par fernando » 07 Déc 2020, 13:01
Semaine à haut risque pour Mediapro et le football français
Lundi, une réunion cruciale doit se tenir entre le principal diffuseur de la Ligue 1 et la Ligue de football professionnel.
Le football français court-il droit à la faillite ? A mesure que les jours passent, le mur se rapproche dangereusement. Mediapro n’a pas payé la troisième échéance de son contrat due le 5 décembre, soit 150 millions d’euros environ pour la diffusion des matchs de Ligue 1 et de Ligue 2, pour lesquels il est censé verser 830 millions d’euros par an à la Ligue de football professionnel (LFP). Cette deuxième facture non réglée n’est pas une surprise. Jaume Roures, un des cofondateurs du groupe audiovisuel espagnol, avait fait comprendre le 21 octobre, en faisant part des difficultés de son groupe, que l’ouverture d’une procédure de conciliation judiciaire suspendait, selon lui, le contrat avec la LFP.
Depuis au moins dix jours, les réunions entre la Ligue et Mediapro s’enchaînent sous l’égide du conciliateur, Marc Sénéchal, chargé de faire émerger une solution. Ce dernier espérait aboutir samedi. En vain. Alors qu’un délai supplémentaire de quelques jours a été accordé, la journée de lundi 7 décembre s’annonce à nouveau cruciale. Une réunion téléphonique entre les clubs de Ligue 1, Vincent Labrune, le patron de la Ligue, et le conciliateur est programmée lundi soir. Les clubs de football devraient alors en savoir plus, même si, officiellement, c’est l’approbation des comptes de la Ligue qui est à l’ordre du jour. Le temps presse : ils sont censés percevoir leur prochain chèque le 18 décembre. Après un emprunt de 120 millions contracté pour pallier la première défaillance de Mediapro, la LFP n’a pas encore réussi à négocier de nouveau crédit.
Pour certains, l’espagnol est tout simplement dans l’incapacité de payer,
quelle que soit la remise que la LFP
pourrait lui offrir
Mediapro, qui assure depuis le départ n’avoir besoin que d’une ristourne sur la première année de son contrat de diffusion 2020-2024 pour affronter le trou d’air lié à la pandémie, est-il seulement en mesure d’offrir une solution à la LFP ? Pour certains, non. L’espagnol est tout simplement dans l’incapacité de payer, quelle que soit la remise que la LFP pourrait lui offrir. Il faut dire que Joye Media, la maison mère de Mediapro, est en difficultés financières : la pandémie de Covid-19 a fortement dégradé ses perspectives financières pour 2020, alors qu’elle était déjà endettée à hauteur de 920 millions d’euros fin 2019. Fin septembre, le groupe n’avait en caisse que 113 millions d’euros, d’après l’agence de notation Moody’s. A ce moment-là déjà, l’espagnol n’était pas parvenu à trouver les financements nécessaires pour honorer les 172 millions dus début octobre.
Pour sortir de l’impasse, la LFP souhaiterait récupérer ses droits télé. Mais, juridiquement, elle n’a aucun levier. Tant que dure la procédure de conciliation (théoriquement cinq mois au maximum), elle ne peut activer la clause du contrat, qui lui permet de remettre la main sur la diffusion du championnat au bout de trente jours de non-paiement.
Les clubs de football ne sortiront pas indemnes de cette crise
Cela ne l’a pas empêché d’activer tous ses réseaux. Nicolas Sarkozy, grand amateur de football, à la fois proche de Vincent Bolloré, premier actionnaire de Canal+ via Vivendi, de Nasser Al-Khelaifi, le président de BeIn Sport, et de la LFP, s’est immiscé dans cette affaire inextricable, et n’a pas hésité à mouiller la chemise pour trouver une sortie de crise. Des échanges informels ont déjà eu lieu entre Canal+ et la Ligue. Mais l’ex-chaîne cryptée semble se faire désirer, et à tout intérêt à jouer la montre afin d’obtenir le meilleur prix possible. A ce stade, elle n’a d’ailleurs adressé aucune offre officielle à la LFP.
Les clubs de football ne sortiront pas indemnes de cette crise. Pas plus que Jaume Roures qui risque d’avoir mis tout son groupe, Joye Media, un poids lourd de l’audiovisuel, en danger. Le 22 octobre, les trois agences de notation S&P, Fitch Ratings et Moody’s ont de nouveau dégradé l’entreprise, rendant plus difficile sa capacité d’emprunt. « Le défaut de paiement et le processus de médiation engagé soulignent la difficulté pour Mediapro de rentabiliser les droits du football français », a justifié Moody’s. Si aucune solution n’était trouvée, des procédures de dédommagement pourraient être engagées par la LFP, et les quatre opérateurs télécoms qui distribuent Telefoot, la chaîne payante lancée par le groupe audiovisuel espagnol, prédit l’agence.
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