par fernando » 04 Mai 2017, 16:29
Le débat Le Pen-Macron vu par la presse étrangère : «Le plus violent de la Ve République»
«Insultes personnelles et venimeuses», «confrontation violente et cacophonique», «triste spectacle»... La presse étrangère s'étonne du niveau du débat présidentiel de mercredi soir.
Les deux heures trente de débat entre Emmanuel Macron et Marine Le Pen, durant lesquelles ont fusé les insultes, le tout ponctué de rictus agressifs de la présidente du FN, laisseront probablement des marques, au-delà de nos frontières.
La presse étrangère, de l’Espagne aux Etats-Unis en passant par la Belgique, s’étonne jeudi des «insultes personnelles et venimeuses», comme l’écrit The Guardian. Il s’agit, selon le quotidien, d’une «première» pour un format télévisuel qui n’a pas bougé en quarante ans. «Cette vieille cérémonie républicaine, où le respect et l’intelligence des deux candidats sont censés s’exprimer, a peut-être été avilie pour toujours», juge, plus grave, El Mundo.
«La confrontation entre les deux finalistes de la présidentielle française a souvent été violente et cacophonique», décrit de son côté le Temps, qui qualifie le débat de «triste spectacle» et juge qu’il s’agit du «plus violent de la Ve République». Sur son site, le quotidien le Soir a publié une vidéo intitulée «Entre Macron et Le Pen, le débat a viré au pugilat», pour montrer l’ampleur des dégâts.
Un show à l’américaine
Aux Etats-Unis, pour la presse, cette confrontation a quelque chose d’assez familier. The New York Times s’étonne ainsi d’un débat qui «avait tout d’un show télé à l’américaine, assez loin des discussions raisonnables auxquelles les Français sont habitués» : «C’était un cas de violent combat verbal : les deux ont été agressifs, se coupant la parole, remuant les poings, pointant du doigt, laissant les modérateurs perplexes et impuissants.»
The Washington Post aussi s’étonne de la qualité du débat, qui correspond plus au niveau des Etats-Unis que de la France. «Malgré les enjeux, ce débat a rarement atteint la hauteur et la qualité rhétorique qui caractérise d’habitude en France la parole politique. Ce débat ressemblait aux échanges entre Hillary Clinton et Donald Trump.»
D’autres médias ont d’ailleurs comparé Marine Le Pen au nouveau président américain, Die Zeit titrant part exemple : «Le Pen a fait du Trump». Le quotidien allemand écrit par ailleurs que la candidate a voulu «faire régner une ambiance de comptoir de bistrot français», donnant une vision assez injuste des bistrots en question…
Le bulldozer contre le professeur
Résultat des courses, après cette confrontation aux accès d’hystérie : Macron sort vainqueur, pour la plupart des médias étrangers. «Le Pen a confondu le studio avec un ring de boxe», estime le Soir, dans un article intitulé «Le bulldozer contre le professeur» : «Macron a tenté de dérouler son programme, maîtrisant ses dossiers, mais incapable de rendre ses propositions totalement audibles dans un débat très peu tenu par les deux arbitres.»
Sans briller donc, le candidat d’En marche s’est contenté de gagner cette manche en ne s’abaissant pas au niveau de sa concurrente. «Dans un spectacle honteux, Macron est apparu comme un mal mineur et Le Pen un mal majeur», écrit ainsi El Mundo, qui explique que le premier n’a eu qu’à montrer la faiblesse de la seconde sur le fond, et notamment sur l’euro. L’hésitation d’une Marine Le Pen bafouillant, interrogée par son concurrent sur la sortie de l’euro, a d’ailleurs été relevée par de nombreux quotidiens.
En Espagne toujours, El País parle d’un «combat anormal, asymétrique, de l’escrime contre du catch, un fleuret contre un marteau, des arguments contre de l’affect».
The Telegraph, de son côté, a choisi de pointer l’échec de la candidate du FN (qui ne se présente plus comme telle), plutôt que la relative réussite d’Emmanuel Macron, titrant : «Marine Le Pen a oublié la règle majeure d’un débat : rester calme et avoir l’air présidentiable». Le quotidien anglais lui accorde tout de même de ne pas s’être trop mal débrouillée sur le sujet sécuritaire mais juge que sur le reste, Marine Le Pen a semblé pour le moins confuse.
L’opposante prête à tout et le premier de la classe
Le Temps tire un bilan un peu plus mitigé de cette confrontation, en s’interrogeant : «Faut-il juger le vainqueur du débat à la virulence des propos tenus ? Ou à sa capacité à rassembler ? Si l’on s’en tient au premier registre, la candidate du Front national a dominé en matière d’agressivité. […] Si l’on s’interroge sur la capacité à rassembler, la prime va en revanche à Emmanuel Macron.» Et d’en tirer une conclusion peu réjouissante : «La France devra choisir dimanche entre une opposante en chef prête à tout pour s’imposer et casser, et un très (trop ?) jeune responsable politique, style premier de la classe susceptible d’hériter du pouvoir suprême par défaut.»
Dernière constante dans les pages de la presse étrangère : l’interrogation face à l’attitude des deux journalistes qui devaient orchestrer le débat, Nathalie Saint-Cricq (France 2) Christophe Jakubyszyn (TF1), manifestement débordés par la violence du débat. «Les deux journalistes ont eu du mal à en placer une, peinant d’interrompre les deux candidats qui, parfois, s’éloignaient bien loin de la question de départ», note par exemple le Soir, quand The Times décrit des journalistes luttant et échouant souvent «à garder le contrôle».
Particulièrement dur, le quotidien allemand Die Welt écrit : «Si le débat a déraillé dès la première minute, cela est également dû aux deux présentateurs qui en méritaient à peine le nom. […] Malheureusement, personne ne leur avait dit qu’ils devaient modérer un débat présidentiel. Impassibles, ils ont regardé les candidats multiplier les insultes.»
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