par fernando » 25 Jan 2016, 14:31
The X-Files – Un retour bien laborieux
Il existe toujours un soupçon (une méfiance) qui précède la résurrection d'une série, d'autant plus si cette dernière a connu en son temps le succès et s'est imposée comme influente. Les exemples sont légions de ces "redémarrages", accompagnés d'un plan marketing insistant, qui se sont révélés au mieux poussifs, au pire inutiles, parce que trop de temps avait passé, parce qu'il est préférable de ne pas déranger les souvenirs et parce que les époques, comme les histoires auxquelles elles ont donné naissance, ne sont pas transposables.
Il en va de The X-Files comme il en va des autres. Après neuf années, après un film assez calamiteux, après un engouement exceptionnel, le retour pour six épisodes de Dana Scully (Gillian Anderson) et de Fox Mudler (David Duchovny), les deux agents du FBI, a quelque chose d'artificiel, de forcé et il va falloir que les amateurs s'exercent à la méthode Coué pour leur faire une place honorable dans le panthéon de la série.
Chris Carter a repris les mêmes ou presque pour ce baroud un rien incongru, dont on ne peut s'empêcher de penser qu'il est avant tout motivé par des raisons commerciales. Mais quatorze années se sont écoulées et quelque chose s'est perdu dans ces quatorze années. Ce côté direct de la narration, cette sincérité née de la conviction de faire une série d'un genre nouveau, cette confiance en soi, cette froideur oppressante et cet humour grinçant.
La grande force de The X-Files était de croire en son originalité et de s'affirmer sans crainte mais sans prétention excessive comme un renouveau de la science-fiction. Elle exsudait une forme d'assurance dans la complexité et l'originalité de sa narration et elle revendiquait cette dernière comme l'expression d'une modernité. En un mot, elle était tournée vers l'avenir.
Dans le premier épisode de la version 2016, Carter essaie très fort de construire un pont avec ce passé, de rétablir un lien. Il essaie de rappeler que son oeuvre a été grande, qu'elle a marqué une génération de spectateurs. Il s'emploie avec insistance à renouer des fils qui se sont détendus ou se sont rompus. Et cela ne peut pas suffire à former une base pour des retrouvailles.
Carter ne prend pas suffisamment en compte le présent et donc les développements futurs. Il ne crée pas de perspective. Il insiste seulement sur ce qui fit le succès d'autrefois et essaie de nous convaincre que seul le temps a passé et qu'il existe une forme de linéarité et de continuité dans le récit. On ne s'attendait pas à voir les choses redémarrer là où elles s'étaient arrêtées, mais on attendait une meilleure prise en compte de ce vide temporel de 14 ans.
Cette absence de perspective laisse le sentiment que ce tour de piste en six épisodes devrait être une juxtaposition de chapitres bouclés, posés les uns à côté des autres. Il était peut-être envisageable de faire une mini-série (l'idée a été suggérée ici ou là), cela n'eut pas été totalement dépourvu de sens compte tenu des aventures passées.
Procédé laborieux
Ce parti pris s'impose dès la première scène dans laquelle Mulder accomplit en voix off un résumé assez longuet et laborieux de qui il est et de ce qu'il a vécu avec Scully. Le procédé est pesant pour ne pas dire maladroit tout en voulant faire "vintage". Tout se passe comme s'il était difficile d'admettre que tout avait vieilli.
Cela est d'autant plus dommage que Gillian Anderson et David Duchovny se sont bonifiés avec le temps, ils sont devenus des acteurs plus subtils, capables de nuances qui n'existaient pas dans leur ancien rôle. Il y avait certainement là quelque chose à exploiter de manière plus radicale, de profiter de cette nouvelle matière qui était offerte. Se contenter d'effets spéciaux plus spectaculaires ne peut pas être suffisant.
Duchovny donne le sentiment de s'ennuyer et de se demander ce qu'il fait là après tout ce temps. Il ne s'agissait pas de le conserver comme le personnage fébrile voire puéril auquel il était si facile de s'identifier à l'époque mais son évolution méritait d'être pensée avec plus d'attention et plus de soin pour qu'il ne vire pas à l'enquêteur d'un quelconque procédural.
Gillian Anderson paraît plus à son aise mais malheureusement, elle est dirigée comme si elle était une simple transposition de la Scully des années 90. Là encore, on pouvait espérer que le temps écoulé ait été mieux pris en compte.
La théorie du complot et la conspiration trouvent, elles, une pertinence renouvelée. Face aux événements récents de l'actualité, les craintes se sont exprimées plus fortement pour dénoncer les risques de manipulations gouvernementales liées à une surveillance accrue depuis les attentats du 11 septembre 2001. Cette veine pouvait être un moyen de redonner une jeunesse à une série qui avait quand même (il faut l'admettre) fini par vieillir et par devenir un peu ennuyeuse. La conspiration est traitée sous la seule forme de l'obsession.
En fait, ce retour est avant tout une exploitation sans fard de la nostalgie et pas grand-chose de plus. Elle mise sur une forme de fidélité, sur une volonté de croire qu'il pouvait exister une autre vérité du récit. Le constat que l'on peut faire est que cette vérité (si elle existe) est toujours ailleurs. Ce que l'on sait désormais est qu'elle n'est pas dans ce premier épisode peuplé de formules types recyclées (Scully: "You, so badly, want to believe"/Mulder: "I do believe") qui convoquent plus le désespoir qu'une mythologie enfouie.
Ce qu'on veut croire, c'est que les reboots méritent la méfiance qui les précède. Qu'il faudrait avoir le courage de résister à la tentation de tomber dans le paquet de madeleines, avoir la force d'ignorer ce qu'on anticipe comme une déception, avoir la force de vivre avec l'absence.
"L'alcool tue lentement. On s'en fout, on a le temps."