21 octobre 2014, par Jérôme Latta
Les inexcusables excuses de Frédéric Thiriez
La séquence a été diffusée dans l'émission J+1 de Canal+ lundi, mais elle avait été évoquée par Anne-Laure Bonnet au cours du direct de beIN Sports, vendredi soir. Sa confirmation est consternante: le président de la Ligue du football professionnel Frédéric Thiriez s'est excusé de l'arbitrage de Lens-PSG auprès de Nasser Al-Khelaïfi, président du Paris Saint-Germain, à l'issue de ce match. "Je suis vraiment désolé de ce très mauvais arbitrage", a-t-il glissé dans un anglais lui-même "terrible" ("I'm really sorry for this terrible arbitrage").

LE PATHÉTIQUE DE LA SCÈNE
On pourrait revenir sur les décisions de l'arbitre Nicolas Rainville et les polémiques outrancières qu'elles ont suscitées lors de cette rencontre au Stade de France, mais le problème ne réside évidemment pas là. Rappelons simplement, en préambule, que le PSG a remporté ce match (3-1) en étant gratifié d'un penalty largement incité par une "amplification" d'Edinson Cavani, et en n'étant lésé que de la future suspension de celui-ci.
On peut aussi souligner le pathétique de la scène, avec la mine compassée de Frédéric Thiriez et ce signe servile de la main, invisible pour Nasser Al-Khelaïfi qui lui tournait déjà le dos. Cette posture de soumission serait comique si les deux protagonistes n'exerçaient pas leurs fonctions présidentielles respectives. Car cette sujétion devient celle du football professionnel français, représenté par celui qui est censé le gouverner, devant l'investisseur qatari venu en sauveur.
L'excès de candeur est inutile, en l'occurrence : si Frédéric Thiriez est censé représenter les intérêts de l'ensemble des clubs professionnels, il a tout au long de son mandat pris le parti des tenants de "l'élitisme", c'est-à-dire des dirigeants qui prônent une répartition inégalitaire des ressources au profit des clubs "qui investissent", autrement dit des plus riches d'entre eux, ceci afin de les mettre à l'abri de l'aléa sportif et de concentrer les moyens financiers en leur sein (lire "Une Delta Farce pour verrouiller la Ligue 1"). Avec cette démonstration de déférence, Frédéric Thiriez reste dans sa logique, seulement poussée au stade supérieur.
SORTIE DE ROUTE
Il est par ailleurs utile de souligner que cette scène résulte pour une large part du dénigrement infantile, démagogique et obsessionnel des arbitres français dont, comme une majorité de médias spécialisés, le président de la Ligue s'est fait un fonds de commerce. Il s'était ainsi posé en ardent défenseur de l'arbitrage vidéo, au motif fallacieux – on le comprend pleinement maintenant – de "défendre" les arbitres, recourant à des arguments d'une rare indigence (lire "La thiriezthorique, c'est magique"). À force de lever les inhibitions en chargeant des boucs émissaires, il ne peut rester grand-chose du devoir de réserve.
Il ne saurait cependant s'agir que de la transgression d'un devoir de réserve, ni seulement d'une scène ridicule de plus de la part d'un personnage dont les déclamations emphatiques et les communiqués exclamatifs ont fait la dérisoire légende. C'est évidemment l'impartialité de la LFP qui est mise en doute quand celle-ci suggère qu'elle est à ce point au service d'un club, dont le propriétaire est aussi le diffuseur du championnat de Ligue 1, laissant ainsi se répandre les soupçons. S'ils ne sont pas eux-mêmes inféodés à ce pouvoir économique, les autres dirigeants ont toutes les raisons de s'insurger contre la sortie de route du président de la Ligue, très loin de ses prérogatives, très au-delà de la plus élémentaire des exigences éthiques de son poste.
Si les responsabilités exercées par Frédéric Thiriez ont un sens, ce devrait être aujourd'hui celui d'une démission. Faute de quoi, le président de la Ligue ne restera en fonction qu'en aggravant la crise du football français qu'il prétend combattre.
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