par fernando » 09 Jan 2018, 14:43
tain la Sarkozie, c'est vraiment les affranchis.
L’intermédiaire sarkozyste Alexandre Djouhri interpellé à Londres
8 janvier 2018| Par Karl Laske
Sous le coup d’un mandat d’arrêt européen émis par les juges de l’affaire libyenne, l’intermédiaire Alexandre Djouhri a été interpellé dimanche à Londres. Le 23 octobre, le tribunal pénal fédéral suisse a balayé les recours qu’il avait engagés pour empêcher la transmission des pièces saisies à son domicile de Genève.
C’est un homme clé de l’affaire libyenne, mais aussi l’homme de l’ombre, le factotum, de deux anciens présidents français qui s’est fait arrêter à Londres. L’intermédiaire Alexandre Djouhri a été interpellé dimanche à l’aéroport d’Heathrow, en vertu d’un mandat d’arrêt européen émis par les juges de l’affaire libyenne, Serge Tournaire et Aude Buresi. L’interpellation, révélée lundi par l’Obs, a été confirmée de source judiciaire à Mediapart. Virtuellement en cavale depuis la mise en examen de Claude Guéant, il évitait depuis l’automne 2015 de mettre les pieds en France.
Ancien voyou, braqueur de bijouteries reconverti dans les réseaux chiraquiens dans les années 90, Djouhri est devenu l’intermédiaire tout-puissant du clan Sarkozy peu avant 2007, marginalisant son rival, Ziad Takieddine, qui avait introduit Nicolas Sarkozy en Libye en 2005. Avec lui, c’est un système entier qui pourrait tomber tout cru dans la procédure.
Dans une écoute judiciaire, l’ancien député Alain Marsaud, proche de l’intermédiaire, lui avait expliqué que son retour était redouté de tous : « Personne ne veut que tu rentres en France. Ils ont trop peur que tu… parles ! Je ne sais pas de quoi d’ailleurs, au demeurant, mais […] ils sont pas pressés pour que tu reviennes en France. » Puis : « Tu vas demander à Sarkozy s’il est pressé que tu rentres ! (…) Il préfère que tu sois pas en France… que t'ailles pas voir le juge ! »
L’enquête judiciaire a déjà montré que l’intermédiaire avait orchestré des versements d’argent libyen à Claude Guéant et Dominique de Villepin, tous deux anciens ministres et anciens secrétaires généraux de l’Élysée, via la vente fictive d’une villa à un fonds libyen. Les écoutes ordonnées par les juges ont aussi dévoilé ses liens amicaux avec Nicolas Sarkozy ou encore Bernard Squarcini, l’ancien patron du renseignement intérieur. Mais c’est la saisie en Suisse d’une partie de ses archives dans sa résidence de Genève et dans ses bureaux, deux ans et demi plus tôt, et l’enquête de la justice suisse, qui se sont avérées déterminantes. Les noms de sociétés-écrans qu’il utilise surgissent au grand jour.
Alexandre Djouhri, qui n’a pas déféré aux convocations des juges français, a tenté de s’opposer à la transmission des documents saisis mais, dans un arrêt 3 du 23 octobre dernier – rendu public fin décembre –, le tribunal pénal fédéral suisse a balayé ses recours, ouvrant la voie à l’émission d’un mandat d’arrêt à son encontre. Ce dernier a été émis par les juges français le 22 décembre dernier.
Le 6 décembre, comme l’a révélé Le Canard enchaîné, l'intermédiaire est parvenu à s’infiltrer parmi les invités de l’ambassade de France à Alger, à l’occasion de la venue du président Emmanuel Macron. En 2013, l’intermédiaire avait déjà tenté de rouvrir les portes de l’Élysée. « J’ai rendez-vous avec Hollande !, annonce-t-il à l’un de ses amis en février 2013. Ça y est, c’est fait. Oui, c’est fait. Classe en plus. (…) classe de chez classe. » Ce rendez-vous avait été démenti par l’Élysée. Ce même mois, il rejoint Claude Guéant mais tombe nez à nez avec « l’escouade de poulets » venus perquisitionner l’ex-bras droit de Sarkozy. Mais c’est avec « Nicolas » qu’il s’entend le mieux. Témoin, cet échange intercepté par les policiers, il y a trois ans, le 2 janvier 2015 :
— « Bonne année, Nicolas ! », lance Djouhri.
— « Ah ben, Alexandre, je voulais te souhaiter une bonne année à toi », lui répond l’ancien président.
— « Bah tu verras, tout, tout se passera bien et le courage guidera nos raisons […] »
— « Tu es où là ? », demande Sarkozy.
— « Là, je suis à Courchevel », répond l’intermédiaire qui promet d’envoyer des photos.
— « Ben écoute, je t’embrasse, mon Alexandre », conclut Nicolas Sarkozy.
La justice avait déjà vu le nom de l’intermédiaire apparaître moult fois dans les agendas de l’ancien président de la République.
Djouhri est un acteur de premier plan de l’affaire libyenne. Il est déjà présent à Tripoli, le 25 novembre 2004, lors de la visite officielle de Jacques Chirac, non loin d’Henri Proglio, le PDG de Veolia dont il est proche. Selon une note du renseignement intérieur, l’intermédiaire montre, dès 2005, « une activité soutenue pour tenter de se positionner comme intermédiaire commercial auprès des autorités libyennes » et il « n’hésite pas à mettre en avant ses relations privilégiées avec la présidence de la République ». C’est l’époque où Bernard Squarcini rédige une attestation qui a valeur de sauf-conduit, en faveur de l’intermédiaire. « Sur le fond, rien de défavorable n’a pu être démontré concernant l’intéressé, ni aucun élément lié au terrorisme, grand banditisme ou blanchiment n’a pu être mis en exergue », assure le policier, qui sympathisera avec l’ancien voyou jusqu’à l’introduire auprès de ses anciens correspondants pour faciliter ses affaires. En avril 2016, les enquêteurs découvriront au domicile de Squarcini de nombreuses notes blanches rédigées par des services officiels au sujet de celui qu’il surnomme affectueusement « Bandit ».
En novembre 2006, alors qu’EADS vend douze avions à la compagnie libyenne Afriqiyah Airways, les services spéciaux français apprennent de source libyenne que Djouhri a négocié avec Bachir Saleh, le directeur de cabinet de Kadhafi, « des commissions en rapport avec ce marché ». Dix ans plus tard, les enquêteurs obtiennent le témoignage de Marwan Lahoud, l’ancien directeur général du groupe chargé de l’international, qui leur confirme les prétentions de Djouhri lors de la vente des avions Airbus.
« OK, avec ton prédécesseur, on s’était entendus, lui avait lancé Djouhri. Tu me dois 12, 13 millions, donc, maintenant, il faut payer. » Marwan Lahoud avait demandé un écrit. « Je lui ai répondu : “Si j’ai un contrat, je paie, si j’ai pas de contrat, je ne paie pas”, a témoigné l'industriel. Il [Djouhri] a commencé à s’agiter, à dire que ça n’allait pas se passer comme ça. Il commence à me balancer des noms censés m’impressionner, il me parle de Jacques et Nicolas en faisant clairement référence à MM. Chirac et Sarkozy. »
Mais l’enquête judiciaire met aussi au jour des bénéficiaires. Deux virements suspects qui viennent abonder les comptes respectifs de Claude Guéant et de Dominique de Villepin. Le premier, de 500 000 euros et datant de 2008, a permis à Claude Guéant de s’acheter un appartement parisien. L’ancien ministre de l’intérieur a tenté de justifier cette arrivée d’argent par la vente fictive de deux tableaux flamands à un avocat malaisien. Le second, de 489 143 euros, a été effectué en 2009 au profit de Dominique de Villepin. Selon les enquêteurs, l’argent provient du compte suisse d’une société panaméenne, elle-même créditée de 10,1 millions d’euros par le Libyan African Investment Portfolio (LAP), un fonds souverain du régime Kadhafi. Selon l'enquête, Alexandre Djouhri a orchestré la vente fictive d’une villa de Mougins (Alpes-Maritimes) qui ne valait “que” 2 millions d’euros, auprès du Libyen Bachir Saleh. Avec la complicité d’un gestionnaire de fortune, il a dissimulé l’opération en utilisant les comptes d’une richissime famille saoudienne.
Le rôle de Djouhri dans l’affaire libyenne apparaît au grand jour, en septembre 2012, lorsque le magazine Les Inrocks révèle qu’Alexandre Djouhri et Bernard Squarcini ont organisé à Paris la fuite de… Bachir Saleh, peu après la publication par Mediapart du document libyen évoquant un financement de la campagne de Sarkozy. En 2011, l’ancien directeur de cabinet de Mouammar Kadhafi et sa famille avaient déjà été exfiltrés par les autorités françaises, lors de l’intervention occidentale en Libye, puis pris en charge par Djouhri.
C’est son rival, l’intermédiaire Ziad Takieddine, qui va le premier livrer le nom de Djouhri aux juges. « Il amène zéro preuve », se plaindra Djouhri auprès de ses amis : « Personne aurait imaginé que le parquet ouvre une enquête. » L’enquête pourtant progresse, et conduit Djouhri à éviter Paris. En juin 2015, il explique son stratagème à un ami : « Je t’explique, moi, je me pose au Bourget, là, y a zéro problème, je rentre pas dans Paris. Je ne dors pas là-bas et ensuite je redécolle tu vois quand le matin ils te laissent te poser comme d'habitude (…) avec les permissions et après je redécolle, tu vois je demande un “slot” [un créneau horaire de décollage – ndlr] après le déjeuner en fin d’après-midi quand, quand les démo… le show est terminé, tu vois ce que je veux dire ? »
À l’aéroport d’Heathrow, les problèmes ont commencé.
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