomération de la Plaine Commune, Patrick Braouzec, ne s'y est pas trompé en déclarant en juin à Libération qu'en cas de désignation de Paris il aurait aussi « l’assurance que le métro Grand Paris Express arrivera en temps et en heure, qu’on enfouira des lignes à haute tension et que des murs antibruit seront construits le long de l’A86 ». « Des infrastructures seront sans doute créées plus vite », confirmait l'écologiste Hélène Lipietz, ex-secrétaire de la commission Politique de la Ville à la région Île-de-France, dans une critique de "Paris 2012" republiée au moment du soutien de l'exécutif à la candidature de 2024. Faisant notamment référence aux infrastructures de transport, elle déplorait que l'événement sportif incite le politique à agir vite, plutôt que l'inverse : « Soit on a l’argent pour faire [ces dépenses d'infrastructure] et elles doivent être faites, de toute façon, au plus tôt, avant que la région Île-de-France ne crève de la pollution, soit on n’a pas l’argent pour faire ces infrastructures et on pique dans d’autres budgets pour les faire à temps pour les JO, laissant de côté tant d’autres problèmes. » Une interrogation qui prend aujourd'hui d'autant plus de force qu'Emmanuel Macron prévoit de tailler dans les crédits de la politique de la ville pour équilibrer son budget.
Dernier élément mis en avant par les porteurs de la candidature française : l'héritage « immatériel » de l'événement, qui va de son impact en termes d'image à l'international après des années marquées par les attentats aux conséquences sur le développement du sport loisir et de haut niveau dans le pays. Des retombées inquantifiables face à des dépenses certaines.
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