par fernando » 30 Mai 2016, 17:55
tain loul les buralistes!
Avant l’Euro, les nuages noirs s’amoncellent
Les Bleus disputent lundi 30 mai à Nantes leur premier match de préparation pour le championnat d’Europe de football, dont le coup d’envoi sera donné vendredi 10 juin sur la pelouse de Saint-Denis. La période est cruciale pour Didier Deschamps. Elle l’est au moins autant sur le front de la contestation sociale, l’Euro risquant d’être pris en sandwich par le conflit qui oppose gouvernement, entreprises et syndicats, notamment autour de la loi travail.
Dans ce contexte, les tuiles qui tombent tranquillement sur la tête du sélectionneur depuis quelques mois – entre sextape, contrôle antidopage positif puis suspension probablement annulée, mais trop tard, et blessures en tout genre – semblent presque anecdotiques à côté du climat anxiogène et catastrophiste qui entoure le début de la compétition.
Au début de mai, le secrétaire d’Etat aux sports, Thierry Braillard, assurait au journal Les Echos que l’Euro serait « bénéfique pour l’économie française et pour l’emploi », précisant que, « selon le Centre de droit et d’économie du sport (CDES), il y aura 1,24 milliard d’euros de surcroît d’activité pour l’Etat et les entreprises françaises ». Un mois plus tard, l’optimisme du gouvernement est sans doute plus discret.
Selon les prévisions, la France doit accueillir du 10 juin au 10 juillet quelque 7 millions de supporteurs étrangers, dont 2,5 millions munis de billets pour assister aux matchs. Une véritable marée humaine, conséquence notamment d’un tournoi à la formule élargie, puisque 24 pays y participent, contre 16 depuis 1996, qui est devenu un défi de taille pour le pays hôte, peut être plus encore que pour son équipe de football.
La question sécuritaire
« Notre objectif est que l’Euro soit une grande manifestation festive, mais nous devons la vérité aux Français. Zéro pour cent de précautions, c’est 100 % de risques, mais 100 % de précautions, ce n’est pas le risque zéro… Nous faisons tout pour éviter une attaque terroriste, et nous nous préparons à y répondre », expliquait le ministre de l’intérieur, Bernard Cazeneuve, mercredi 25 mai, qui annonçait que 42 000 policiers et 30 000 gendarmes seraient mobilisés pour l’occasion.
Après une opération similaire à Lille, c’est autour du Parc OL de Lyon que sera organisée lundi 30 mai une simulation d’attaque terroriste, exercice grandeur nature visant à tester les troupes chargées d’y répondre. Les stades – placés sous la protection de 10 000 agents de sécurité privés engagés par l’UEFA comme les camps de base des 24 équipes et tous les sites et hôtels officiels - disposeront eux d’un double périmètre de contrôle.
Dans les villes hôtes, la majorité des spectateurs se massera dans les fan-zones, ces espaces réservés à la retransmission des matchs sur écran géant et capables d’accueillir jusqu’à 100 000 personnes à Paris. Celles-ci seront sécurisées par des effectifs du privé sous la responsabilité des collectivités territoriales, mais les forces de police auront la possibilité d’y effectuer des « patrouilles préventives » ou d’intervenir en civil pour constater ou prévenir des infractions.
« Tout rassemblement populaire peut être dangereux (mais) ne créons pas un climat anxiogène », a insisté le ministre des sports, Patrick Kanner, un vœu forcément pieux, puisqu’il ne faut pas non plus oublier les plus traditionnels problèmes liés aux hooligans. Deux cents policiers étrangers seront donc intégrés à des équipes mobiles et patrouilleront en uniforme aux abords et dans les stades, fan-zones, aéroports et gares, avec pour mission de surveiller ces hooligans, pour la plupart identifiés de longue date.
« Jamais un événement n’aura été autant sécurisé que l’Euro 2016 en France », a encore martelé Patrick Kanner.
Les mouvements sociaux
En 1998, il avait fallu attendre le 10 juin, premier jour de la Coupe du monde, pour que cesse une grève des pilotes d’Air France, lancée le 1er juin. En 2014, la Brésil avait connu une période de conflit social intense avant le Mondial. Rien d’étonnant à ce que l’Euro serve désormais de moyen de pression dans le bras de fer qui oppose gouvernement et opposants au projet de loi travail.
Blocages en cascade, pénurie de carburants, perturbations sur les routes, les ports et les centrales nucléaires, nouveaux défilés… la contestation a pris fin mai une nouvelle ampleur. « L’Euro de football c’est pas sacré, c’est une compétition internationale. Le sacré, c’est le sort qui est fait aux travailleurs dans le pays et dans le monde », a ainsi déclaré l’ancien secrétaire général de la CGT Bernard Thibault, sur France Info. Son successeur Philippe Martinez s’est montré plus politique : « On ne va pas empêcher les gens d’aller voir les matchs de foot mais il faut que le gouvernement aussi veuille discuter. Tout est entre les mains du gouvernement. »
A la SNCF, les quatre syndicats représentatifs (CGT, UNSA, SUD-Rail, CFDT) ont déposé des préavis de grève reconductibles à partir du mardi 31 mai. Pour les Franciliens, des difficultés sont aussi à prévoir à partir de jeudi à la RATP, avec un appel à la grève « illimitée » de la CGT, qui fait suite au préavis similaire posé à partir du 10 juin par SUD-RATP, troisième force syndicale.
Le trafic aérien pourrait aussi connaître des perturbations en raison d’une grève à l’Aviation civile (DGAC) prévue du 3 au 5 juin, pour des revendications purement internes. Enfin, dans les ports et docks, la CGT appelle à un arrêt de travail de vingt-quatre heures jeudi contre la loi El Khomri.
A cette liste s’ajoute les routiers, la fédération des transports ayant appelé ses syndicats (transports collectifs, de fonds, déchets, etc.) à des journées d’action du 10 juin au 10 juillet dans toutes les villes concernées par l’Euro. Mais aussi les taxis, selon l’association Taxis de France, qui réclame la suppression du statut des VTC. Et sans oublier les buralistes qui menacent de bloquer l’accès aux stades pour protester contre l’entrée en vigueur en janvier 2017 du paquet de cigarettes neutre.
Vu de l’étranger, ces mouvements ne semblent toutefois pas refréner les ardeurs des supporters. Les réservations dans les transports atteignent des niveaux sans précédent, notamment l’Eurostar, qui estime à 500 000 le nombre de billets vendus pendant la compétition.
Conseillant à ses compatriotes venant en voiture de le faire avec un réservoir plein, le quotidien The Independent s’amuse des mots du président François Hollande, qui déclarait depuis son voyage au Japon qu’il s’agissait là d’un « simple conflit traditionnel ». « Autrement dit : “Ne vous en faites pas, la France est simplement la France.” », en conclut le journal anglais.
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