Baisse d'impôt : les curieux effets induits du nouveau dispositif
Le mécanisme de la décote, qui adoucit l'entrée dans l'impôt, a été modifié dans le budget 2015.
Les foyers proches du seuil d'imposition se trouveront imposés au taux marginal de 28 %.
Le mécanisme de baisse d'impôt présenté dans le projet de budget pour 2015 fait quasiment l'unanimité. Et pour cause : 6 millions de ménages bénéficieront de la suppression de la première tranche de l'impôt, dont 1 million deviendront non imposables. Le gain moyen est estimé à 248 euros, selon l'évaluation préalable du projet de loi. Et seuls quelque 22.000 foyers seront perdants, modestement.
Sauf que… pour aménager le nouveau barème, l'exécutif a modifié la « décote », un mécanisme en vigueur qui permet de décaler et d'adoucir l'entrée dans l'impôt pour les foyers proches du seuil d'imposition. Ainsi, les ménages qui devraient être imposés à partir de 9.690 euros de revenus par part (selon le nouveau barème) ne le seront qu'à partir de 13.744 euros grâce à la décote, selon les calculs réalisés pour l'Institut de l'entreprise par le fiscaliste Michel Taly, ancien directeur de la direction de la législation fiscale à Bercy, aujourd'hui associé chez Arsène Taxand.
Le risque d'un « ras-le-bol fiscal » décalé à 2016
Ce que le texte ne décrit pas, c'est que, à partir de ce niveau de revenus, et jusqu'à ce que la décote cesse de faire effet (soit à partir de 17.797 euros par part), le taux marginal d'imposition s'élèvera à 28 %. C'est-à-dire presque autant que pour des revenus de 50.000 euros !
Cet effet est consubstantiel au mécanisme de la décote : l'entrée dans l'impôt est décalée, mais le taux marginal est plus élevé. Un phénomène qu'accentue toutefois le nouveau mécanisme. « La décote version 2013 était plus douce, avec un taux marginal à 21 %, commente Michel Taly. Pour 2015, le gouvernement a choisi de concentrer le bénéfice de la décote sur un petit nombre de ménages, donc d'avoir un mécanisme puissant. Mais, du coup, pour 100 euros de rémunération en plus, ce sont 28 euros qui partiront en impôt ! C'est beaucoup pour ces niveaux de revenus. »
Pour lui, la mesure aura probablement un effet retard. C'est en effet après deux ans de fonctionnement de ce mécanisme que les ménages risquent d'être surpris des variations d'impôt auxquelles ils sont soumis. Ce qui conduit certains à prédire un nouveau « ras-le-bol fiscal »… pour l'automne 2016. « Très souvent, les rémunérations des ménages modestes varient beaucoup d'un mois à l'autre, avec les temps partiels et les heures supplémentaires, souligne Michel Taly. Ils sont donc très sensibles aux variations du taux marginal. La décote risque d'amplifier encore ces variations dans le calcul de l'impôt. C'est pourquoi on avait atténué le même mécanisme au début des années 2000. »
A sa décharge, l'exécutif pouvait difficilement choisir un outil plus progressif, qui aurait nécessairement bénéficié à davantage de contribuables, compte tenu de l'enveloppe budgétaire dont il disposait. En outre, même si les ménages sont imposés au taux marginal de 28 %, le montant total de leur impôt restera inférieur à ce qu'ils auraient dû payer en appliquant strictement le barème progressif.
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http://www.lesechos.fr/journal20141007/ ... tor=CS1-31