Lorsque l'Union soviétique s'est disloquée et que les républiques d'Asie centrale et du Caucase ont accédé à l'indépendance, nous nourrissions en Turquie de grandes ambitions. En effet, nous allions devenir les leaders d'un "monde turc qui s'étendrait de l'Adriatique à la muraille de Chine". Tout en magnifiant l'identité turco-musulmane de nos frères dont nous avions été coupés à cause de la guerre froide, nous allions pouvoir leur apprendre ce qu'étaient la démocratie et l'économie de marché. Nous allions ainsi devenir un "pays modèle", un peu comme on n'arrête pas de le dire aujourd'hui pour les pays du Proche-Orient secoués par le "printemps arabe".
Vingt-deux ans plus tard, toujours pas la moindre démocratie. L'Ouzbékistan et le Kazakhstan sont toujours dirigés par les mêmes dictateurs. Le Turkménistan en a maintenant un nouveau. Seul le Kirghizistan évolue, cahin-caha, vers une certaine forme de démocratisation. L'Azerbaïdjan, riche en pétrole et dont les liens culturels et économiques avec la Turquie sont les plus forts parmi les républiques turques d'ex-URSS, aurait dû être le plus évolué sur le plan démocratique.
Sauf que ce n'est absolument pas le cas. En effet, Ilham Aliev, qui maintient le régime dictatorial qu'il a reçu des mains de son père, vient encore d'augmenter le niveau de répression qu'il fait subir à l'encontre de la moindre voix discordante [voir l'affaire de l'écrivain azéri Akram Aïlisli]. Et cette situation ne suscite pas la moindre protestation de la part de la Turquie, qui ne cesse pourtant d'invoquer les droits de l'homme dès qu'il s'agit de la Syrie. La population azerbaïdjanaise, accablée par le chômage, l'inégalité des revenus et la corruption des élites, ressemble à un barril de poudre prêt à exploser.
A la fin du mois de janvier, le fils du ministre de la Sécurité sociale a embouti un taxi avec sa voiture de luxe à Ismayilli [dans le nord de l'Azerbaïdjan], et s'est répandu ensuite en propos insultants à l'égard des femmes de cette ville. Les habitants sont alors descendus dans la rue. Les manifestants ont brûlé un hôtel dont la rumeur affirmait qu'il appartenait au ministre, et ont réclamé la démission du gouverneur de la région.
Le gouvernement, qui a accusé des "éléments extérieurs" d'être derrière ce soulèvement, a fait disperser les manifestants à coups de gaz lacrymogènes et de balles en plastique, et arrêter une centaine de personnes, dont des journalistes. Parmi eux figurait la journaliste et chercheuse Hatice Ismailova, constamment en butte aux tracasseries de l'Etat. Celle-ci a toutefois été libérée, ce qui m'a permis de m'entretenir avec elle de la situation dans le pays.
"Les gens en ont marre de la corruption et du chômage, explique-t-elle. Le moindre propos, comme on a pu le voir à Ismayilli, peut avoir des conséquences importantes. Aujourd'hui, les citoyens ne sont plus des spectateurs passifs par rapport à la corruption. C'est la raison pour laquelle le gouvernement s'est dit qu'il fallait vraiment faire peur à la population en emprisonnant ceux qui faisaient entendre leur voix. Quelle erreur ! En effet, ceux qui depuis un certain temps se faisaient discrets ont repris la lutte. C'est par exemple le cas des blogueurs les plus connus tels que Emin Milli et Adnan Hajizade, emprisonnés en 2009. Le cercle des opposants est ainsi en train de s'élargir. Les écrivains, les cinéastes et les jeunes éduqués à l'occidentale, qui jusque-là ne s'exprimaient pas, s'impliquent désormais de plus en plus dans ce combat."
Ramzy a écrit:Lens en DH ça serait trop bon.
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