A Nice, une militante d’Attac gravement blessée par une charge policière
Geneviève Legay, porte-parole d’Attac dans les Alpes-Maritimes, a été blessée alors qu’elle participait pacifiquement samedi à la mobilisation interdite des « gilets jaunes » à Nice. Elle a été emportée par une charge policière.
Les images sont spectaculaires. On y voit une dame, cheveux blancs, gilet jaune sur le dos, tenant un drapeau arc-en-ciel à la main, manifestant dans les rues de Nice. Puis, quelques instants plus tard, on y voit une dame, cheveux blancs, inerte au sol, son drapeau à quelques centimètres d’elle. Des policiers l’enjambent sans lui porter immédiatement secours.

Ces images ont été prises à l’occasion de la manifestation des « gilets jaunes », à laquelle participait Geneviève Legay, 73 ans (ou 74 ans selon les sources), porte-parole de l'organisation altermondialiste dans les Alpes-Maritimes.
Selon l’organisation altermondialiste, les forces de l'ordre « ont procédé à une violente charge au cours de laquelle Geneviève est tombée au sol, sa tête heurtant un poteau métallique ». Elle avait « une attitude totalement non violente, scand[ait] “Liberté de manifester” peu avant la charge policière », affirme Attac dans un communiqué. « Geneviève est impliquée depuis des années dans de nombreux combats pacifiques, réagit Raphaël Pradeau, l'un des porte-parole de l'organisation. C'est une icône de non-violence qui se retrouve à l'hôpital. »
Peu après, une vidéo, publiée par le documentariste David Dufresne sur Twitter (voir par ailleurs son travail sur les violences policières dans Mediapart) et dont le montage a été réalisé par des militants insoumis, montre une situation tendue.
Il est 11 heures environ, selon France 3, et une soixantaine de manifestants sont présents sur la place Garibaldi, où les « gilets jaunes » n’avaient pas l’autorisation de la préfecture de se rassembler.
Une voix dit : « Ils arrêtent encore les medics », du nom de ces bénévoles qui interviennent pour soigner les blessés lors des manifestations. Puis un avertissement : « Dernière sommation. » Et un ordre : « Chargez ! »
Dans la confusion, on aperçoit un drapeau arc-en-ciel à terre. Puis une voix dit : « Oh la femme, ce qu’ils lui ont mis. » La même voix demande que les forces de l’ordre laissent passer les medics, puis : « Appelez les pompiers. »
Un policier est accroupi à côté d’une dame aux cheveux blancs. Il y a du sang au sol, visiblement en raison d’une blessure à la tête.
Un manifestant appelle les medics pour qu’ils interviennent. Un policier rétorque : « Participation à une manifestation interdite. Malgré les dispersions. Le parquet appréciera. (…) Donc on interpelle. » On entend enfin un représentant des forces de l’ordre préciser que les pompiers « arrivent ».
Évacuée, Geneviève Legay a été transférée à l’hôpital Pasteur. Selon une de ses filles, Delphine Parent, sa mère souffre de plusieurs fractures au crâne, d’une fracture de l’os de son oreille interne, le rocher, ainsi que de nombreux hématomes sous-duraux. Ce n’est que dans la soirée de samedi que les médecins ont considéré que son pronostic vital n’était plus engagé.
« Elle doit rester encore 48 heures sous surveillance. Elle est consciente, sous perfusion de morphine, car elle a de violents maux de tête », a ajouté Delphine Parent samedi.
Joint par Mediapart, l’avocat Arié Alimi a annoncé que la famille s'apprêtait à déposer plainte contre « X » pour « violence volontaire en réunion avec arme par personnes dépositaires de l'autorité publique et sur personne vulnérable ». « Notre plainte vise aussi la complicité par ordre du préfet des Alpes-Maritimes », a-t-il précisé.
Le procureur de la République de Nice a annoncé samedi qu’une enquête avait été ouverte « en recherche des causes des blessures ». « J’ai ordonné la saisie des images vidéo, par ailleurs d’excellente qualité, et fait des réquisitions auprès de l’hôpital Pasteur », a indiqué Jean-Michel Prêtre qui a aussi fait ausculter Geneviève Legay. La militante associative a chuté « et s’est cognée contre un pylône fixe », dit cette même source, citée par Reuters.
« Quand on se maintient dans une manifestation après les sommations réglementaires pour dire que les gens doivent se disperser, c’est un délit. Pour elle, ce n’est pas si net : là où ça s’est passé, c’était presque en dehors de la place, dans un mouvement confus des forces de l’ordre et des manifestants », a poursuivi le procureur.
Quant à la ministre de la justice, Nicole Belloubet, elle a manifestement un avis déjà très établi sur les événements :
« Je trouve tout de même curieux que lorsqu’une manifestation est interdite, comme c’était le cas à Nice, quelqu’un aille absolument avec la volonté de manifester à cet endroit-là. Il y avait quelques périmètres, dans certaines villes, où les manifestations étaient interdites. À la suite de sommations, une personne qui y reste est susceptible de commettre un délit et c’est dans ce cadre-là que les événements se sont passés », a déclaré la garde des Sceaux sur BFM TV.
Samedi, plusieurs secteurs de la ville de Nice – comme partout en France (lire nos reportages à Toulouse et à Paris) – avaient été interdits de manifestation. Le préfet avait établi des périmètres interdits à toute personne sauf aux résidents, avec un filtrage de l’accès par la police, des palpations et des fouilles, et une interdiction de circulation et de stationnement des véhicules.
La demande avait été formulée par le maire de Nice Christian Estrosi. « Les moyens mis en place étaient proportionnels », a-t-il affirmé samedi, avant de rendre hommage aux policiers. « Je vois des forces de l'ordre qui sont extrêmement fatiguées, face à des personnes dangereuses qui ont dénaturé totalement le mouvement des gilets jaunes. La solidarité et la cohésion nationale sont désormais une exigence », a-t-il encore dit, alors que Geneviève Legay était à l'hôpital.
De nombreuses organisations du mouvement social ont vivement réagi depuis samedi. Attac, d’abord, a dénoncé les mesures mises en œuvre contre les rassemblements des gilets jaunes.
« L’interdiction par le préfet des manifestations et rassemblements dans une grande partie de Nice est illégitime et ne peut justifier d’utiliser la force contre des citoyenˑneˑs qui se rassemblent pacifiquement pour exprimer leurs opinions. (…) Attac France condamne la répression des rassemblements pacifiques qui ont eu lieu ce samedi et s’indigne de la grave restriction des libertés publiques actuellement en cours en France. »
« Rien ne peut justifier qu’une femme de 74 ans se retrouve à l’hôpital avec de graves blessures parce qu’elle voulait exercer son droit de manifester », a également dénoncé la Ligue des droits de l’homme dans un communiqué, affirmant que la famille n’était pas informée de « toutes les informations utiles sur son état de santé ». « La LDH assure Madame Legay et sa famille de toute sa solidarité et exige qu’une enquête soit menée en toute impartialité et en toute transparence. »
La CGT des Alpes-Maritimes a réagi samedi en dénonçant des « violences policières injustifiées et inacceptables ».
Un rassemblement est prévu lundi 24 mars à 18 heures à Nice, à l’appel d’Attac.
"L'alcool tue lentement. On s'en fout, on a le temps."