par manulosc » 01 Fév 2014, 10:47
Circulation : les solutions pour faire sauter les bouchons de la métropole lilloise
Rassemblez 1,19 million d’habitants dans une communauté urbaine, disposez autour de l’ensemble des bassins de population importants, implantez un tissu économique fort dans votre petit espace, reliez les bassins avec des autoroutes, disposez le tout au cœur d’un nœud européen des transports, vous obtiendrez un cas d’école en matière d’aménagement urbanistique : la métropole lilloise. Après une première réunion annuelle entre les services de l’État, les deux Départements, la métropole lilloise et la Région, quelles solutions pour éviter l’engorgement systématique des autoroutes ?
Quinze heures, un jeudi après-midi, un poids lourd s’est renversé sur l’A25 à une dizaine de kilomètres d’Hazebrouck. Le principal axe permettant de s’évader de Lille vers Dunkerque se transforme en gigantesque parking pour des centaines d’automobilistes attendant la réouverture totale des voies. L’accident n’est qu’une goutte d’eau parmi les milliers qui noient la vie du réseau autoroutier lillois, mais il illustre une situation devenue critique.
Toujours plus de trafic
Chaque jour, 350 000 voitures entrent et sortent de la métropole lilloise et le trafic s’accroît de 2 % par an. Sur le principal axe, l’autoroute A1 (Paris - Lille), les services de la direction régionale de l’environnement, de l’aménagement et du logement (DREAL) ont constaté plus de 3 h de saturation chaque matin et autant le soir. Le cas des axes comme l’A25 et l’A22 (Lille- Gand) est tout aussi inquiétant.
Cette thrombose est principalement liée, selon les services de l’État, à des déplacements à 90 % directs, de particuliers, seuls dans leur voiture, 1,3 personne en moyenne, entre leur domicile et leur travail. Du côté des poids lourds, la situation est aussi insoluble : 79 % des camions fréquentent les axes lillois pour livrer ou rejoindre une base dans la métropole.
Le résultat est estimé par la chambre de commerce et d’industrie (CCI) Grand Lille à 50 heures annuelles perdues par les automobilistes dans les embouteillages.
Pour répondre à ces problèmes, la communauté urbaine de Lille (LMCU), les Départements du Nord et du Pas-de-Calais, les services de l’État et la Région Nord - Pas-de-Calais ont esquissé des solutions et des axes de travail pour l’année pendant deux heures à la mairie de La Bassée, jeudi soir. Cette conférence métropolitaine, qui se déroulera une fois par an, est une première. Enfin tous les acteurs institutionnels réunis se parlent pour dessiner une politique commune des transports. En attendant, les usagers de la route devront encore prendre leur mal en patience…
DES PETITES AVANCÉES À PAS COMPTÉS
Dans le monde des décideurs institutionnels, il y a ce qui se fait, ce qui va se faire et ce qui pourrait se faire si… Dans le domaine des transports, on ne compte plus les grands dossiers oubliés sur une aire de repos ces dix dernières années. Dernière victime en date, le grand contournement sud-est de Lille, une liaison pour relier l’A1 (Paris -Lille), à hauteur de Seclin, à l’A23 (Lille - Valenciennes), puis l’A27 (Lille - Tournai), au niveau de Péronne-en-Mélantois. Présenté comme une solution miracle pendant quelques années, il est aujourd’hui évoqué à l’horizon 2030-2050, autant dire une forme administrative du purgatoire. Des atermoiements à décourager les plus farouches bonnes volontés. « C’est terrible, ces revirements », regrette Philippe Hourdain, président de la CCI Grand Lille et bon connaisseur du dossier. « Il y a une lassitude qui s’installe. Qu’on lance ces projets ! Qu’on les fasse ! Dans cinq à six ans, il sera trop tard, les axes seront totalement engorgés. » L’affirmation est corroborée par une étude du ministère de l’Environnement qui conclut que la saturation de l’A1 entre Dourges et le sud de Lille deviendra chronique à l’horizon 2020.
Face à l’urgence, peu de projets approchent ou sont entrés dans une phase concrète de travaux. Études, expérimentations et commissions occupent encore le devant de la scène. Seul le dossier du doublement de la ligne 1 du métro lillois est réellement en chantier. Ce dernier devrait durer jusqu’en 2017, il consiste à permettre le doublement de la longueur des rames afin de répondre à l’augmentation constante du nombre de passagers. L’investissement engagé est colossal : 629 millions d’euros. Il est subventionné à hauteur de 29millions par l’État, la Région et le Département du Nord apportent 53,5 millions chacun, le reste est financé par la métropole lilloise (LMCU). Il était temps ! La fréquentation de la ligne 1 a augmenté de 55 % entre 2001 et 2010, 165 000 voyages par jour. Sachant qu’on peut atteindre jusqu’à 16 000 voyages par heure lors des pics d’affluence.
À une échéance un peu plus lointaine, le département du Nord travaille à développer la circulation des cars du réseau Arc-en-Ciel sur la bande d’arrêt d’urgence d’une partie de l’autoroute A23, entre Valenciennes et la métropole lilloise. Le dossier est pour l’instant à l’étude. Il devrait entrer en procédure d’adjudication entre mars et décembre 2015. Coût probable des travaux d’aménagement : 29,5 millions d’euros, une paille dans le monde du génie civil. Le gain de temps estimé pour les cars serait de 44 % par rapport aux trajets actuels.
Des projets révolutionnaires
Dans les cartons des cabinets d’études et experts, bonnes idées et projets révolutionnaires n’attendent qu’une étincelle et une énorme volonté politique de tous bords pour exister.
Dans l’air du temps, le concept du covoiturage continue de faire des émules, d’autant que les conducteurs se rendant à Lille, quotidiennement, pour y travailler, restent majoritairement seuls dans l’habitacle de leur automobile. « Il y a un intérêt autour de la question, remarque Olivier Decornet, à la direction commerciale de Transpole. En à peine un an, nous avons doublé le nombre d’inscrits sur le site de covoiturage de Transpole, covoiturezplus.fr. » En 2012, le site comptait 2500 inscrits pour 600 trajets actifs, dans et autour de la métropole lilloise. De l’aveu de Transpole, ce chiffre reste faible, mais la croissance du service laisse rêveur. La pratique rentre peu à peu dans les mœurs.
Au rayon, des révolutions à venir, le concept de désynchronisation des horaires devrait faire parler de lui dans les prochaines années. « Ce n’est pas forcément très compliqué, il suffit d’une amplitude sur les horaires des salariés de 30 à 45 minutes pour étaler le trafic routier vers les parcs d’activités », souligne Philippe Hourdain, président de la CCI Grande Lille. À Rennes, l’application du concept dans les universités a permis de réduire de 17 % le trafic dans le métro aux heures d’hyperpointe. Principal écueil à la mise en place de cette solution : une harmonisation obligatoire de l’ensemble des acteurs, employeurs, régies des transports, collectivités, afin que le système fonctionne. Pas évident.
Serpent de mer
Autre projet dans le vent, le serpent de mer dans la vie économique du Nord-Pas-de-Calais, le canal Seine-Nord continue de susciter tous les espoirs du monde économique. Il pourrait dans la pratique réduire le nombre de camions sur les routes de la région, notamment sur l’A1 et l’A2 grâce à un canal grand gabarit entre Compiègne et Douai. Jeudi encore, les députés européens Gilles Pargneaux et Jean-Louis Cottigny en appelaient à François Hollande pour que le projet se fasse. B. T.
La grande idée sur les rails ?
Après les premières études, le débat public ? Ce serait aller un peu vite – en voiture, en train, à vélo, comme vous voulez... – que d’annoncer le RER Lille - Hénin sur les rails, mais disons que le projet se faufile doucement. Sachant que s’il se fait, il ne sera pas en service avant... 2025.
Mercredi, la commission nationale du débat public devrait en toute logique accepter que soit lancé un débat public autour de ce grand projet censé participer non négligeamment au désengorgement des accès à Lille (50 000 voyageurs quotidiens attendus). Des réunions publiques devraient dès lors avoir lieu à l’automne.
Le projet ? Une liaison rapide et cadencée entre Lille et le terril de Sainte-Henriette à Hénin-Beaumont avec arrêts à Lesquin, Seclin et au Stade Pierre-Mauroy les soirs de match et de concert. Et, au-delà, une modernisation du réseau ferroviaire jusqu’à Armentières et Tourcoing au nord ; Arras et Cambrai au sud. Deux options envisagées : utiliser les voies existantes modernisées, ce qui est moins lourd (640 millions d’euros). « Mais ça ne règle pas le problème au-delà de 2030 », relève, peu enthousiaste sur cette option, Alain Wacheux, vice-président transports PS à la Région. Et un projet à 1,25 milliard avec nouveau tronçon, le long de l’A1. « Je pense qu’on sera plutôt aux alentours de deux milliards », estime Dominique Plancke, président EELV de la commission transports à la Région.
La perspective : une douzaine de liaisons aux heures de pointe, Lille - Hénin en 21 minutes, des rames lancées à 160 km/h. Et puis Lille - Lens en 33 minutes, 32 pour Douai, 36 pour Arras, 11 vers Armentières, 12 vers Tourcoing ou 46 minutes au lieu d’1 h 05 pour Cambrai. Mais l’objectif est moins le gain de temps que de régularité et de se libérer des contraintes liées aux réseaux actuelles. Lille-Flandres se verrait équipée d’une gare souterraine permettant des liaisons rapides sans changement de train. Et Lesquin soit d’une gare sous l’aérogare soit d’une utilisation de l’existante, avec des navettes vers l’aéroport.
Globalement, si ce n’est les écologistes, plutôt réservés, ce projet remporte l’adhésion. Mais les temps sont durs. Alain Wacheux ne cache pas que le financement nécessite soit une décentralisation vers la Région qui pourrait alors percevoir une taxe transports, soit un engagement direct de l’État, bien à la peine pour financer tout grand projet, d’autant qu’il comptait beaucoup sur l’écotaxe. Reste une question : il s’agit de la grande idée de Daniel Percheron, président de Région normalement bientôt sur le départ. Le RER peut-il lui survivre ? C’est d’autant plus une interrogation qu’il se dit que Martine Aubry ne serait pas la plus grande des avocates du projet.
la voix du nord.fr