par fernando » 04 Mai 2022, 11:03
Elections législatives 2022 : accord de principe conclu entre LFI et le PS
Portant sur 70 circonscriptions, l’accord de principe va être présenté en urgence à un conseil national du Parti socialiste. Il parachève la construction de la Nouvelle union populaire de la gauche pour les législatives.
C’était sans doute le plus difficile des accords passés par les « insoumis ». Il y a encore une semaine, eux-mêmes n’y croyaient pas : s’entendre avec le Parti socialiste (PS) après quatorze années de désaccords. Pourtant, après deux jours et deux nuits de discussions presque ininterrompues, c’est chose faite. Les « insoumis » et les socialistes se sont entendus, dans la nuit du mardi 3 mai au mercredi 4 mai, sur un accord de principe portant sur 70 circonscriptions. Les discussions vont reprendre mercredi pour aplanir encore quelques points hors circonscriptions, mais le plus dur est fait.
L’accord, qui succède à ceux conclus avec Europe Ecologie-Les Verts et le Parti communiste français, sera soumis à un conseil national du PS, convoqué en urgence. Le 20 avril, ce même conseil avait donné mandat aux négociateurs du PS pour discuter avec La France insoumise, à 160 voix pour, 75 contre, 10 abstentions. Une soixantaine de membres du conseil national n’avaient pas participé au vote. L’accord pourrait donc passer, mais les discussions s’annoncent houleuses, vu la fronde interne que suscite la perspective d’une alliance.
Coups de poker et de pression auront été fréquents dans ces négociations. Mardi après-midi, Manuel Bompard puis Eric Coquerel (LFI) se sont succédé devant les caméras pour insister : « Le PS peine à intégrer son résultat à la présidentielle », a dit le premier. Le second les a accusés d’être « trop gourmands ». Dans les négociations, les socialistes espéraient une centaine de circonscriptions, LFI a fait parfois des contre-propositions extrêmement basses. S’il a fait le score le plus modeste des grands partis de gauche à la présidentielle, le PS détient le plus grand nombre de sortants : 25 députés, dont deux ultramarins, auxquels s’ajoutent trois élus apparentés. Les discussions, relativement fluides sur le programme malgré de profondes divergences sur l’Europe, sont devenues ardues au moment d’évoquer les places.
Explications internes
La 15e circonscription de Paris, par exemple, est restée très longtemps un point bloquant. Les « insoumis » refusaient de considérer l’ex-députée Lamia El Aaraje comme une sortante au motif que son élection a été annulée par le Conseil constitutionnel (pour des motifs indépendants de sa volonté). Face à elle, Danielle Simonnet, seule représentante « insoumise » au Conseil de Paris, historique du mouvement et deux fois candidate aux législatives. C’est Mme Simonnet qui l’a finalement emporté dans la discussion.
La direction du PS va désormais s’atteler à des explications internes au moins aussi ardues que les négociations. Les « insoumis », même s’ils ne le disent pas comme ça, peuvent se targuer d’avoir uni les gauches. Même Benoît Hamon est sorti de sa semi-retraite politique pour l’affirmer, mardi, sur Twitter : « Je me suis éloigné de la vie politique nationale mais, à titre personnel, en ce jour anniversaire de la victoire du front populaire, je dis que le rassemblement autour de l’Union populaire est une sacrément bonne nouvelle. » D’autres font la grimace, parmi les barons du PS opposés par principe à une alliance avec LFI, des militants aussi. Mécontent, l’ancien premier ministre Bernard Cazeneuve a prévenu qu’il s’en irait si son parti concluait : « Parce que je suis fidèle au socialisme républicain et que je le resterai, je ne pourrai, en conscience et en responsabilité, demeurer dans le parti dont les dirigeants auront oublié ce qui le fonde et perdu leur boussole. »
Avant les socialistes, les émissaires du PCF ont eux aussi été mis à rude épreuve. Priés de venir à 14 heures, puis à 22 heures lundi, ils sont arrivés alors que les socialistes discutaient encore. En quelques jours, la proposition qui leur était faite avait fondu, passant en dessous des 50 députés nécessaires à l’obtention du financement public des partis. Lassés, les communistes ont quitté le siège de LFI. La France insoumise les a rattrapés par la manche deux heures plus tard avec à la clé une proposition améliorée, qui a été acceptée à 4 h 30 du matin : les onze circonscriptions des sortants, cinq autres circonscriptions favorables, à Vierzon (Cher), où le maire PCF Nicolas Sansu sera candidat, à Dax (Landes), à Denain dans le Nord (actuelle circonscription du RN, Sébastien Chenu), à Creil (Oise) et à Lens (Pas-de-Calais). En tout, 16 circonscriptions gagnables, 44 autres où ça l’est beaucoup moins, comme le 7e arrondissement de Paris, mais aussi Arcachon (Gironde).
Le PCF a des regrets sur plusieurs zones où il estimait, par son implantation, être en bonne position pour gagner. Des circonscriptions adossées à des mairies communistes dans l’Essonne, à Malakoff et à Grigny. Pour autant, il faut ravaler toute amertume, les communistes, qui ont voté largement le texte en conseil national (120 pour, 25 contre, 13 abstentions), entendent profiter de la dynamique autour de cette nouvelle union populaire.
Points d’interrogation
Côté programmatique, les deux forces ont convenu de « fédérer sur la base d’un programme ambitieux toutes les forces qui le partagent, en respectant leur pluralité et leur autonomie ». Une nuance importante pour le PCF, qui veut continuer à pouvoir faire entendre des différences, notamment sur l’énergie, l’agriculture. Le nucléaire, point de désaccord, n’est pas mentionné dans l’annonce, qui se borne à prôner « la renationalisation d’EDF, d’Engie, des autoroutes et des aéroports », une sorte de synthèse des programmes présidentiels de Fabien Roussel et de Jean-Luc Mélenchon.
La nationalisation de certaines banques généralistes, voulue côté PCF, est également intégrée. Pour le reste, justice fiscale, smic augmenté, retraite à 60 ans, « diplomatie au service de la paix » et désobéissance à certaines règles de l’Union européenne, il était difficile de trouver des divergences entre les deux partis. Côté écologie, les deux s’entendent sur la planification et l’application d’une « règle verte ».
Des points d’interrogation subsistent. La validation du texte au conseil national du PS d’abord, et les potentielles défections qui pourraient suivre. La tenue de l’accord au niveau local aussi. Côté communiste, la maire de Vénissieux (Rhône) Michèle Picard a annoncé mardi son intention de rester candidate face à l’« insoumis » Taha Bouhafs. Et par ailleurs, les discussions ne sont pas tout à fait terminées. Le Nouveau parti anticapitaliste, revenu discuter mardi, juge « très négative » la poursuite des discussions avec le PS. « Nous sommes des millions à vouloir tourner la page des politiques menées par ce parti et nous ne comprenons pas la recherche d’un accord avec lui. » Il promet, pour autant, de reprendre les négociations dès mercredi.
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