par fernando » 15 Mai 2014, 16:20
Beau palmarès en seulement 2 ans.
François Hollande, ou comment enterrer ses promesses en 7 leçons
Les critiques adressées à François Hollande au cours de ses deux premières années de mandat se sont souvent concentrées sur le reniement de ses promesses de campagne. Mais alors que certains grands engagements symboliques, comme le combat contre la finance ou l’exemplarité du comportement, ne cessent de revenir dans la bouche de ses détracteurs, d'autres, plus nombreux, sont passés inaperçus.
"Lui Président", qui suit le destin des promesses de François Hollande depuis deux ans, vous propose une analyse de l’art délicat du "briser de promesse" tel que pratiqué par le président socialiste.
■1. Assumer l’échec
■2. Renvoyer la promesse aux calendes grecques
■3. Reporter la faute sur les autres
■4. Changer la promesse en cours de route
■5. Jouer sur les mots
■6. Tenir, puis revenir sur la promesse
■7. Espérer que cela passe (plutôt) inaperçu
1. Assumer l’échec
Face à la réalité implacable des chiffres, l’exécutif n’a souvent eu d’autre choix que de reconnaître son échec. Ce fut le cas sur le retour du déficit à 3 % dès 2013 ou sur l’inversion de la courbe du chômage , mais également sur les impôts, que François Hollande a promis d’augmenter "le moins possible" en 2014 après avoir annoncé leur stabilisation , que François Hollande a finalement promis . Quelques semaines plus tôt, Pierre Moscovici avait renoncé à légiférer sur les rémunérations abusives dans le privé , s’en remettant à un code de bonne conduite élaboré par le patronat. Sont passées au passage à la trappe la suppression des stocks-options et l’encadrement des bonus .
L’exercice du pouvoir a également conduit le président Hollande à reculer sur des engagements plus symboliques : à l’été 2013, alors qu’il brisait pour la quatrième fois sa promesse de ne pas donner d’interview depuis l’Elysée , son entourage a expliqué que "s’exprimer depuis le lieu de pouvoir" était "normal", les temps s’étant "durcis". La porte-parole du gouvernement, Najat Vallaud-Belkacem, a rajouté que la différence avec l'époque Sarkozy était marquée par l'absence "d'infériorisation quasi hiérarchique des journalistes".
Le principe de réalité semble également avoir eu raison de sa promesse de prendre le train plutôt que l'avion "par souci de proximité et d'économie" : le chef de l’Etat s’est rendu à Lille en avion pour pouvoir "rentrer plus vite à Paris [...] dans un contexte de conflit international".
2. Renvoyer la promesse aux calendes grecques
Certaines thématiques ont été remisées sous le tapis à mesure que les difficultés s’amoncelaient sur le chemin de la majorité. C’est le cas de la PMA (procréation médicalement assistée) , promise aux couples de lesbiennes et aux femmes seules pendant la campagne, puis successivement écartée de la loi sur le mariage pour tous et du projet de loi sur la famille, jusqu’à être conditionnée à un avis favorable du comité consultatif national d’éthique – prévu pour la fin 2014.
La "relance de l’union politique européenne" a suivi le même scénario : François Hollande avait annoncé des initiatives communes avec Angela Merkel avant les élections fédérales allemandes de septembre 2013, avant de les repousser à l’après-élections. Depuis, aucune démarche n’a été entreprise.
3. Reporter la faute sur les autres
A tort ou à raison, François Hollande et son entourage ont souvent justifié la distance prise avec les promesses de campagne par les vents contraires soufflant sur son quinquennat. La mauvaise volonté des alliés européens de la France ont compromis son projet de renégocier le traité européen de stabilité budgétaire , enterré les euro-obligations pour "plusieurs années" et réduit les ambitions de la taxe européenne sur les transactions financières .
Le Conseil constitutionnel a retoqué la première version de la taxe à 75 % sur les hauts revenus , contraignant le gouvernement à la réduire à portion congrue. L’établissement français du sang a opposé une fin de non-recevoir à l’ouverture du don du sang aux homosexuels et les parlementaires socialistes ont renoncé à appliquer le non-cumul des mandats dès 2012 . La volte-face de Barack Obama a hypothéqué la « réaction fulgurante » de la France aux attaques chimiques perpétrées en Syrie et la frilosité de la communauté internationale a contraint Paris à une intervention solitaire au Mali .
Malgré les circulaires prises par le ministère de l’intérieur Manuel Valls, les préfets n’ont pas suivi les engagements de François Hollande sur le relogement des familles de Roms expulsées et sur la fin de la rétention des enfants .
Enfin, l’alliance de circonstance de la droite, du centre et d’une partie de la gauche non-socialiste a été tenue responsable de l’échec du paquet de réformes constitutionnelles annoncé par le candidat socialiste. Constitutionalisation du dialogue social , fin de l’accession des anciens présidents au Conseil constitutionnel , ratification de la charte européenne des langues régionales , réforme du statut pénal du chef de l’Etat et droit de vote des étrangers ont été hypothéqués à l’été 2013 alors que se profilait un échec de François Hollande à rassembler une majorité des trois cinquièmes du Parlement. Notons toutefois qu’il lui restait la possibilité de faire adopter ces réformes par référendum.
4. Changer la promesse en cours de route
L’astuce de l’amendement des promesses a été utilisée à de multiples reprises depuis le début du quinquennat. Annoncés pour 2014, le droit de vote des étrangers et le non-cumul des mandats ont été respectivement reportés sine die et repoussé à 2017, avec une conséquence sérieuse : ils ne se sont pas appliqués lors des municipales de 2014. Quand la stabilisation des impôts pour 2014 s’est révélée improbable, l’exécutif a avancé l’idée d’une "pause fiscale", qui s’est déplacée de 2014 à 2015, avant de se transformer en baisse des impôts en 2016, puis "d’ici 2017". Dix-huit mois après avoir acté l’abandon du chantier du centre national de la musique , la ministre de la culture Aurélie Filippetti a également décidé de recoller les morceaux en réorientant les missions du Centre national des variétés vers la musique.
Sur l’inversion de la courbe du chômage , l’astuce de François Hollande est loin d’être passée inaperçue. D’abord promise pour septembre 2013, elle a été discrètement repoussée à la fin 2013 – sans succès. Le nouveau ministre du travail, François Rebsamen, a changé son fusil d’épaule en fixant comme objectif le passage sous la barre des 3 millions de chômeurs avant la fin du quinquennat.
5. Jouer sur les mots
C’est l’une des promesses qui a le plus fait jaser en début de quinquennat : "Je n’aurai pas autour de moi à l’Élysée des personnes jugées et condamnées" . Si plusieurs ministres ont été nommés malgré de précédentes condamnations (Jean-Marc Ayrault, Christiane Taubira, Harlem Désir), stricto sensu, aucun conseiller de l’Elysée ne se trouvait dans cette situation.
Il en est de même de la promesse d’arrêter les commandes de sondages de l’Elysée , prolifiques sous le quinquennat Sarkozy. Si la diète est officiellement de mise, plusieurs articles suggèrent que la présidence commande des études indirectement, par l’intermédiaire du service d’information du gouvernement (SIG), rattaché à Matignon.
Encore une fois, François Hollande a tenu, à la lettre, sa promesse de séparer les activités spéculatives des activités "réelles" au sein des banques . Seulement, la définition de la frontière entre les deux a suscité beaucoup de critiques, au motif qu’elle épargnait l’immense majorité des activités spéculatives des banques.
Conformément à son agenda international, le président français a bien achevé à la fin 2012 le retrait d’Afghanistan des troupes françaises… combattantes , laissant sur place quelques centaines de militaires pour assurer la transition.
Enfin, il a fait savoir que le fait de recevoir des parlementaires à l’Elysée ne brisait pas sa promesse, car il ne s’agissait pas de "grands-messes" comme à l’époque de Nicolas Sarkozy. De la même façon que les discrètes réceptions de dictateurs à Paris contrastaient selon son entourage avec les visites en "grand appareil" de mise lors du quinquennat précédent…
6. Tenir, puis revenir sur la promesse
A plusieurs reprises, François Hollande s’est empressé de détricoter ce qu’avait mis en place Nicolas Sarkozy, avant de revenir quelques temps plus tard avec une idée étrangement similaire. C’est le cas de la "TVA sociale", abrogée dès l’été 2012 . Quelques mois plus tard, la majorité votait une augmentation de la TVA pour financer des mesures pour la compétitivité des entreprises .
Après avoir annulé la création du "conseiller territorial" imaginé par Nicolas Sarkozy au printemps 2013, François Hollande a présenté en début d’année un projet de réforme territoriale qui supprime elle aussi les conseils départementaux et la clause de compétence générale .
7. Espérer que cela passe (plutôt) inaperçu
Le président a-t-il regretté les multiples petits engagements pris au gré de sa campagne, ou les a-t-il tout simplement oubliés ? En 2013, il ne s’est en tout cas pas rendu à la commémoration annuelle du génocide arménien , et n’a pas empêché plusieurs de ses conseillers de parler dans les médias . L’indignation de la communauté du logiciel libre n’a pas non plus dérangé le gouvernement au moment d’enterrer l'interdiction de la vente liée de logiciels et de matériel informatique . Pas plus que celle des ONG au moment de renoncer à augmenter l’aide française au développement . Peu de commentateurs se sont en outre émus lorsque le gouvernement a abandonné la réforme censée réindexer le smic sur l’inflation , au motif qu’elle présentait "beaucoup d’inconvénients".
Cette stratégie de la discrétion a toutefois révélé ses failles quand il s’est agi de mettre fin à la "sanctuarisation" du budget de la culture en 2013 ou de réduire de 3 milliards les dotations aux collectivités territoriales , en raison de la visibilité médiatique des intérêts en jeu. La curiosité de la presse politique n’a enfin pas manqué de relever que la règle de 10 conseillers maximum par ministre avait été allègrement brisée sous le gouvernement Ayrault, puis relevée à 12 conseillers depuis l’arrivée de Manuel Valls à Matignon.
"L'alcool tue lentement. On s'en fout, on a le temps."