par fernando » 21 Sep 2018, 19:16
salut camarade alcoolique fivois. Je l'ai lu ce midi cet article, ça sent la belle embrouille qui fait plaisir à madame au passage.
Je poste l'article pour rodolfo, il sera content, ça le changera un peu des articles sur Fillon, Sarkozy et Guéant. Krouw va crier à l'acharnement mais tant pis.
En Inde, François Hollande s’invite dans l’affaire des avions Rafale
21 SEPTEMBRE 2018 PAR KARL LASKE ET ANTTON ROUGET
Soupçonnant une « immense escroquerie », l’opposition indienne réclame une enquête sur l’achat de 36 chasseurs de combat à la France, sous la présidence de François Hollande, et sur le rôle de Reliance, le partenaire indien de Dassault. Mais Reliance, c’est aussi un mystérieux financement accordé à un film coproduit par Julie Gayet.
« Un jour, les Indiens sont arrivés, et le film a pu se faire. » C’est le souvenir d’un membre de l’équipe du film Tout là-haut, coproduit par Julie Gayet en 2016. Tout là-haut s’inspire de l’histoire d’un jeune alpiniste, Marco Siffredi – interprété par l’acteur Kev Adams –, mort en 2002 sur l’Everest lors d’une descente en snowboard. Sur un budget de 10 millions d’euros, le financement indien – 3 millions d’euros, finalement réduit à 1,6 million – est une bouée de sauvetage inattendue pour un projet qui tardait à démarrer.
Or le généreux mécène, Anil Ambani, PDG du groupe Reliance, n’est autre que le partenaire indien de Dassault Aviation dans le marché des avions de chasse Rafale, objet d’un accord intergouvernemental signé simultanément par François Hollande. Une concomitance purement fortuite, selon l’ancien président et sa compagne, mais qui a vivement interpellé la presse indienne.
La vente des Rafale est devenue une affaire d’État à New Delhi. Soupçonnant une « immense escroquerie », portant notamment sur le prix des avions et le rôle du groupe Reliance, les parlementaires de l’opposition ont saisi jeudi le Comptroller and Auditor General of India (CAG), la Cour des comptes indienne, d’une demande d’enquête sur ce marché pour « mauvaise gestion des fonds publics, mise en danger de la sécurité nationale, favoritisme et violation des dispositions légales des marchés par Dassault Aviation ». Au cœur du mémorandum déposé à la CAG, la firme française est mise en cause pour l’accord de « compensation » signé avec Anil Ambani, qui oblige Dassault à réinvestir localement 50 % du montant de la vente. Le groupe d’armement français, dirigé par Éric Trappier, a indiqué à Mediapart qu’il ne ferait « aucun commentaire ».
L’opposition accuse aussi le premier ministre Narendra Modi de favoritisme pour avoir « veillé » à ce que le contrat de compensation soit dévolu à la société d’Ambani, qui n’a jamais caché son soutien au chef de gouvernement.
Reliance Defence Limited est par ailleurs, notent-ils, « une société privée sans expérience dans la fabrication d’avions de chasse », qui plus est enregistrée « douze jours » avant l’annonce, le 28 mars 2015, de l’achat de 36 avions Rafale par Narendra Modi, lors d’une visite à Paris.
Le 31 août, le journal The Indian Express signale l’apport du partenaire de Dassault au film coproduit par Julie Gayet. Pour l’équipe de Tout là-haut, c’est un choc. « Si je m’aperçois que j’ai eu de l’argent pour que l’autre, il vende des Rafale, ce serait marrant », ironise quand même Serge Hazanavicius, le réalisateur du film, qui précise qu’il n’a « pas vu les contrats ». « Les Indiens sont arrivés tard dans la production, poursuit-il. J’avais besoin d’être dans les contreforts de l’Himalaya, et j’ai trouvé. » À l’époque, l’arrivée du financement indien n’avait surpris personne. La décision est prise d’aller tourner en Inde, où le partenaire dispose de la logistique d’une filiale de cinéma, facilitant les tournages des scènes de hauts plateaux – tibétains dans le scénario –, ainsi que la montée vers les camps de base.
Tout était presque normal donc, jusqu’à la diffusion d’un communiqué par le mécène indien Anil Ambani, le 24 janvier 2016. Le patron de Reliance, une des plus grosses firmes du pays, leader dans les télécommunications, annonce « un partenariat franco-indien unique » avec les productrices Julie Gayet, de Rouge international, et Elisa Soussan, de My Family, qui gère les films de Kev Adams. Et c’est le jour de l’arrivée de François Hollande à New Delhi pour une visite d’État de trois jours. Le nom provisoire du film : Nomber one.
On ignore si cette annonce est destinée au président français. En tout cas, elle tombe à pic. Joint par Mediapart, François Hollande certifie qu’il n’était « pas du tout informé » de ce partenariat et qu’il « ignorait tout » de l’entreprise d’Ambani. Le voyage présidentiel est en effet consacré à d’autres enjeux, puisqu’il s’agit de conclure la vente des Rafale – un possible troisième marché pour l’avionneur, après l’Égypte et le Qatar. Le premier ministre indien Narendra Modi fait savoir, dès le 25 janvier, qu'il a « trouvé un accord intergouvernemental » avec François Hollande sur l’achat des avions.
« Je suis intervenu dans cette affaire auprès des deux premiers ministres, pour dire que j’étais sensible à cette négociation, explique François Hollande à Mediapart. Initialement, le marché devait être de 126 avions, puis lors du changement de gouvernement, les Indiens ont reformulé leur proposition, moins alléchante pour nous, puisqu’il s’agissait de 36 appareils seulement. Mais la fabrication était prévue en France, contrairement à la proposition précédente, donc on perdait d’un côté, mais on gagnait de l’autre. »
Mais le nouveau dispositif prévoit aussi ce contrat de « compensation », aujourd’hui critiqué, entre Dassault Aviation et son partenaire… Reliance. Comment et par qui ce dernier a-t-il été sélectionné ? « Nous n’avions pas notre mot à dire à ce sujet, poursuit François Hollande. C’est le gouvernement indien qui a proposé ce groupe de service, et Dassault qui a négocié avec Ambani. Nous n’avons pas eu le choix, nous avons pris l’interlocuteur qui nous a été donné. C’est pourquoi, par ailleurs, ce groupe n’avait pas à me faire quelque grâce de quoi que ce soit. Je ne pouvais même pas imaginer qu’il y avait un quelconque lien avec un film de Julie Gayet. »
Cette version contredit celle des autorités indiennes, qui soutiennent que c’est Dassault seul qui a sélectionné Reliance. « Le ministère de la défense n'a joué aucun rôle dans la sélection des partenaires indiens par le vendeur », a aussi réagi Anil Ambani dans un communiqué de presse diffusé au mois d’août.
L’ancien président signale par ailleurs que l’apport financier d’Ambani au film a été « une négociation qui avait été faite avec Kev Adams ». C’est la réponse de Julie Gayet. « My Family a demandé à Reliance, via l’un des ses partenaires, Visvires, de participer au tour de table financier du film, explique-t-elle dans un mail de réponse à Mediapart. C’est donc à la seule initiative de My Family que Reliance a investi dans le film à hauteur de 10 % du budget [16 % en réalité – ndlr], dans des conditions similaires à celles d’autres investisseurs du film. En ce qui concerne Anil Ambani, c’est encore une fois la productrice de My Family qui nous a présentés lorsque le film était déjà tourné en France. »
« Il y a un risque industriel sérieux pour Dassault »
La productrice Elisa Soussan n’a pas répondu aux sollicitations de Mediapart, mais My Family a indiqué, dans un communiqué transmis par Julie Gayet, que « c’est à sa seule initiative qu’elle a convaincu Reliance d’investir dans le film ».
Reliance apparaîtra sur l’affiche du film, mais ne figure pas dans le plan de financement déposé au CNC. En effet, les fonds n’ont pas été versés directement par Reliance mais par l’intermédiaire d’un fonds d’investissement, Visvires Capital, implanté à Paris et Singapour, qui a déjà conduit des projets avec Anil Ambani. « Reliance Capital a par exemple investi avec nous dans le domaine du vin en Inde, une de nos deux activités avec le financement de films », confirme le fondateur de Visvires, Ravi Viswanathan. Cet ancien banquier d’affaires français, d'origine indienne, connaît personnellement Anil Ambani qui lui a été présenté voilà 25 ans par le banquier Matthieu Pigasse, « un ami ». « Depuis, on a fait des choses ensemble, avec Lazard et Reliance, quand j’étais banquier », précise Ravi Viswanathan.
Visvires Capital avait déjà investi dans le cinéma français, à raison d’une dizaine de films par an, principalement dans la distribution, rarement dans la production. Il a par exemple cofinancé La famille Bélier, plus de 7 millions d’entrées au box-office français de l’année 2014 et nominé dans la catégorie meilleur film aux Césars 2015. Cette fois, Ravi Viswanathan dit avoir été contacté tardivement par Kev Adams, avec qui il a déjà travaillé, pour investir dans Tout là-haut. « Ils nous ont approchés à un stade très avancé du film. Le scénario était écrit, les acteurs choisis, le tournage à Chamonix réglé. Vu le sujet, en lien avec les montagnes de l’Himalaya, on s’est dit qu'on allait en parler avec Reliance, avec qui on a fait des choses dans le passé dans ce domaine-là », explique le dirigeant de Visvires.
L’intérêt de Reliance pour ce film, qui n’a pas été distribué en Inde et ne mentionne pas ce pays, reste un sujet d’interrogation. Le groupe d’Anil Ambani ne nous a pas répondu.
Ravi Viswanathan livre sa version : « On leur a demandé si le scénario les intéressait. Ils ont lu le scénario et ils ont dit oui. Est-ce que ça vous intéresse de mettre un peu d’argent parce qu’on pense que les films de Kev Adams ont bien marché dans le passé en France. »
L’homme d’affaires conteste aussi avoir joué le rôle d’introducteur d’Ambani en France, auprès de Dassault ou de Gayet. « C’est absurde de penser qu’il ait besoin de quelqu’un pour être introduit, quand on dirige un groupe qui pèse un gros bout du PNB d’un pays. Anil Ambani est tout à fait capable d’entrer en contact avec les gens de Dassault tout seul », assure Ravi Viswanathan.
Dès novembre 2016, la lettre d’information Intelligence Online, qui dispose de solides relais dans les milieux de la défense, signalait la présence de Viswanathan dans l’entourage d’Ambani, et annonçait même un financement par Reliance d’un prochain film de Julie Gayet. L’équipe de Tout là-haut débutait alors seulement le montage du film, dont la sortie en salle initialement programmée en mars 2017, a été reportée en décembre 2017.
Vu l’ampleur des questions posées par les parlementaires de l’opposition au Comptroller and Auditor General of India, l’affaire Dassault-Ambani ne fait que commencer. L’un des principaux griefs des élus porte sur l’annulation de l’appel d’offres initial par le premier ministre Narendra Modi, arrivé au pouvoir en mai 2014. Le précédent gouvernement avait mis sur des rails l’achat de 126 appareils, et un « accord de travail » entre Dassault Aviation et le groupe d’armement public Hindustan Aeronautics Limited (HAL) stipulait que sur 108 appareils, 70 %, seraient fabriqués en Inde. Or, le 10 avril 2015, Narendra Modi annonçait, lors d’une visite à François Hollande à Paris, l’achat de 36 avions, construits en France, pour 7,5 milliards d’euros. Selon l’opposition, Modi ne pouvait pas annuler purement et simplement l’appel d’offres en cours. Ni faire cette annonce sans offrir aux concurrents de Dassault une nouvelle soumission d’offres. Par ailleurs, le nouvel accord fait grimper de 300 % le prix unitaire des avions et il est catastrophique pour le carnet de commandes du groupe d’État HAL.
La branche défense de Reliance, le groupe d’Anil Ambani, est déjà dans la boucle. Elle a été immatriculée 12 jours avant l’annonce de Modi. Une autre filiale, Reliance Aerostructure Ltd, quant à elle, est constituée 14 jours après. Anil Ambani est un fervent soutien du premier ministre. Comme l’a signalé Le Monde, lors de son anniversaire en 2016, il a qualifié Modi de « leader des leaders » et de « roi des rois ». En septembre 2016, c’est le ministre de la défense, Jean-Yves Le Drian, qui valide les détails de l’accord intergouvernemental avec son homologue indien, Manohar Parrikar.
Le président François Hollande reçoit aussi Anil Ambani lors de son passage à Paris, en février 2017, à la suite d’un « rendez-vous avec le ministère de la défense ». Après l’élection d’Emmanuel Macron, c’est la ministre de la défense Florence Parly qui récupère le dossier. Elle se rend d’ailleurs en Inde en octobre 2017 pour inaugurer l’une des installations de la joint-venture Dassault Reliance Aerospace Limited (DRAL), « l’Ambani Aerospace Park », à Mihan (Nagpur). Le duo annonce l’investissement de 100 millions d’euros dans la fabrication de composants destinés au Rafale.
Une goutte d’eau par rapport au contrat. « Il y a un risque industriel sérieux pour Dassault, parce que l’on a affaire à une société qui n’a jamais construit d’avion et qui n’a jamais touché à la défense, commente un analyste français des questions de défense. Les compensations prévues représentent des sommes colossales, et on doit se poser la question de la capacité de l’industrie locale d’absorber les transferts des technologies. »
Ce spécialiste précise que les Rafale indiens vont avoir des missions nucléaires, qu’il est prévu qu’ils emportent des missiles SCALP (fabriqués par MDBA), soient équipés pour des attaques à grande vitesse dans le dispositif ennemi (Deep Strike), et préparés pour monter au-dessus de l’Himalaya. Tout là-haut.
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