par fernando » 14 Juin 2023, 17:41
Soit elle ment de manière éhontée, soit elle est d'une incompétence crasse. Dans tous les cas c'est une grosse pute qui alimente le vote RN.
Fonds Marianne : Marlène Schiappa en difficulté face aux sénateurs
Auditionnée par la commission d’enquête sénatoriale mercredi, la ministre à l’origine de ce fonds destiné à lutter contre le séparatisme a tenté de nier toute responsabilité dans les dérives, en renvoyant la faute sur son cabinet et sur l’administration.
« Vous n’oubliez pas tout de votre vie, tout de même, Madame ? » Derrière l’ironie, l’agacement du sénateur Jean-François Husson (Les Républicains, Meurthe-et-Moselle) est palpable. Depuis deux heures, le rapporteur de la commission d’enquête sur le fonds Marianne bataille face à une Marlène Schiappa bien décidée à esquiver toute mise en cause personnelle dans cette polémique, née de l’attribution discrétionnaire, en 2021, de centaines de milliers d’euros à deux associations douteuses, dans le cadre d’une opération vantée par celle qui était alors ministre déléguée à la citoyenneté comme une réponse à l’assassinat terroriste du professeur d’histoire-géographie Samuel Paty.
Plutôt que d’assumer une responsabilité dans la chaîne de décisions qui a conduit à financer, à hauteur de 355 000 euros, l’Union des sociétés d’éducation physique de préparation militaire (USEPPM) de Mohamed Sifaoui, dont plus de 70 % sont partis dans le salaire de l’essayiste et de son associé, et à donner 325 000 euros à Reconstruire le commun, une structure qui n’avait que quelques mois d’existence et a multiplié les contenus politiques en pleine période électorale, Marlène Schiappa a choisi d’endosser « [sa] responsabilité, toute [sa] responsabilité, mais rien que [sa] responsabilité ». Une ligne de défense qui consiste à renvoyer la faute tant sur l’administration que sur son propre cabinet ministériel. Tout au long de l’audition, la ministre martèle : « je ne sais pas », « je ne suis pas omnisciente », « je n’ai pas été informée », « rien ne m’est remonté ».
Le fait que Mohamed Sifaoui ait été reçu à six reprises par son cabinet préalablement à l’annonce du fonds Marianne ? « Je ne suis pas une amie personnelle de M. Sifaoui », se borne à répondre Mme Schiappa, « je ne l’ai pas reçu en tête-à-tête ». Elle ne sait pas non plus « ce qui se dit entre [son] cabinet et M. Sifaoui ». Peut-être est-elle venue le saluer, mais elle n’a « pas souvenir » des propos ni encore moins d’une promesse de subvention.
« M. Gravel a dû mal comprendre »
M. Sifaoui annoncera pourtant au téléphone à Christian Gravel, le préfet chargé du Comité interministériel de prévention de la délinquance et de la radicalisation (CIPDR), qui pilote le fonds Marianne, qu’il sort du cabinet de la ministre, et qu’on lui a demandé de postuler pour le fonds. « M. Gravel a dû mal comprendre (… ). Je n’ai à aucun moment demandé ou passé commande à ce que M. Sifaoui soit priorisé », se défend Marlène Schiappa, avant de convenir : « Il est possible que j’encourage des gens à déposer des dossiers, je le fais tout le temps. »
Lorsque dans un mail de mars 2021, soit deux mois avant le lancement du fonds Marianne, Mme Schiappa estime auprès de son cabinet que la demande de M. Sifaoui de 300 000 euros de subvention lui semble « énorme », il ne faut pas y voir le signe qu’elle suit le dossier, ni que le projet de l’essayiste a été sélectionné en amont du lancement du fonds, insiste la ministre, mais que « les membres du cabinet ont un enthousiasme » pour son projet. Il touchera finalement plus que la somme jugée « énorme ».
Quant au choix de l’USEPPM et de Reconstruire le commun, deux associations qui n’ont aucun historique de la matière, il s’agissait de « faire émerger de nouveaux projets ». Mais une fois encore, la ministre n’a « pas reçu d’alerte sur le montant des subventions ». Pas plus qu’elle n’a, à l’en croire, suivi l’avancée du comité de sélection des associations du fonds Marianne, où siègent pourtant trois membres de son cabinet. Elle a d’ailleurs appris « par le rapport de l’Inspection générale de l’administration », publié le 6 juin, les difficultés rencontrées par la chargée de mission du CIPDR qui devait instruire seule les 71 dossiers reçus dans le cadre de l’appel à projets. « C’est extraordinaire », s’étonne le sénateur Husson.
« Chacun est dans son rôle »
Contrairement aux déclarations de son ancien directeur de cabinet, Sébastien Jallet, Mme Schiappa n’a d’ailleurs « pas souvenir » qu’il ait été prévu qu’elle siège dans ce comité. Elle devait pourtant animer un point presse à l’issue de la sélection, lui rappellent les sénateurs. « Dont acte », note le président de la commission des finances, Claude Raynal (Parti socialiste, Haute-Garonne) qui, malgré sa bonhomie, laisse percer son agacement devant l’absence de tout document ou de tout rapport sur ce comité et ses choix : « Il n’y a rien, rien de rien de rien. » « Il y a des règles qu’il serait utile de clarifier, je suis demandeuse des conclusions de votre commission d’enquête », convient Mme Schiappa.
Elle est tout aussi évasive s’agissant des déclarations de son ex-directeur de cabinet, qui a admis qu’à la demande de la ministre, une subvention de 100 000 euros accordée à SOS Racisme par le comité de sélection du fonds avait finalement été supprimée. « Je n’ai pas supprimé de subvention, on est sur un appel à projets, je ne leur enlève pas de l’argent », tente-t-elle. « C’est subtil, comme réponse », ironise M. Raynal. « Je ne m’immisce pas, on vient requérir mon avis », s’entête la ministre. Et si son ancien directeur de cabinet a donné une version différente, c’est sans doute car elle a « dû être maladroite dans [son] expression ».
Pour Mme Schiappa, « chacun est dans son rôle, le ministre impulse (…), l’administration met en œuvre ». En résumé, une fois annoncée – à grand renfort d’interviews télévisées, lui fait remarquer Claude Raynal – la naissance du fonds Marianne, elle n’avait pas à suivre le dossier. Elle n’a d’ailleurs eu, là encore contrairement à nombre d’autres déclarations faites devant la commission, « aucune remontée d’aucune difficulté de mise en œuvre », jusqu’aux révélations dans la presse.
« Ce n’est pas une opération comme les autres, tente le président de la commission des finances. Vous faites le lien [avec Samuel Paty], vous connotez votre action, ne vous étonnez pas que tout le monde se demande ce qu’elle est devenue. » Et de conclure : « Tout cela manque un peu de cœur. » « Je communique beaucoup sur toutes les politiques que je porte », se défend Marlène Schiappa.
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