par fernando » 30 Sep 2015, 13:17
Halte à l'acharnement judiciaire!
Des documents suisses laissent Patrick Balkany sans voix
Pour la première fois, Patrick Balkany apparaît comme bénéficiaire direct d’une société off-shore et d’un compte caché au Liechtenstein. À la clé : des millions de dollars. Face au juge, le député et maire de Levallois-Perret a invoqué le « droit au silence ». Sans rire.
A la manière des dealers de The Wire3, Patrick Balkany s’est cru dans une série américaine, le 7 juillet 2015, devant le juge Van Ruymbeke. « J’exerce mon droit au silence », s’est ainsi contenté de répondre au magistrat anti-corruption le maire et député LR (ex-UMP) de Levallois-Perret (Hauts-de-Seine). Débutée à 14h30, l’audition s’est terminée quelques minutes plus tard. Il faut dire que les dernières découvertes judiciaires dans l’affaire des comptes et villas cachés des époux Balkany condamnent désormais l’ami de toujours de Nicolas Sarkozy à deux options : l’aveu ou le silence. Il a choisi le silence.
Du patrimoine caché des Balkany, on connaissait jusqu'ici la villa Pamplemousse à Saint-Martin (détenue secrètement par Isabelle et saisie depuis) et on présumait un riad à Marrakech (détenu par un homme de paille, son ancien directeur de cabinet). Selon de nouveaux documents livrés ces dernières semaines à la justice française par les autorités suisses, Patrick Balkany apparaît cette fois à titre personnel comme le bénéficiaire économique d’une société off-shore, propriétaire entre 1989 et 2002 d’une première villa des époux de Levallois sur l’île antillaise de Saint-Martin.
Patrick Balkany était aussi, d’après les mêmes sources, l’ayant droit du compte caché au Liechtenstein à la banque LGT de cette société, destinataire en août 2002 d’un virement de plus de 2 millions de dollars après la vente de la villa, baptisée « Serena ». C’est la première fois que, dans l’enquête judiciaire qui lui vaut déjà une mise en examen pour corruption et blanchiment de fraude fiscale, le nom de Patrick Balkany surgit aussi nettement comme bénéficiaire direct d’avoirs non déclarés – et non des moindres.
Le maire de Levallois s’était donné, de fait, beaucoup de mal pour dissimuler la villa Serena, ainsi que les sociétés et comptes bancaires qui lui étaient rattachés. Comme pour le riad de Marrakech ou la villa Pamplemousse, les Balkany se sont fait passer pendant des années aux yeux des autorités fiscales françaises pour de simples locataires. En réalité, c’est un montage raffiné passant par le Liechtenstein et la Suisse qui a permis à Patrick Balkany de jouer aux poupées russes avec la villa Serena.
La villa a été acquise le 8 avril 1989 (pour 1,3 million de francs de l’époque) par la société Belec Etabl., une off-shore domiciliée à Mauren3 (4 000 habitants), au Liechtenstein. Officiellement, Patrick Balkany n’apparaît nulle part. Ce type de société, appelée Anstalt au pays des brumes de Vaduz, sert précisément à cela : cacher les véritables ayants droit.
Mais, plus coquet, Balkany avait aussi pris soin d’interposer entre lui, la villa et la coquille du Liechtenstein une société fiduciaire suisse, Atlas Finanz Services, domiciliée, elle, dans le très secret canton de Zoug. C’était à elle que revenait la gestion de tout ce bazar. Et ce sont ses archives qui ont permis aux juges français, avec le concours des autorités helvètes, de percer les mystères de la villa Serena, comme le montre cet extrait de document :
Même le passeport de Patrick Balkany a été retrouvé dans les papiers constitutifs des sociétés off-shore…
La villa Serena a finalement été vendue par les Balkany à l’été 2002 au musicien américain Alen Menken, connu pour avoir composé les musiques de nombreux succès de Walt Disney (Aladdin, La Petite Sirène, La Belle et la Bête, Pocahontas, Le Bossu de Notre-Dame…). D’après l’acte notarié de la vente, dont Mediapart a pu prendre connaissance, la villa Serena était répartie sur deux lots (bâtiments + terrains + piscine) s’étendant sur un hectare dans la péninsule des Terres Basses. Une dizaine de pièces richement décorées composaient la villa. L’inventaire du mobilier au moment de la vente faisait par exemple état de draps de soie pour chaque chambre et de tableaux de Carrés Hermès dans certaines pièces.
Interrogée sur la villa Serena par le juge Van Ruymbeke en juillet 2014, Isabelle Balkany avait donné, la main sur le cœur, des réponses que les dernières découvertes judiciaires font voler en éclats. Deux questions, deux réponses, deux mensonges.
— « Connaissez-vous cette villa ? », avait demandé le magistrat.
— « Non », avait répondu Isabelle Balkany, par ailleurs première adjointe de la mairie de Levallois.
— « Êtes-vous ou votre mari le bénéficiaire économique de cette société au Liechtenstein ? », avait insisté le juge.
— « Non ».
Sollicité, l’avocat de Patrick Balkany n’a pas souhaité nous répondre.
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