par fernando » 08 Nov 2018, 14:40
d'après cet article, aucun hommage n'était prévu pour Pétain samedi aux Invalides, la sortie de Macron était-elle improvisée?
Hommage à Pétain: Macron se déshonore tout seul
7 novembre 2018 Par Ellen Salvi
Le président de la République a suscité un tollé en jugeant « légitime » de rendre hommage aux huit maréchaux de la Grande Guerre, dont Pétain, qui dirigea quelques années plus tard le régime collaborationniste de Vichy. Il a ainsi relancé une polémique que l’Élysée avait réussi à « contourner » il y a un mois, alors même que la cérémonie du 10 novembre ne prévoit aucune référence à Pétain.
Emmanuel Macron l’a indiqué d’emblée : il veut être « très clair » sur le sujet. Interrogé mercredi 7 novembre sur l’hommage aux chefs militaires de la Grande Guerre qui sera rendu samedi aux Invalides, en présence de son chef d’état-major particulier, l’amiral Bernard Rogel, le président de la République a jugé « légitime » la tenue d’une cérémonie à la mémoire des huit maréchaux que sont Joffre, Foch, Gallieni, Fayolle, Franchet d’Espèrey, Lyautey, Maunoury et… Pétain.
« Je n’occulte aucune page de l’histoire », a-t-il souligné, pour justifier que l’on puisse célébrer à cette occasion celui qui dirigea quelques années plus tard le régime collaborationniste de Vichy. « Le maréchal Pétain a été pendant la Première Guerre mondiale un grand soldat, c’est une réalité de notre pays, c’est aussi ce qui fait que la vie politique, comme l’humaine nature, sont parfois plus complexes que ce qu’on pourrait croire, on peut avoir été un grand soldat et avoir conduit à des choix funestes durant la Deuxième » Guerre mondiale, a poursuivi le chef de l’État, provoquant de vives réactions à droite comme à gauche.
« Le maréchal Joffre est le vainqueur militaire de la guerre de 14-18. Pétain est un traître et un antisémite. Ses crimes et sa trahison sont imprescriptibles. Macron, cette fois-ci, c’est trop ! L’Histoire de France n’est pas votre jouet », a ainsi tweeté le chef de file de La France insoumise (FI), Jean-Luc Mélenchon. « Cet hommage est une faute morale et une insulte à la France, que Pétain a trahie au profit de l’occupant nazi », a écrit dans un communiqué Mehdi Ouraoui, porte-parole du mouvement de Benoît Hamon, Génération·s.
« Pétain fut un grand chef pendant la Première Guerre mondiale. Mais rendre hommage à l’homme de la collaboration avec les nazis, de la lutte contre la résistance, du statut des juifs en 1940 ? Il eût mieux valu un hommage au généralissime Foch et à travers lui à tous nos chefs militaires », a également commenté le sénateur Les Républicains (LR), Roger Karoutchi. « Réhabiliter Pétain est une impossibilité morale et historique. Une faute majeure de Macron. La victoire de Verdun a été effacée par la trahison et l’immonde collaboration de Vichy », a également indiqué Florian Philippot.
Face au tollé qui gagné jusqu’à la sphère des historiens, les soutiens d’Emmanuel Macron n’ont pas tardé à monter au créneau, archives du général de Gaulle à l’appui, pour dénoncer ce que Benjamin Griveaux a qualifié de « mauvaise polémique ». « Il ne faut pas faire de raccourcis douteux. Pétain a servi la patrie en 14 et l’a trahie en 40 », a indiqué à la presse le porte-parole du gouvernement à l’issue du conseil des ministres, faisant mine d’oublier qu’il ne s’agit pas de remettre en question le rôle joué par le maréchal Pétain pendant la Première Guerre mondiale – même si, comme l’assurent bon nombre de chercheurs, il y aurait beaucoup à en dire –, mais bien de s’alarmer que celui qui fut frappé d’indignité nationale en 1945, puisse faire l’objet d’une commémoration nationale.
Florence Parly et Emmanuel Macron, le 23 octobre. © Reuters Florence Parly et Emmanuel Macron, le 23 octobre. © Reuters
« La mémoire, ce n’est pas tout à fait l’histoire », affirmait d’ailleurs l’un des conseillers du président de la République lors d’un « briefing » organisé pour la presse le 18 octobre. Rappelant le « mythe » qui s’est construit autour de la figure du maréchal Pétain – analysé par Pierre Servent dans son ouvrage Le Mythe Pétain (Éd. du CNRS) –, ce même conseiller soulignait en outre qu’« il n’y a pas un président de la République de la Ve République qui n’a pas su éviter, contourner les problèmes posés par cette mémoire particulière et ce sera encore le cas à cette occasion ». C’était compter sans la sortie du jour du chef de l’État.
En pensant faire preuve de « clarté » sur le sujet, Emmanuel Macron a en réalité brouillé le message des cérémonies du centenaire de l’Armistice. Ses opposants, mais aussi la presse étrangère, du Guardian au Spiegel, ne parlent désormais plus que de la réhabilitation de Pétain par le président français, alors même que, comme le certifie l’Élysée à Mediapart, il n’y aura pas d’hommage au maréchal, samedi, aux Invalides. Seuls les cinq maréchaux qui y sont enterrés (Foch, Lyautey, Maunoury, Fayolle et Franchet d’Espèrey) seront célébrés. Par ses propos, le chef de l’État a donc relancé tout seul une polémique que ses équipes avaient réussi à « contourner » il y a un mois.
Comme l’expliquait Mediapart mi-octobre, un hommage aux huit maréchaux de la Grande Guerre, organisé par l’état-major des armées et le gouverneur militaire de Paris, avait dans un premier temps été annoncé pour le matin du 11 Novembre, « en présence du président de la République », dans le dossier de presse officiel de la Mission du centenaire. « Nous avions trouvé que ce n’était pas une bonne idée », confirme l’entourage d’Emmanuel Macron, qui nous avait à l’époque déjà indiqué ne pas comprendre comment une telle cérémonie s’était « retrouvée là », « alors que ça n’était pas dans [leur] programme et que la moindre étape de “l’itinérance” du président et du 11 Novembre a fait l’objet d’arbitrages extrêmement fins ».
« L’hommage aux maréchaux est une demande assez récurrente qui émane du monde militaire au sens large, soulignait alors un conseiller du chef de l’État. Cela fait presque partie du schéma classique du parcours mémoriel de la Première Guerre mondiale, mais il y a lieu de s’interroger sur la signification. » Et ce, poursuivait-il, pour plusieurs raisons : « La présence du maréchal Pétain dans cette galerie » qui « a évidemment toujours été un problème, y compris dans la mémoire élyséenne » ; mais aussi parce que le centenaire de l’Armistice a surtout été pensé pour célébrer l’armée du peuple, celle des Poilus. « Un hommage aux maréchaux ne s’insère pas dans la logique générale de cette période de commémoration », tranchait encore l’Élysée.
Interrogée quelques jours plus tard à ce sujet, la ministre des armées Florence Parly avait juré au micro de BFM-TV que « l’État-major [n’avait] jamais imaginé rendre hommage au maréchal Pétain », mais qu’il souhaitait uniquement « rendre hommage aux maréchaux qui sont aux Invalides », ce qui est faux, comme le répète aujourd’hui la présidence de la République à Mediapart : « L’idée initiale de l’état-major des armées était bien de rendre hommage aux huit maréchaux. »
La pression des Armées sur les questions mémorielles ne date pas d’hier, mais l’une des choses étonnantes, au-delà des propos mêmes d’Emmanuel Macron, est l’improvisation qui se dégage de cet imbroglio, alors même que les cérémonies du Centenaire sont minutieusement préparées depuis plusieurs années. Parmi les historiens et notamment ceux qui ont planché sur ces commémorations, c’est la consternation. Les membres du conseil scientifique de la Mission du centenaire ont d’ailleurs prévu de se réunir en urgence, jeudi matin.
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