par fernando » 24 Jan 2020, 14:43
Pendant vingt ans, un imposteur a gravi les échelons de l’armée suédoise
Depuis 1999, un homme – qui se faisait passer pour un officier – a occupé de hautes fonctions dans la hiérarchie militaire, sans être démasqué.
Révélée par le journal Dagens Nyheter, l’affaire plonge les autorités suédoises dans l’embarras. Pendant vingt ans, un homme, qui n’avait même pas le permis de conduire, s’est fait passer pour un officier, parvenant à intégrer le siège de l’OTAN, sans jamais être inquiété.
Jeudi 23 janvier, le ministre social-démocrate de la défense, Peter Hultqvist, et le chef des armées, Micael Bydén, étaient convoqués devant la commission de la défense du Parlement, pour répondre aux questions des députés. A la sortie, tous deux ont reconnu la gravité de la situation, sans pour autant parvenir à expliquer comment cet imposteur avait pu tromper tout le monde pendant vingt ans.
L’affaire est d’autant plus incompréhensible qu’elle se déroule en Suède : dans ce pays, chaque habitant dispose d’un numéro d’identification personnelle, utilisé dans tous ses contacts avec l’administration, permettant ainsi de retracer facilement son parcours. Un pays aussi, où nombre de données – jugées privées – sont accessibles à tous. A condition de s’y intéresser.
Selon Dagens Nyheter, l’histoire commence en 1999. L’homme est alors inscrit à l’Ecole des officiers d’Enköping, près de Stockholm. Mais ses enseignants découvrent qu’il a menti sur ses notes et il est renvoyé. Qu’importe, il falsifie un diplôme d’officier et débute sa carrière dans l’armée.
Du Kosovo au quartier général de l’OTAN
Il est envoyé au Kosovo, puis en Afghanistan. Et il prend du galon – capitaine, puis major –, sans jamais mettre les pieds à l’Université suédoise de la défense, où il aurait dû suivre des formations complémentaires pourtant obligatoires. Cela ne semble déranger personne. Pas même les services de renseignements militaires, qui l’embauchent au retour de ses missions à l’étranger.
Honte suprême pour Stockholm : quand l’OTAN offre à la Suède, non-membre de l’organisation transatlantique, de participer, en 2012, au développement du système informatique AMN (Afghanistan Mission Network), utilisé par 48 pays pour le partage d’informations, c’est lui qu’on envoie à Mons, en Belgique, au quartier général du commandement suprême des forces alliées en Europe.
Il faut attendre 2018 pour qu’une première sonnette d’alarme soit tirée. L’homme occupe depuis deux ans un poste de commandement, auprès des gardes-côtes suédois, quand il postule pour un poste auprès d’une agence gouvernementale. Les contrôles de routine révèlent alors qu’il n’a pas seulement menti sur son CV – il n’a pas le permis de conduire – mais qu’il a falsifié ses diplômes.
Personne ne réagit
Les garde-côtes informent immédiatement l’armée, les services de renseignements et plusieurs ministères. Mais personne ne réagit. Résultat : à l’été 2019, le faux officier intègre le contingent suédois de la Mission multidimensionnelle intégrée des Nations unies pour la stabilisation au Mali (Minusma), qu’il a quittée en novembre.
Interrogé par Dagens Nyheter, l’imposteur – dont l’identité n’a pas été révélée – reconnaît qu’il a menti « plusieurs fois », mais tempère la gravité des faits, évoquant une « exagération commise pour les mêmes raisons que les gens embellissent leur CV ».
Confirmant qu’une enquête était en cours, le chef des armées, Micael Bydén, a estimé, jeudi 23 janvier, que « rien n’indiquait que des informations classifiées, pouvant nuire à la sécurité du pays ou de ses partenaires, aient été diffusées ». Le ministre de la défense, pour sa part, rejette la responsabilité des faits sur l’armée, bien déterminé à clore le dossier, tandis que l’opposition de droite crie au scandale et dénonce l’incompétence du gouvernement.
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