Baratte a écrit:il est difficile de se nourrir quand on est retraité
fernando a écrit:Allez pour véner Baratte de bon matin
La pauvreté et les inégalités au plus haut depuis trente ans
L’Insee a publié, lundi 7 juillet, ses données pour l’année 2023 : le taux de pauvreté atteint 15,4 %, son plus haut niveau depuis le début du décompte en 1996. L’écart entre les 20 % les plus riches et les 20 % les plus pauvres s’est creusé, proche de celui du début des années 1970.
Cela fait presque trente ans que l’Institut national de la statistique et des études économiques (Insee) mesure, chaque année, la pauvreté et les inégalités au sein de la population de France métropolitaine vivant en logement ordinaire. Jamais celles-ci n’avaient atteint les sommets enregistrés pour l’année 2023, publiés lundi 7 juillet : 9,8 millions d’habitants vivent sous le seuil de pauvreté monétaire, fixé à 60 % du revenu mensuel médian, soit 1 288 euros, pour une personne seule.
Environ 650 000 personnes ont basculé dans la pauvreté en l’espace d’une année, soit la progression la plus forte depuis 1996, début de la méthode de calcul actuelle. Le taux de pauvreté a atteint 15,4 %, après 14,4 % en 2022, soit un niveau et une hausse également record. Il en va de même concernant les inégalités : les 20 % les plus riches ont eu des revenus 4,5 fois supérieurs aux 20 % les plus pauvres, un écart historique sur les trente dernières années. Le coefficient de Gini, autre mesure des inégalités, frôle son maximum, atteint en 2011.
« Il faudrait remonter aux débuts des années 1970 pour constater des inégalités un peu plus fortes », affirme Michel Duée, chef du département des ressources et des conditions de vie des ménages de l’Insee. Comment expliquer ces constats ? « Le niveau de vie, soutenu par une conjoncture favorable de l’emploi, a augmenté plus vite que l’inflation, sauf pour les plus modestes », résume-t-il.
Le niveau de vie médian a atteint 2 150 euros mensuels pour une personne seule, une hausse plus forte (+ 5,9 %) que l’inflation (+ 4,9 % en moyenne annuelle), soit une augmentation en euros constants de 0,9 %. Mais les évolutions à chaque extrémité du spectre des revenus ont été très différentes. Le niveau de vie des 10 % les plus riches a ainsi progressé de 2,1 % en euros constants, « porté par les rendements des produits financiers », souligne M. Duée. Cette catégorie a également bénéficié de la dernière phase de l’exonération de la taxe d’habitation. Tandis que les 30 % d’habitants les plus modestes ont connu une baisse de leur niveau de vie, particulièrement marquée pour les 10 % les plus pauvres (– 1 % en euros constants).
Phénomène des « travailleurs pauvres »
Selon M. Duée, « cette baisse du niveau de vie des plus modestes s’explique par l’arrêt des mesures exceptionnelles, qui avaient été prises en 2022 – l’indemnité inflation, la prime exceptionnelle de rentrée, la revalorisation anticipée des prestations sociales –, ainsi que par une hausse du nombre des microentrepreneurs aux revenus faibles ». De plus, les aides au logement n’ont pas été revalorisées à la hauteur de l’inflation et elles ont bénéficié à moins de personnes que les années précédentes.
Si l’on se concentre sur les statuts d’activité, le phénomène des « travailleurs pauvres » se renforce (8,3 % des actifs en emploi sont pauvres, en hausse de 0,6 point), tout comme la pauvreté des chômeurs (36,1 %, en hausse de 0,8 point), notamment liée à la réforme de l’assurance-chômage. Les retraités ont vu leur taux de pauvreté progresser de seulement 0,3 % et rester faible, à 11,1 %, les plus modestes d’entre eux ayant bénéficié de la réforme des retraites.
La pauvreté des familles monoparentales a particulièrement augmenté, passant de 31,4 % à 34,3 %. La revalorisation de l’allocation de soutien familial de 50 %, fin 2022, n’a pas compensé l’arrêt des aides exceptionnelles, et certaines familles ont, par ailleurs, connu des périodes d’emploi plus courtes dans l’année et des temps partiels avec moins d’heures. Cela a contribué à faire progresser le taux de pauvreté des enfants, qui a atteint 21,9 % (+ 1,5 point).
Ces différents chiffres sont cependant en deçà de la pauvreté monétaire réelle, puisqu’ils n’incluent ni les habitants des départements d’outre-mer, ni les personnes sans abri, ni celles qui vivent en habitation mobile ou en institution (établissements d’hébergement pour personnes âgées dépendantes, foyers de jeunes travailleurs…), ni les ménages dont la personne de référence est étudiante. L’Insee avait estimé, grâce à des sources complémentaires, que ces différentes catégories totalisaient, en 2021, plus de 2 millions de personnes pauvres, à ajouter aux 9,1 millions recensées en logement ordinaire en France métropolitaine.
Pour le président du Conseil national des politiques de lutte contre la pauvreté (CNLE), le sociologue Nicolas Duvoux, « un seuil d’alerte a été franchi ». « Nous ne sommes plus sur une stabilisation de la pauvreté à un niveau élevé, mais dans une dynamique de hausse », affirme-t-il. Le constat dressé dans une récente étude du CNLE, portant sur les années 2015 à 2022, se trouve confirmé : « La baisse du chômage n’entraîne plus comme avant une baisse de la pauvreté : il y a une précarité du marché du travail, et l’encouragement au développement du statut de microentrepreneur n’a pas permis d’endiguer [sa progression] », constate le chercheur, qui appelle à une « action résolue ».
« Se doter d’une stratégie »
« Le constat est dramatique et insupportable, avec près d’un Français sur six en situation de pauvreté en 2023 », réagit Delphine Rouilleault, la présidente du collectif Alerte, qui rassemble 37 associations nationales de solidarité (Emmaüs, Secours catholique, ATD Quart Monde, Fondation pour le logement des défavorisés, etc.).
Si ni l’Insee ni le CNLE ne se risquent à formuler des hypothèses pour 2024, le collectif Alerte craint, pour sa part, que cette paupérisation continue, du fait de mesures récentes : l’obligation faite aux allocataires du revenu de solidarité active, depuis le 1er janvier, d’effectuer quinze heures d’activité hebdomadaires, sous peine de sanctions, qui risque d’augmenter le taux de non-recours à cette aide, déjà élevé ; la baisse, dès 2025, des financements alloués à l’insertion par l’activité économique et des crédits exceptionnels accordés à l’aide alimentaire ; la loi Kasbarian-Bergé de juillet 2023, qui a contribué au nombre record d’expulsions locatives.
Les associations du collectif Alerte ont rencontré le premier ministre, François Bayrou, jeudi 3 juillet. Ce dernier s’est engagé à maintenir, en 2026, les 203 000 places d’hébergement d’urgence actuelles, et à fixer un objectif à dix ans de réduction de la pauvreté, comme prévu par une loi de 2008. « Il faut aussi se doter d’une stratégie et de moyens, exhorte Delphine Rouilleault. Il existe des marges de manœuvre, avec des niches fiscales et des aides aux entreprises injustes ou inefficaces. Geler les prestations sociales en 2026, comme cela a été suggéré dans le cadre d’une année blanche, est, en revanche, inenvisageable. »
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