par fernando » 20 Sep 2019, 13:38
Je suis certain que Laurent va kiffer grave.
J'espère qu'on va continuer à surfer sur cette vague positive et postuler à l'organisation d'autres évènements prestigieux, comme Lille capitale mondiale du point de croix 2023, ou Lille capitale européenne de l'ail en chemise 2027.
Lille 2020 – Capitale mondiale du design : que cachent les silences de l’opération ?
La Métropole européenne de Lille est plus que discrète sur la grande célébration du design prévue pour 2020, qu'il s'agisse des moyens mobilisés ou du contenu de la manifestation. Stratégie de communication ou failles dans l'organisation ?
«Je crains le bide. » A trois mois de l’échéance, Max-André Pick, chef de file du groupe des élus de droite à la Métropole européenne de Lille (MEL), déplore l’absence de visibilité de l’événement « Lille-Métropole 2020, Capitale mondiale du design ». Que l’opposant résolu au président Damien Castelain exprime ainsi de l’inquiétude n’est pas franchement étonnant. Mais il n’est pas le seul. Dans les milieux socio-professionnels, comme dans les cercles politiques locaux, on se demande si la collectivité et le territoire seront à la hauteur du titre décroché en 2017.
Des porteurs de projets individuels, pourtant émoustillés par la thématique et prêts à construire les fameux POC (Proof of concept , ont été refroidis par l’accueil que leur a réservé le comité d’organisation (voir également ci-dessous). Des communes s’irritent de voir la MEL compter sur elles pour assurer le financement de manifestations. « Si le coordinateur n’est pas le payeur, on se demande à quoi sert le coordinateur », entend-t-on jusque dans l’immeuble de la rue du Ballon, siège de la collectivité. Martine Aubry, vice-présidente de la MEL mais surtout maire de Lille, suit l’affaire de près : « Certains projets sélectionnés sur le territoire de la ville n’ont pas lieu d’être, comme cette idée aberrante d’appartement installé dans une cave pour laquelle je refuse de délivrer un permis de construire. J’ai demandé à ce que ces mauvais POC soient rejetés. » Mais d’assurer, sibylline : « Je fais tout pour que l’événement se passe bien. »
Les plus positifs des acteurs se trouvent dans le monde de l’entreprise, avec quelques renforts de méthode Coué. « Le programme sera volumineux, pédagogique et adapté à des publics variés », affirme Phillipe Rémignon, directeur de l’organisme de logement social Vilogia et président de l’association Lille-design, à l’origine de la candidature à la « Capitale mondiale ». François Dutilleul anime un club d’entreprises au sein de la même association : « Le design est une démarche de progrès. On nous encourage à expérimenter des choses. Je ne peux que m’en féliciter. » La Chambre des Commerce et d’Industrie (CCI) des Hauts-de-France voit le happening « d’un bon œil » : « On attend avec impatience que ça se concrétise », dit David Brusselle, son directeur général. Du concret, c’est aussi ce que réclame Pascal Boulanger, président du consortium patronal « Entreprises et cités » : « La World Design Capital est un sujet d’excellence pour notre métropole et il intéresse beaucoup de monde. Mais il faut donner des clés de compréhension aux entrepreneurs et à la population. »
« Nous sommes encore fragiles »
Naturellement, Mediacités a répercuté ces remarques et questions vers la MEL. En quelques mots au téléphone, Frédérique Seels, vice-présidente chargée de la Capitale mondiale du design, nous a expliqué qu’il s’agit d’un projet compliqué dont elle ne souhaite pas parler pour le moment : « Nous avons dû constituer une équipe ex-nihilo et la mettre au travail. Nous sommes encore en phase de préparation et fragiles. » Du côté du Comité d’organisation de la capitale mondiale du design, présidé par Damien Castelain, silence total, obstiné… et peut-être embarrassé. Le directeur de l’association, Denis Tersen, et ses collaborateurs, n’ont donné aucune réponse à nos demandes d’entretien ni à nos questions écrites (voir également notre encadré « En coulisses » à la fin de cet article). Nous avons donc cherché ailleurs des informations sur cet événement désormais imminent et qui consomme d’importants fonds publics.
1/ Quel sera le programme ?
Mediacités s’est procuré une trame de ce programme gardé secret. On y annonce des expositions dans des lieux « pressentis » à Lille : sur les usages de la ville à Saint-Sauveur, sur les nouveaux modes de vie et produits « hybrides », puis sur les couleurs (Spectrum) au Tri postal, sur le design d’objets et de mobiliers chinois (Kai Wu) à l’hospice Comtesse… Côté manifestations festives : des « banquets zéro déchet et des repas chez l’habitant », des réunions organisées par la World design organization, détentrice du label, et un rassemblement des villes précédemment désignées « Capitales mondiales » (Turin, Séoul, Helsinki, Le Cap, Taïpei, Mexico…). Bien que déchargée officiellement de l’organisation, l’association Lille design, bonne fille, a prévu d’ajouter à ce menu un peu mince et encore très flou deux expositions dans des musées hors métropole, dont probablement Le Louvre-Lens, ainsi que des conférences et des « rendez-vous de designers ».
Tout cela doit composer un « projet au rayonnement mondial », conclut l’ébauche de programme, avec des visiteurs venant de partout (le ministère des Affaires Etrangères avait évoqué le chiffre faramineux de 5 millions de visiteurs en octobre 2017), des délégations professionnelles et d’entreprises et « de nombreuses retombées médiatiques ». Ce ton triomphal contraste avec le profil modeste adopté par quelques-uns des acteurs de l’opération. « Certains s’attendaient peut-être à un programme plus spectaculaire, indique Philippe Rémignon. Mais les designers sont des gens besogneux, pas éclatants, et cela correspond bien à l’esprit du Nord. » « Il ne faut pas se tromper de référence, appuie Didier Decoupigny, directeur de l’Agence d’urbanisme de Lille-Métropole, investie dans la préparation. Nous sommes dans une échelle et une démarche totalement différentes de celles de Lille 2004, capitale de la culture. »
Et au fait s’agira-t-il vraiment d’une année-capitale ou de « six mois forts », comme envisagé devant un public de happy few, il y a quelques semaines, par Denis Tersen ? En tout état de cause, le coup d’envoi doit être donné le 6 décembre prochain. Il était prévu que ce soit sur le Grand Boulevard, entre Lille, Roubaix et Tourcoing. Mais cette option est remise en cause aujourd’hui. Et la conférence de presse qui aurait peut-être permis d’en savoir plus, programmée initialement fin septembre, a été repoussée à la mi-octobre…
2/ Quels sont les financements ?
La question financière constitue une vaste zone d’ombre… « On ne nous a jamais dit combien ça coûterait et combien ça rapporterait », regrette une représentante d’un groupe politique de la MEL. Il faut plonger dans les délibérations adoptées par la Métropole pour trouver quelques chiffres. En juin 2017, la collectivité a versé un peu plus de 561 000 euros à l’association Lille-design, qui portait alors la candidature au titre mondial, tandis que la Région des Hauts-de-France la soutenait à hauteur de 140 000 euros. Le 14 octobre, la World design organization a accordé son label « Capitale » au territoire. Pour pouvoir en jouir, la MEL a dû régler 635 000 dollars canadiens (environ 430 000 euros) à cette ONG et créer un comité d’organisation dédié, doté en urgence de 150 000 euros en décembre 2017. Six mois plus tard, la MEL allouait au comité 650 000 euros supplémentaires, dont 420 000 prélevés sur le budget de l’association Lille-design, désormais cantonnée à la promotion du design sur le long terme. De son côté, la Région a voté une subvention de 400 000 euros en 2018.
Pour 2019, le budget prévisionnel du comité d’organisation « Lille-Métropole 2020, Capitale mondiale du design », tel qu’affiché en décembre dernier, était de 3,25 millions d’euros, dont 807 000 euros de frais de personnel (pour 15 salariés) et 253 000 euros de frais généraux. La MEL y contribue pour 800 000 euros et la Région encore une fois pour 400 000 euros. Quid des deux millions manquants ? Les villes, sollicitées, se montrent réticentes. « La métropole est dirigée par des gens qui ne mesurent pas l’ampleur des décisions qu’ils prennent », bougonne le Roubaisien Max-André Pick. Début septembre, le fonds de dotation d’Entreprises et Cités a apporté à l’édifice une brique de 150 000 euros fléchés vers la création d’un « laboratoire des usages », lieu où les entreprises pourront rencontrer des designers et engager avec eux des coopérations. C’est, à ce jour, le seul acte de mécénat privé de l’opération alors que les organisateurs tablent (tablaient ?) sur 1,5 million d’euros…
3/ Quelle mobilisation des forces vives ?
Officiellement 500 POC (Proof of concept) ont été déposés. Ces expérimentations sont la principale « porte d’entrée » dans la manifestation pour les acteurs du territoire. Ce chiffre impressionne. Pourtant, sur le site du comité d’organisation, on n’en trouve que cinq, en vitrine depuis décembre 2018. Dont le Saint-So Bazaar de la gare Saint-Sauveur, le dispositif zéro déchet de Roubaix ou encore la rénovation du coeur de ville de La Madeleine… Une chose paraît probable : les projets de collectivités et autres institutions ne manqueront pas. En revanche, les petits acteurs associatifs et les particuliers semblent avoir eu plus de difficultés à se couler dans le moule.
Le parcours-type du POC va de l’observation d’une situation à la conception d’une solution avec les usagers. Au passage, il est prévu qu’un designer prête main forte aux porteurs des projets. Loin de ce scénario, certains n’ont pas eu de nouvelles de leurs dossiers, ou se sont découragés au fil de réunions répétées. D’autres reprochent à leurs interlocuteurs du comité d’organisation « un manque de connaissance du terrain et des réseaux locaux ». Mais le principal sujet de mécontentement est d’ordre financier. La sélection d’un POC ne s’accompagne d’aucune aide sonnante et trébuchante et les candidats sont même invités à payer les services du designer censés les accompagner.
« C’est la logique de Facebook et Google, s’énerve Michel David, consultant impliqué dans un tiers-lieu de Roubaix. On vous pompe des ressources contre la délivrance d’un logo et vous devez dire merci. » « Nous n’avons jamais prétendu qu’il y aurait de l’argent pour les POC privés, se défend Frédérique Seels, la vice-présidente de la MEL. Et comme le processus doit conférer plus de performance aux projets considérés, il est normal que les fonds publics ne les financent pas intégralement. »
Prochaine occasion pour la Capitale mondiale du design 2020 de prendre un peu de couleur ? Le conseil de la MEL du 11 octobre. Des délibérations sur l’opération devraient figurer à l’ordre du jour. Seront-elles en mesure d’éclairer le tableau ?
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