par fernando » 19 Nov 2015, 14:49
loul Sakozy, il a vraiment honte de rien
La France opère un revirement complet sur la Syrie
François Hollande a décidé d'un virage à 180 degrés en matière de politique étrangère. Il rencontrera Poutine le 26 novembre pour bâtir une alliance contre l'État islamique. Mais, au-delà des frappes aériennes, il n'y a guère de stratégie pour ramener la paix en Syrie et construire une solution politique.
Peu de changements en matière de politique étrangère ont été aussi visibles que le virage à 180 degrés effectué par François Hollande sur la Syrie au lendemain des attentats du 13 novembre 2015. Alors que le président de la République française et son ministre des affaires étrangères, Laurent Fabius, défendaient depuis des mois une ligne « Ni Bachar, ni Daech », il semble bel et bien que la nouvelle position hexagonale soit devenue « Tous contre Daech et on verra pour Bachar après ».
Bien entendu, ce n’est pas ainsi que l’Élysée le formule, mais toutes les actions militaires entreprises et toutes les annonces diplomatiques formulées depuis le 15 novembre indiquent que la France a changé de pied sur la Syrie. Alors que les avions français n’avaient procédé qu’à trois bombardements sur la Syrie depuis septembre 2015, ils en ont effectué trois en trois nuits les 15, 16 et 17 novembre. Alors que l’implication de la Russie dans le conflit syrien était constamment dénoncée, François Hollande a désormais rendez-vous à Moscou avec Vladimir Poutine le 26 novembre (il verra au préalable Barack Obama à Washington le 24).
Et, d’après ce qui se dessine, il ne s’agira pas d’établir les bases d’une coalition américano-russo-française, mais plutôt pour la France (et les États-Unis qui ont déjà entamé le mouvement depuis plusieurs semaines) de se rallier à la Russie. Le chef de la diplomatie russe, Sergueï Lavrov, l’a indiqué très clairement mercredi 18 novembre en déclarant que les Occidentaux devaient abandonner leurs exigences d’une sortie de Bachar al-Assad « s’ils veulent véritablement former une coalition internationale contre les militants de l’État islamique ». « Il est simplement inacceptable de poser des pré-conditions pour s’allier dans la bataille contre les terroristes du soi-disant État islamique », a-t-il ajouté.
« Il est évident que les Russes ne vont pas changer de position alors que tout le monde se tourne désormais vers eux », analyse un diplomate français en poste en Europe de l’Est. « Tout au plus peut-on espérer que les Russes cesseront de bombarder les autres opposants à Bachar al-Assad pour se concentrer sur les forces de Daech. » Car, en effet, depuis que Moscou s’est lancé dans le ciel syrien à la fin de l’été 2015, ses missiles ont bien plus frappé les différentes factions de l’Armée syrienne libre ou les groupes de combattants islamistes « modérés » que les bases de l’État islamique.
Pour les États-Unis, une alliance Washington-Moscou-Paris ne serait pas un renversement complet de stratégie. Obama avait finalement abandonné l’idée de bombarder Damas après que la « ligne rouge » sur l’emploi d’armes chimiques a été franchie à l’été 2013. Un accord avait ensuite été passé entre le secrétaire d’État John Kerry et Sergueï Lavrov pour un désarmement chimique du régime syrien. Cela fait désormais des mois que les deux diplomates ne cessent de se parler pour tenter d’avancer dans ce conflit et les récentes discussions à Vienne vont dans ce sens. Par ailleurs, depuis que les chasseurs et les missiles de croisière russes volent dans les cieux syriens, une coordination militaire existe avec les Américains afin d’écarter tout risque de collision ou d'incident aérien. Enfin, alors que les deux présidents ne s’apprécient guère, Obama a cru bon de déclarer mercredi 18 novembre que Poutine est « un partenaire constructif » dans la crise syrienne.
Pour la France, le revirement est plutôt spectaculaire. Paris avait, il y a tout juste un mois et demi, rejeté la proposition russe d’une coalition « anti-État islamique » formulée par Vladimir Poutine à l’Assemblée générale des Nations unies. Et, lors des discussions de Vienne, Paris continuait de faire du départ de Bachar al-Assad un préalable.
« Ce n’est jamais facile de manger son chapeau, mais c’est ce que nous venons de faire », explique encore le diplomate français en Europe de l’Est. « Le calcul de l’Élysée a été purement pragmatique. Primo : entre deux ennemis, on choisit le moins menaçant. Secundo : sachant que les Américains et les Russes se rapprochaient, Paris n’a pas voulu se retrouver hors jeu. » Et ce d’autant plus que, sans Washington, la France ne peut pas faire grand-chose en Syrie. Même les frappes menées depuis le 15 novembre, qui sont indubitablement des actions de représailles aux attentats, ont bénéficié de l’appui des informations et de la logistique des États-Unis.
Cependant, même si une coalition anti-Daech menée par les Russes, les Américains et les Français émerge dans les semaines qui viennent, que va-t-elle pouvoir faire ? Comme l’a répété l’historien et spécialiste de la Syrie Jean-Pierre Filiu sur Mediapart, « il n’existe plus de bonnes solutions aujourd’hui ». Tout affaiblissement de Daech renforcera inévitablement Bachar al-Assad, alors même qu’il porte la responsabilité de la guerre civile qui déchire son pays depuis quatre ans.
Les bombardements aériens provoqueront forcément des « dégâts collatéraux » et la mort de nombreux civils, contribuant à une mécanique bien rodée, observée notamment en Afghanistan et en Irak, de radicalisation accrue des populations. L’envoi de troupes occidentales (ou russes) au sol est exclu par tous, mais qui sera capable de déloger les soldats de Daech de leurs territoires : les Kurdes ? les Irakiens ? L’armée syrienne ? Chacune de ces trois hypothèses soulève autant de problèmes qu’elle n’en résout…
Dans une interview3 au Monde, Nicolas Sarkozy plaide de manière surréaliste pour faire la même chose qu’en Libye : « Je suis pour une intervention avec des troupes au sol provenant des pays arabes de la région, mais certainement pas occidentales. C'est ce que l'on a fait en Libye et cela a parfaitement fonctionné. » C’est au contraire, assurent tous les experts de la Libye qui ont vu ce pays se disloquer et la région être déstabilisée après la guerre de 2011, ce qu’il ne faut pas faire. « Il faut accompagner toute action militaire d’une action politique, qui permette de trouver une sortie de la guerre civile syrienne, au-delà de la simple équation Bachar ou Daech », affirme William MacCants, expert du djihadisme au Center for Middle east policy. « Or c’est là que les choses se compliquent. Détruire Daech, cela peut se faire. Ramener la paix en Syrie cela paraît bien plus compliqué. »
Quelle motivation Bachar al-Assad pourra-t-il bien avoir pour négocier son départ ou son effacement, alors que son allié russe est le maître du jeu ? Pourquoi les autres groupes rebelles syriens voudraient-ils déposer les armes puisqu’ils auront, une fois de plus, le sentiment d’avoir été trahis (et bombardés) par les Occidentaux ? Myriam Benraad, chercheuse spécialisée sur l’Irak, le rappelait sur Mediapart : « Il y a une impasse militaire évidente, (…) mais il faut aussi réaliser que le politique est mort. Les Syriens sont aujourd’hui préoccupés par leur survie avant toute chose. »
Le revirement français sur la Syrie permettra peut-être de faire reculer Daech, ou en tout cas de déstabiliser suffisamment l’organisation pour qu’elle ne soit plus en capacité d’exporter son djihadisme meurtrier, comme l’invasion de l’Afghanistan a affaibli Al-Qaïda. Mais on peut craindre que, comme lors des guerres récentes en Irak ou en Libye, la victoire militaire contre l’État islamique ne fasse jaillir de nouveaux problèmes, de nouvelles menaces.
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